Petite Plume (partie 3)

    Tu l’imagines un peu plus. Tu sens qu’un petit quelque chose est né. Ce rêve dernier ne t’a pas laissée indifférente. Tu te plais dans les images. Tu aimes raconter. Seulement deux et te voilà mordue. Déjà à l’école, tu étais la conteuse. Aujourd’hui te voici tisseuse.

 

    Le messager a un peu de retard. Tu espères que rien n’est arrivé à la jeune rêveuse. Tu ne sais pas qui elle est. Mais tu l’imagines jeune femme. Un pressentiment. Une intuition. Tu ne sais pas trop. Les anciens tisseurs n’ont pas pu le savoir. Tu n’as pas d’indices.

 

    En pensant aux indices, tu perds à tenter de deviner ceux du jour. Un nouveau casse-tête. Tu ne sais pas sur quel pied danser. Tu ne sais pas si cela a pu lui plaire. Et alors que tu commences à douter, arrive le messager, comme pour te signifier d’arrêter de t’auto dévaloriser.

 

    Une grande inspiration. Un jour tu t’y habitueras peut-être. Devant le grand livre, tu te tiens. Les mots se dessinent. Une photographie en noir et blanc. Le bruit de la pluie. Un cœur brisé. Et dans un coin, tu remarques que l’image de Max revient. La même image que la rêveuse avait dessiné dans son esprit la nuit passée. La même personne que tu avais évoquée. Tu ne sais pas vraiment comment le prendre. Ni quoi en faire. Tu te dis que peut-être, il y avait des éléments de la fois passée à reprendre…

 

Rêve troisième : « Une goutte d’encre »

Éléments : Photographie en noir et blanc, Bruit de la pluie, Un cœur brisé, Max

 

    Marcher. Toujours. Encore. Dans les rues. Dans les prés. Dans la ville. Dans les champs. Une forêt. De buildings ou d’arbres. De la vie, des animaux ou d’autres hommes. Cherchant sa voie, elle s’aventure et marche. Zigzagant dans le dédale de la vie. Cherchant une sortie, elle se perd et oubli. Parfois se rappelle, relève la tête et sourit. Une petite touche de gris

 

    Au-dessus d’elle toujours le même ciel gris. Une teinte sans pareil qui s’assombrit quand les jours se ternissent, quand la vie ne fait pas de cadeau. Une teinte s’éveille, tirant sur le plus clair dans les moments plus doux, ceux qui acceptent le repos. Un nuancier au-dessus, un nuancier dans les rues. Les diverses teintes se mêlent et s’enchaînent. Une certaine harmonie dans ce monde gris.

 

    Pas de noir. Pas de blanc. Pas d’extrême. Dans les nuances et dans les âmes. Rien de plus. Rien de moins. Un monde où on pense à chacun. Dans le gris une certaine égalité. Une certaine beauté ensorcelle. Elle enchante notre dame. Elle s’avance. Pas à pas. À coups d’idées et de rêves. Les pieds sur le trottoir gris, elle s’éloigne, part retrouver ses amis. Mais le ciel est gris.

 

    Au détour de la rue, un parc. Elle s’y aventure. Elle aime observer les oiseaux argentés. Dessiner des ronds dans l’eau plus pastel que le ciel. S’allonger dans l’herbe au gris vif comparé à celui de la terre plus neutre et sombre. Elle joue avec l’ombre. Se cachant tel un enfant. Des nuages foncés couvrant la voûte au-dessus de sa tête. L’innocence la prenant. Elle ne fait pas attention que sur le sol s’écrasent des gouttes de gris.

 

    Une à une. Elles tombent. Une à une. Elles touchent l’ombre. Une teinte plus sombre sur le parc. Un voile plus terne sur les âmes. Vivre un monde de gris, les humeurs au rythme de la vie. Une météo impactant plus que raison. Certaines saisons éclaircissant la nature. D’autres ternissant les peintures. Quand on se plait à imaginer un monde moins uniforme. Un peu de pluie nous rappelle que la vie n’est faite que de gris.

 

    Et pourtant, la dame sourit. Son âme claire brille dans sa lumière. Elle entrevoit le rayon de soleil. Oubliant ses amis l’espace d’un instant. Elle marche en souriant. Avançant vers ce point. Ce jet de lumière qui semble lui pointer un but. Un seul but. Elle accélère le pas. Peur que la lumière s’éteigne. Elle commence doucement à disparaître. Laissant place au sombre gris.

 

    Arrêt. Déception. Trop d’espoir. Tête baissée. Laisser la pluie tomber. Elle qui pensait que cela pouvait changer. Une simple lumière pour un rêve maintenant éteint. Elle traîne des pieds. Ne sachant où elle est. Elle se perd. S’oublie. Marche sans savoir où aller. Tout se ressemble. Tout lui semble identique. Les nuances se mêlent. Bienvenue dans le monde gris.

 

    Soudain sous ses yeux, une rose. Un gris sombre. Regard dans le regard opposé. Un individu au costume original. Elle ne l’a jamais rencontrée. Elle en est sûre. Elle n’arrive pas à le décrire. Quelque chose en lui semble irréel. Elle ne connait pas cette nuance. Elle hésite à prendre la grise fleur. La personne face à elle à ce quelque chose à elle se dégageant. Elle tend alors la main. Et soudain, la fleur prit la même teinte que le nœud papillon du costume. Mais quel est ce gris ?

 

    Elle ne comprend pas. Mais ne peut lâcher la fleur. La transformation s’opère. Elle s’émerveille devant une telle beauté. Une nouvelle teinte pour compléter le nuancier. Elle ne sait pas ce qui se passe. L’individu lui tend alors la main. Elle n’hésite pas. Elle veut en savoir plus. Elle l’attrape. Il l’entraîne à sa suite. Courant un peu puis se retournant. Levant les bras. Lui montrant la rue aux teintes modifiées. Lui murmurant un simple mot à l’oreille. Couleurs.

 

    Couleurs. Elle le répète. Sans savoir ce qu’elle dit. La personne qui n’est autre que Max lui apprend alors. Elle lui montre. Et ensemble, ces personnes s’amusent à recolorer le monde à l’aide de pinceaux imaginaires. Notre dame redécouvre la vie. Se demande si cela existait depuis tout ce temps. Pourquoi elle ne l’avait pas vu avant ? Devant elle dansent les couleurs.

 

    Elle rit. Le monde se colore. Du rouge. De l’oranger. Du pourpre. Des couleurs chaudes. Du bleu. Du vert. Du mauve. Des couleurs froides. Celles de la nature. Celles de la ville. Celles tristes et celles qui donnent envie de sourire. Certaines aimées d’autres moins. Des mélanges infinis. Une ronde. Autour d’elle, change le monde. Il s’anime. La vie par les couleurs.

 

    Elle a encore tant de choses à apprendre. Tant de choses à voir. Un nouveau rêve se dessine loin du gris. Il joue avec les couleurs. Ce nouveau mot regroupant tellement de possibilités. Dans un monde où il n’y avait qu’un seul nuancier. Maintenant, elle le voit dans son entièreté. Elle marche sans se perdre. Chacun est unique sans tout ce gris qui les rend si semblables. Elle qui se cachait dans son gris. Elle vit aujourd’hui dans la couleur.

 

    Elle tourne sur elle-même. Perdue dans ses pensées. Rattrapée de justesse par le messager coloré. Celui qui lui a montré. Celui qui a fait valser le filtre gris de son âme. Elle le voit lever les yeux vers le ciel. Elle fait de même. Et, au-dessus de leurs têtes, les nuages s’écartent. Ils laissent place à une illusion de la nature. Un brin de poésie. Un soupçon de magie. Car dans le ciel. S’élève un arc-en-ciel. 

 

Réveil.