Un lutin à écharpe

    Il était une fois, au milieu du Grand Nord, reculé du monde, une grande maison. Dans cette maison vivait un homme à la longue barbe blanche et au manteau rouge. Vous voyez sûrement de qui je veux parler. Cependant notre histoire ne sera pas autour de ce personnage. Il faut vous pencher un peu. Tendre l’oreille et porter un œil attentif aux différentes pièces. Peut-être ainsi vous verrez, courir un peu partout, des petits êtres. Vous savez, ceux à la peau un peu pâle ou multicolore quand ils viennent de tomber dans un pot de peinture. Un peu maladroit, un peu boudeur, travailleur, mais avec un très grand cœur.

 

    Un peu, comme les petits êtres bleus, mais la maison remplace la forêt. Des sucres d’orges, mais pas de salsepareilles. Ils ont eux aussi un bonnet, mais vous pouvez les trouver de toutes les couleurs avec souvent en son bout une clochette qui permet de les repérer. Pas de grand méchant par ici. Ni de chat au rire démoniaque. Seulement un gros félin, qui aime un peu trop les câlins et se prélasser devant la cheminée.

 

    Si vous déplacez un livre dans la bibliothèque, vous accèderez au village. Un endroit un peu tordu où les maisons sont toutes uniques, reflétant la personnalité du propriétaire. Non loin de ce lieu un petit tunnel. Ce dernier mène à l’atelier, là où les rêves des enfants prennent vie. Là où les lettres arrivent par centaines et où les petits êtres s’affolent.

 

    Un jour, un nouveau petit lutin arrive à la maison du père Noël. Il est un peu perdu. Mais on lui fait rapidement une place pour qu’il puisse s’installer en lui laissant libre accès à l’atelier pour qu’il ait le choix dans les décorations. Il devait personnaliser son lieu de vie. Une sorte de petit rituel dans ce village peu ordinaire. Une manière de se présenter aux autres sans un mot.

 

    Il range rapidement ses affaires dans le petit placard et part à la recherche de quelques babioles. Il ne sait pas encore quoi faire. Mais il espère qu’en se baladant il trouverait son bonheur. Il tombe alors sur un harmonica. Il le met dans sa poche et continue sa visite et chasse aux merveilles.

 

    Après avoir ramassé et négocié quelques objets, il se retrouve les bras bien pris. Il ne sait plus très bien où aller. Ni s’il arrivait à rentrer chez lui. Soudain, il sent que le poids sur ses bras diminue et que la vue lui revient un peu, juste assez pour voir le chemin. À ses côtés, un lutin avec une grande écharpe jaune et noire porte l’un de ses cartons de bidules.

 

    Sans un mot, il le suit. Le lutin à l’écharpe semble connaitre le chemin et rapidement, ils se retrouvent sur le seuil de la maison du plus jeune. Ce dernier n’a pas le temps de poser ses affaires pour remercier son bienfaiteur comme il se doit qu’il est déjà reparti. Il est un peu triste. Il voudrait le remercier. Il se demande s’il le reverra tout en commençant à installer les décorations.

 

    Tout à coup, il entend une musique ou plutôt juste un instrument et une voix. Il s’arrête dans son travail artistique et va voir en extérieur. Il trouve l’origine du son chez son voisin. Il est assis sur le pas de sa porte et joue d’une toute petite guitare. Un ukulélé. Il chante puis change les paroles pour s’adresser à son nouveau voisin. Il lui indique que le lutin à l’écharpe est bien connu du quartier. Le rayon de soleil de la bibliothèque. Il brille très fort, mais il est difficile de l’attraper.

 

    Le petit discute avec le chanteur un moment puis lui demande une simple chose « si tu pouvais lui dire une chose, tu lui dirais quoi ? ». Le chanteur lui demande alors de repasser un peu plus tard le temps de l’écrire et le plus jeune commence alors son tour du quartier. Guidé d’une maison à l’autre par le propriétaire précédent. Récoltant dans un carnet des phrases, des textes, des mots. De simples captures d’instant, de souvenirs, de compliments, des mots. Sincères et honnêtes.

 

    Il arrive chez lui pour faire à son tour un mot. Et au moment où il va pour partir son voisin lui glisse dans les mains une nouvelle page à ajouter. Le petit se rend alors chez l’Écharpe. Il est un peu timide quand il toque à la porte. Il ne sait pas si on lui ouvrira. Il n’a peut-être pas toqué assez fort. Il dépose alors le livre sur le tapis. Puis laisse simplement la magie s’emparer de l’instant…

Peluche ou Guimauve ?

    Feu de cheminée. Quelques décorations. Un repas bien entamé. Trop grande était la ration. Réveillon en solitaire. Commençant à avoir l’habitude. Une nouvelle fête sans le père. Moment de solitude. Sans famille proche. Un nouveau Noël, isolée. Le temps faisait son effet. Je ne craquais plus. Ou du moins je me retenais. Vacances à l’école où j’étais gardienne, souvenirs de dernière année. Dans la cabane, réfugiée, j’observais, par la fenêtre, les jeunes se balader. Tandis que je m’apprêtais à sortir, pour digérer.

 

    Gardien de la forêt en action. Écureuil bondissant d’arbre en buisson. Manquant de glisser quelques fois sur les branches gelées, des êtres ayant perdu leurs attraits familiers. Le vert de la nature remplacé par le blanc de l’hiver. Je commençais à prendre mes marques. Dans ce labyrinthe où chaque recoin se ressemblait. Je mémorisais les détails qui transparaissaient. Mais avec cette couverture de neige, le tableau se modifiait. Chaque détail qui semblait acquis ne l’était plus.

 

    Et dans ce joli paysage, je me perdis. Malgré mon pelage, le froid me saisit. J’avais du mal à avancer. Pourquoi avais-je quitté mon nid douillet ? Fragile, je me sentais vaciller. Pas lourd. Difficile d’avancer. Sur une branche plus massive, je voulus me poser. Reprendre mon souffle, quelques instants. Je sautais. Visant mon objectif. Visualisant mon but. Griffes touchant l’écorce. Pattes glissant, amorce. Chute non prévue. Frigorifiée. Pas le temps de me retransformer. Une seule pensée. Un buisson. Un tas de neige pour me sauver.

 

    Un choc. Monde tournant. Tout vêtu de blanc. Seule couleur dominante. Avant que le noir prône. Marque sombre. Roi sur son trône. Perte de connaissance. Une absence. Des souvenirs oubliés. Des pensées embrumées.

 

    Douce odeur. Chatouillant mes narines. Une sensation de chaleur. Réchauffant mon cœur. Mon corps glacé, toujours engourdi. J’ouvris lentement les yeux. Lumière des premiers rayons du soleil. Légèrement visible au travers de la paupière mi-close. Vision quelque peu perturbée. Un peu floutée. Adaptation au changement rapide. Conséquences de la chute imprévisible. Plafond au-dessus de moi. Où était passé le ciel de la dernière fois ? 

 

    Tête lourde. Corps las. Difficile de se redresser. Regard toujours affecté. Droite puis gauche. Je ne connaissais en rien ce lieu. Chambre d’enfant au premier abord. Souvenir d’autrefois remontant. Une maison de bois dans un coin. Ce qui ressemblait à des peluches dans un autre. Un simple bureau, près d’une fenêtre. Qui éclairait la pièce. Une douce harmonie se dégageant. Dans les couleurs, dans la disposition tout semblait familier et différent à la fois.

 

    Tu ne peux rien voir. Une mise au point s’impose. Tu ne peux la faire. Cette pièce tu connais le propriétaire. Des jouets familiers. Tu ne peux le remarquer. La photographie d’un père et sa fille. Coïncidence. Pour toi tout restera abstrait. Et moi petite voix. C’est là la dernière fois que tu m’entendras.

 

    Je levais une main à mon visage. Frotter les yeux pour être sûre de bien voir. Ne pas rêver. Quand soudain une drôle de vérité apparut. Les doigts longs et fins n’étaient plus. A leur place un amas de tissus. Une forme marron et blanche. Une séparation par un fil de trois bouts liés. Phalanges collées. Mouvement de main impossible. Mais qu’avais-je dessus ? Je voulus ouvrir la bouche. Attraper entre mes dents ce qui pouvait être un vêtement. Cependant un problème se posa. Impossible. Comme si les lèvres étaient cousues main.

 

    Un mauvais pressentiment. La panique montant. Je tentais de me lever. Déséquilibre amorcé. Écroulement sur l’oreiller. Oreiller ? Il faisait ma taille. Quelle était donc cette sorcellerie ? Un nouvel essai un peu plus maîtrisé. Ou du moins je le croyais. Mouvement de balancier. Glisser. Rouler. Tomber. Me voici sur un… tapis. Je n’étais plus sûre de bien nommer les objets. La notion de taille non respectée. Les détails absents, vision déficiente.

 

    Je n’avais pas eu mal. Étrange. Chute de deux fois ma taille. Comme si le choc avait été amorti. Comme si…

 

    Tout à coup, quelque chose m’attrapa. Me saisit. Me porta. Le sol s’éloignait. Je tentais de me débattre. Autant que je le pouvais sous cette apparence de… Je ne savais même pas à quoi je ressemblais. Ce qui était certain. Pas d’animal. Pas d’humain. Forme imprécise. Inconnue des livres sur les vivants. Nouvelle espèce peut-être.

 

    – Mais pourquoi tu bouges nounours ?

 

    Petite voix anonyme. Appartenant à ce qui me tenait. Ou plutôt ce qui me déposait. Je pouvais enfin voir ce qui était… Ou plutôt qui était-ce ? Une jeune fille. Cheveux couleur nuit. Deux émeraudes brillantes. Curiosité visible. Innocence de l’enfance. Un sourire aux lèvres. Je ne compris point sur l’instant. Jusqu’à ce qu’en me retournant. Sur ce bureau. Face à un miroir, je me retrouvai. Et là, mon monde bascula. Je n’en revenais pas.

 

    – Dis nounours ? Tu sais parler aussi ?

 

    Tournant. Encore et encore. Je ne l’écoutais plus. À quatre pattes, j’étais stable. Maintenant je comprenais. Dans un corps de doudou. D’ourson blanc j’avais atterri. Par je ne sais quel enchantement. Un museau. Une bouche cousue d’un simple fil noir. Je ne pouvais dire un mot. Léger déséquilibre à présent compréhensible. Rembourrage par endroit manquant à l’appel. Il semblait avoir du vécu ce petit ours polaire.

 

    De nouveau face à l’enfant. Je levais les pattes en guise de réponse. Avant de tomber. Je n’allais donc jamais m’habituer. Petite chute vers l’arrière. Atterrissage sur le postérieur de coton. Assise. Regard vers la jeune fille. Un mouvement de droite à gauche de la tête. Signe universel. Espérant que la petite comprenne. J’étais bloquée. Je ne savais quoi faire. Elle, seule, pouvait m’aider. Ne semblant pas méchante. Ne voulant visible pas me faire de mal. Une main s’avançant vers ma tête. Tapotée par deux fois. Compassion marquée.

 

    – Oh… C’est triste. Pourquoi tu bouges que maintenant ? Dis ? Tu veux jouer avec m… Mais il fait quoi l’oiseau ?

 

    Regard vers la fenêtre. Oiseau posé. Attendant pour entrer. Une autorisation demandée. Émeraude me quitta un instant. Curieuse de voir ce que l’oiseau. Enfin le moyen duc lui voulait. Un rapide échange. Attendrissant. Enfant et oiseau. Un dialogue. Elle parlait aux animaux comme elle parlait à ses peluches. Plus qu’aux humains il semblerait. Une voix douce. Des mots gentils. Une caresse. Un merci. Avant de revenir me voir. Lettre à la main. Un sceau la scellant. Une cloche et… Je ne pus point détailler plus. Elle l’ouvrit sans attendre. Impatience de la jeunesse.

 

    – Nounours on dirait que c’est pour toi. Tu t’appelles Max ? C’est drôle moi aussi !

 

    J’ouvris de grands yeux ronds. Enfin mes yeux cousus l’étaient déjà. Difficile d’avoir un visage expressif sous la forme de peluche. Je me contentais de hocher la tête. Max donc. Drôle de coïncidence. Sur ce point, je rejoignais la petite. Mêmes cheveux. Mêmes yeux. Même prénom. Un peu trop de similitude. J’avais l’impression de me voir. Encore insouciante. Et cette pièce… Il me semblait déjà la connaitre.

 

    – En fait c’est le papa Noël, il veut qu’on trouve une étoile. Il dit qu’elle nous guidera vers lui. Et qu’après il y aura un miracle de Noël.

 

    Aux premiers mots je crus à une blague. Je devais rêver. Seule solution envisageable. Si on reprenait. J’étais dans un lieu inconnu. Quoiqu’un peu familier. Avec une petite fille un peu trop réveillée et innocente. Dans un corps qui n’était pas le mien. Et une lettre d’un soi-disant père Noël nous parlait d’étoile et de miracle. Tout allait pour le mieux. Et pourtant même si cela ressemblait à un rêve, les sensations, tout semblait bien réel. Au point que je finis par croire doucement à cette histoire. Je n’avais pas beaucoup d’options. Je n’allais pas rester ourson.

 

    – C’est trop bien ! Une enquête de Noël ! Vite, je sais où trouver une étoile. D’habitude on la met en haut du sapin. Mais cette année papa ne voulait pas le faire. Elle doit être dans le grenier. Aller vient avec moi.

 

    Je ne pus protester. Par manque de temps, certes. Mais surtout par manque de force. Embarquée contre mon gré sous le bras, d’une petite en pyjama. Courant à travers la maison. Habitation qui semblait vide. Jusqu’à ce qu’une silhouette dans un bureau soit, au détour d’un couloir, visible. Une voix masculine réclamant le calme. Max ralentissant le rythme. Me mimant de ne pas faire de bruit. Loin de moi une telle idée. Je ne pouvais rien faire. Elle me retenait.

 

    Devant l’échelle menant au grenier. Sur son épaule, elle me fit basculer. Je comprenais maintenant ce que pouvait ressentir mon propre doudou. À être baladé. Trimbalé. Un peu partout. Dans tous les sens. Si je sortais vivante de cette aventure, je promettais de faire plus attention à mes jouets. Je ne pus promettre plus déjà dans au sommet de la maison. Dans la pièce la plus haute. La plus sombre. Max me laissa tomber sur le côté cherchant un moyen de nous éclairer.

 

    De mon côté, je tentais de me redresser. Vie de peluche difficile. Déséquilibre, mouvements imprévisibles. Après quelques essais, je réussis à retourner sur mes pattes. Émeraude toujours en quête de lumière. J’allais enfin pouvoir l’aider. Pas lent et incertain. Crainte de la chute à chaque changement. Rembourrage nécessaire. Pauvre petit ours polaire. Soudain, je trébuchais sur quelque chose presque aussi grande que moi. Une lampe torche de non-initié sur le sol. Je la détaillais comme je pouvais. Et tentais tant bien que mal d’appuyer sur le bouton. Arriverais-je à maîtriser ce corps des plus instables ?

 

    Finalement Max me remarqua. Et fit ce que je n’arrivais pas. Éclairant ainsi la pièce. Illuminant cet antre des souvenirs. Remarquant une caisse, enfin plutôt un carton, non loin, je m’avançais d’un pas hésitant. Une guirlande s’échappant d’un côté. Je tentais d’y grimper. Courage petit ours. Tu vas y arriver. Voilà ce que je me répétais. Poussée par une petite main qui voulait simplement m’aider. Je tombais au milieu des boules et des lumières. Décorations de fêtes. Qui devraient être de sorties en cette pério…

 

    – Oupss nounours Max. Attends je t’aide.

 

    Réflexions interrompues. Patte arrière attrapée. J’eus tout juste le temps de m’accrocher à une boite au fond de la boite. Essayant de l’agripper comme je pouvais. Elle glissait. Pas de prise. Pas d’accroche. Ces membres empêchant les mouvements de préhension. Je n’en pouvais déjà plus. Je voulais plus que tout revenir à mon état normal. Heureusement que Max était là. De nouveau dans ses bras j’étais aux premières loges. La regardant ouvrir la boite.

 

    – Tu es le meilleur. Du premier coup !

 

    Je sentais le piège arriver. Se refermer doucement. À mesure que l’étoile se découvrait. Elle était magnifique. Brillante autant que les yeux émerveillés de l’enfant. Qui approcha sa main d’elle pour la prendre. Mon instinct me hurla de partir. Je me débattis. Hypnotisée par l’objet. Elle ne remarqua rien. Ses doigts l’effleurèrent. Simplement.

 

    Nausée. Vomissement. Vertige. Sensation plus que désagréable. Si je n’étais pas déjà de couleur blanche, j’aurais blanchi encore plus. Au point de pouvoir me camoufler dans l’immensité enneigée. De la neige ? Où étions-nous ? Nous ? Max ? Où était la peti…

 

    – Nounours j’ai froid. On est où ? Tu crois c’est la maison du papa noël là-bas ?

 

    Je la sens me serrer encore plus contre elle. Je ne pouvais malheureusement pas lui répondre. J’étais simplement contente qu’elle soit là. Mais en même temps inquiète. Et si des dangers nous attendaient. Et si ce qui semblait être un objet enchanté nous avait amenés droit dans un piège. Je m’en voudrais affreusement qu’il lui arrive quelque chose. Elle était si douce. Si gentille. Si attendrissante et adorable. Une enfant tout simplement. Elle ne méritait pas qu’il lui arrive malheur. Et pourtant alors que je culpabilisais du chalet, elle s’était rapprochée. À la porte, elle venait de toquer. Elle tremblait. Je ne pouvais absolument rien faire. Simplement observer. Me sentant inutile. Doudou fragile.

 

    – Qui es-tu petite fille ? Que viens-tu faire chez moi ? Je suis fatigué.

    – Je m’appelle Max et le papa Noël voulait qu’on touche une étoile. Et pouf on est ici. Il fait très froid.

    – On ? Mais tu es seule. Qui t’accompagne ?

    – Bah nounours Max ! Le papa Noël, il a parlé d’un miracle. Mon ourson il bouge !

    – Entre donc ma petite. Je vais voir ce que je peux faire pour ton ami de tissu. Je m’appelle Santa.

 

    – Elle m’avait tendu à l’homme barbu. Je tremblais de peur. Je ne savais pas ce qui allait m’arriver. Quand le nom de l’individu se fit entendre. Comme par magie. La crainte s’envola. Santa ? Santa Claus ? Père Noël ? Ce n’était pas possible. C’était des contes. Des légendes pour les enfants qui voulaient croire et rêver. Cela ne pouvait être réalité. Et comme si l’homme des mythes pouvait lire dans mes pensées. Une fois sur la table je fus déposée. Il se plaça face à moi. Et fit entendre sa voix. Max timide près de la cheminée. Elle cherchait à se réchauffer.

 

    – Ne t’en fais pas Maximilia Bénédicte. Oui je connais ton prénom. Je sais qui tu es. Laisse-moi te libérer. Je crois que tu as maintenant assez pour tes réflexions. Fais attention à toi. N’oublie pas tout du passé.

 

    Je ne compris pas ses mots. Pas leur sens. Trop occupée. Cerveau bloqué sur la première phrase. Une identité révélée. Des plus exactes. Et tandis que je me perdais dans mes pensées. L’homme marmonnait dans sa barbe. Je me sentis tout à coup fatiguée. Le monde tournait. Mes pattes ne me supportaient plus. Je glissais. Tombais à nouveau. Une petite voix. Une main derrière ma tête. Un bisou sur le museau. Sensation petit à petit disparaissant. Noir total.

 

    Froid. Joue. Réveil. Par un petit animal. Un rouquin ayant posé son museau sur mon visage. Lieu familier. Mon chez-moi. Près de la forêt. Premier réflexe me lever. M’analyser. M’observer. Vérifier que tout soit à sa bonne place. Tête légèrement vacillante. Mais tout semblait en ordre. La petite fille était donc un rêve ? Cela m’a paru bien réel pourtant. Je ne savais quoi en penser.

 

    Je me tournais vers mon ami à quatre pattes. Lui souriant. Remarquant près de lui une lettre. Un sceau étrange. Me rappelant quelque chose. Un cloche et homme de pain d’épice. Où l’avais-je déjà vu ? J’avais du mal à me souvenir. Esprit encore perturbé. J’ouvris délicatement l’enveloppe. Lisant le mot inscrit. Le murmurant. Partageant l’information avec la boule de poils. La reposant par la suite sur le côté. Avant de caresser en souriant la tête du petit mammifère.

 

    Les miracles n’existaient peut-être pas

    Mais la magie de Noël était bien là.

 

 

La mystérieuse lettre : 

 

    Chère inconnue,

 

    En revenant du travail, je me suis égaré près de la forêt. Celle que vous appelez interdite à l’école. De là un petit écureuil m’est apparu. Il me semblait qu’ils hibernaient en cette période de l’année. Mais celui-ci semblait bien vif. Et un peu paniqué. Sans savoir pourquoi je l’ai suivi goût de l’aventure.

 

    Il m’a amené jusqu’à vous. Ou plutôt jusqu’à un de ses confrères. Jusqu’à ce que je remarque une sorte de tatouage. Une chance que je ne quitte jamais ma stèle. Une petite rune, vous m’excuserez, pour voir devant moi une jeune femme étendue. Complètement prise par le froid.

 

    Je suivis de nouveau le petit être à travers la forêt jusqu’à une cabane à la lisière de celle-ci. J’y entrais et vous déposais sur le lit. J’ai pris la peine de relancer le feu et vous apporter quelques runes de soins avant de reprendre mon chemin. J’espère que vous vous portez bien.

 

    Remerciez le petit.

    Ne me remerciez pas.

    Joyeux Noël à vous

 

 Un père Noël qui passait par là

Un lutin discret

    Il était une fois, dans un petit village un peu perdu, un lutin. Vous vous demanderez peut-être que fait un lutin par ici. Je vous répondrais alors que le village dans lequel se déroule notre histoire n’est pas un village ordinaire. En effet, ce dernier est assez reculé, loin des grandes villes, loin des intrus, loin des curieux. Seuls les habitants le connaissent. Ils sont les seuls à savoir comment s’y rendre, quel est le passage secret permettant d’accéder à ce petit coin isolé autour d’un océan de blanc. La neige tout autour du groupement de maisonnettes. Des sapins. Du blanc et du vert à perte de vue. Vous imaginez le village des contes d’antan ? Celui où habite un homme vêtu de rouge à la longue barbe blanche ? En imaginant ce village, vous vous rapprocherez de la réalité. C’est dans ce lieu que notre histoire prend place.

 

    Un jour, un petit lutin, un peu plus petit que les autres. Un lutin discret, au bonnet tombant sur le côté, qui ne parle pas beaucoup. Il est curieux, mais timide à la fois. Petit cœur jaune brodé sur le gilet en guise d’écusson. Il fait partie des lutins qui distribuent les sourires. Cependant, il ne se sent pas très à sa place sur le devant de la scène. Il préfère être en retrait. Agir dans son petit coin. Alors quand son équipe de lutin intervient, il est le seul que l’on ne voit pas. Il dépose des petites fioles de couleurs puis il repart. Comme s’il ne voulait pas que l’on sache que c’est de lui. Il aime apporter une petite touche de douceur aux humains. Mais depuis quelque temps une autre idée lui trotte en tête. 

 

    Il se demande pourquoi l’on cherche à apporter des sourires aux humains, mais pas au centre du village. Pourquoi certains lutins sont tristes ou en colères ? Pourquoi l’on ne leur apporterait pas à eux aussi une petite touche de douceur ? Il réfléchit plusieurs jours à comment faire. Il observe les autres lutins au travail. Il cherche sans un mot qui pourrait l’aider. Mais il a peur. Sans trop savoir pourquoi. Peut-être peur qu’on le trouve un peu bizarre. Puis la période des fêtes arrive. Il décide donc de se jeter à l’eau. Il se mêle aux lutins de l’atelier pour y récupérer du matériel. Il se dissimule parmi les poètes pour piquer quelques papiers à lettres. Il enfile de nouvelles couleurs pour aller voir les artificiers et leur dérober des pigments.

 

    Tout son matériel récupéré, il commence la construction d’une boite aux lettres avec un système de fermeture un peu spécial. Seul lui pourra l’ouvrir. Il ne voudrait pas que les lettres se perdent. Il décore alors avec les couleurs la boite en bois, avant d’y déposer sa plume. « Boite à douceur » il sourit. Il aime bien cette idée. Mais au moment de sortir au milieu de la nuit pour installer son objet près de la grande place, la peur revient. Est-ce que cela est finalement une bonne idée ?

 

    Assis sur le seuil de sa maisonnette, boite à ses côtés, il se questionne. Mais un lutin de la fête passe à ce moment-là. L’interrogeant sur sa création. Notre héros lui raconte alors son idée des petites étoiles dans les yeux. Le festif lui demande alors un morceau de papier. Sans trop comprendre, le petit lui tend avec une plume. Le plus âgé sourit puis en prenant appui sur la construction, il se met à déposer quelques mots sur le papier avant de le plier et le glisser dans la boite. Une main qui ébouriffe les cheveux non couverts par le bonnet, il est reparti. Cela fut suffisant pour que la peur du petit reparte. Il part alors installer la boite, avant de retourner se coucher.

 

    Lecteur curieux que vous êtes, vous vous demandez peut-être ce qui s’est passé au matin. Laissez-moi vous le conter. Notre petit lutin n’a pas pu s’empêcher après son travail d’aller voir sa boite à douceur. Il est un peu nerveux quand il tourne dans la rue direction la grande place. Il s’inquiète quand il voit plusieurs personnes rassemblées. Son cœur se met à battre un peu vite quand il remarque qu’elles sont l’emplacement de sa création. Il accélère alors le pas. Sans écouter la conversation, il se faufile pour vérifier l’état de l’objet en bois. Mais il s’arrête surpris lorsque ses yeux se posèrent sur les lettres qui débordent. Une main sur son épaule le réveille. Le lutin de la nuit dernière lui confie qu’il en a parlé au travail et que la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre.

 

    Le petit sourit, il se demande pourquoi il n’a pas fait une boite plus grande. Alors il commence à la vider quand une personne l’interpelle. Un lutin poète tient en ses mains plusieurs lettres liées avec un fin ruban. Toutes adressées à une même personne. Un lutin qui n’est pas sorti de chez lui aujourd’hui. Il sera donc le premier à recevoir ses lettres. Le héros récupère le petit tas et file chez lui y déposer les lettres à trier. Il s’en occupera après.

 

    Il enfile son plus beau bonnet, même s’il est un peu grand, qu’il tombe aussi sur le côté, mais il ne peut pas y aller avec un vieux bonnet à clochettes. Il faut être discret pour que la surprise ne soit que plus belle. Un pompon fera bien l’affaire. Il ajuste son gilet. Rédige à son tour une petite lettre et glisse le tout dans un faux livre. Il emballe le cadeau et ressort.

 

    Il marche dans les rues un sourire aux lettres, mais un peu anxieux aussi. Et si cela ne lui plaisait pas ? Il chantonne un chant de Noël pour se rassurer. Il s’approche de la maisonnette du destinataire et toque doucement à la porte. On lui ouvre. Sans un mot, il tend le paquet, le rouge aux joues, le regard fuyant. Il entend les déchirements du papier. Puis la surprise du lutin face à lui. Quelques pages se tournent, les lettres maintenant découvertes, il tourne des talons. En continuant sa chanson. Il s’éloigne. Sourire aux lèvres. Il reste encore des lettres à trier. Mais ce soir-là, il ne fait rien de plus que chanter.  

 

    Pendant ce temps-là, le lutin ouvre une à une les lettres. Il en découvre les mots. Lecteur vous êtes un peu curieux, non ? Mais peut-être que ces lettres vous sont destinées après tout. N’êtes-vous pas ce lutin en question ? L’auteur de ses mots n’a pas de bonnet à pompon, mais il n’est pas bien grand. Il vous dépose par ici ces quelques mots en vous souhaitant de joyeuses fêtes…

Un lutin douceur

    Il était une fois, un petit lutin qui avait pour mission de récolter les vœux. Il parcourait le monde, attrapant au vol les souhaits des rêveurs avant qu’ils ne s’échappent dans les cieux. Il rendait ainsi les miracles de Noël possible, apportant aux lutins artisans des idées qu’ils ne trouvaient pas dans les lettres adressées à l’homme à barbe.

 

    En effet, certains étaient timides et n’osaient pas demander l’objet qui les intéressait le plus. Alors, il fallait que certains lutins viennent à eux pour capturer dans leur dos ces idées qui leur tenaient à cœur. Parfois il était assez simple de satisfaire le vœu d’un enfant, mais parfois il fallait redoubler d’imagination, comme ce jour-là. Laissez-moi, vous raconter l’histoire d’un souhait un peu spécial.

 

    Une nuit, notre petit lutin se baladait en ville. Il observait les lumières des rêves avant de noter ceux qui l’intéressaient pour sa mission de décembre. Il aimait bien cela. Chaque lumière avait sa petite touche à elle et le petit se plaisait à imaginer les humains se cachant derrière elles. Cependant, une de ces sources de rêves avait une couleur étrange. Il ne l’avait encore jamais vu. Il fallait dire qu’il était encore un peu nouveau. Il ne connaissait pas toutes les nuances de rêves sur le bout des doigts.

 

    Il s’approcha pour voir ce qui se passait. En se rapprochant, il sentit quelque chose le prendre. Comme s’il se retrouvait attiré par le rêve. Il comprenait maintenant pourquoi il était interdit de toucher l’aura autour d’un humain. Mais il ne put résister. Il fut alors transporté dans le rêve de cette personne. Il vit un avion. Une autre personne qui salue de la main. Puis un écran avec cette même inconnue dans l’écran. Il entendit alors une petite voix. Une toute petite voix qui semblait venir du fond du cœur. Cette petite voix paraissait vouloir faire passer un message. Mais malheureusement, le petit lutin n’entendit pas cette demande. Il se retrouva exclu du rêve et des lettres se dessinèrent sur son cahier de souhaits. « De la douceur pour elle »

 

    Comment offrir de la douceur ? Notre petit se l’était beaucoup demandé. Il doutait de pouvoir réaliser ce vœu. Ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait fabriquer. Ni quelque chose que l’on pouvait attraper. Non, lui fallait trouver un autre moyen.

 

    Alors, durant quelques jours, il se faufila parmi les humains alors que le soleil était haut dans le ciel. Seuls ceux qui croyaient à l’homme rouge pouvaient le voir. Il tâchait donc d’esquiver les enfants. Suivant de près cette personne. Il voulait simplement comprendre ce qu’entendaient les humains par « douceur ».

 

    Puis après un petit temps, il eut l’idée qu’il attendait. Piquant quelques affaires aux villages, il retourna en ville, mais cette fois-ci pendant la nuit. Il retourna chez cette personne qui avait formulé le souhait. Il savait qu’elle ne pourrait pas le voir sauf si… Il toucha pour la seconde fois l’aura des rêves et entra dans celui de l’humaine. Cette dernière fut bien surprise cette fois-ci de voir arriver un petit être au bonnet à clochettes.

 

    Le petit lui expliqua qu’il avait une idée, mais pour cela il avait besoin d’elle. Il lui tendit un carnet et un stylo. Lui laissant un temps avant de ressortir du rêve sans un regard vers le papier dans ses mains. Il avait encore quelques personnes à aller voir. Cette nuit s’annonçait très longue…

 

    Alors qu’il venait de récolter le dernier mot. Le petit se dirigea vers la maison de la personne, non pas à l’origine du souhait, mais sa destinataire. Il déposa sur son bureau le livre bien rempli. Puis juste avant de partir il apposa quelques mots fatigués de cette longue nuit. Quelques mots de « douceur ».

Vacances mouvementées

    Les vacances. Enfin pouvais-je appeler cela des vacances sachant que je ne travaillais pour personne ? Je ne devais de compte qu’à moi-même, mon propre patron. Avant de continuer à mener mon enquête, je m’étais décidée à partir en balade. Pour me détendre, ne pas penser pendant quelques jours à ce qui pouvait m’attendre. Replonger ainsi dans l’innocence de l’enfance. M’émerveiller devant des paysages, tous plus beaux les uns des autres. Me détacher du passé.

 

    Il fallait dire qu’avec ce que j’avais découvert il y a quelques jours en France, j’avais besoin de m’isoler. De faire le point sur moi-même. Ne plus penser à ce père qui me compliquait, malgré lui, la vie. Mais il me la simplifiait aussi d’une certaine manière. M’offrant une possibilité d’isolement. Loin de la civilisation. Une promesse faite à un enfant que le petit devenu grand avait oublié, mais que le père tenu jusqu’au bout. Comme pour essayer de se racheter de ses erreurs.

 

    Sweat sur le dos. Stèle dans la poche. Je m’enfonçais dans cette forêt. Un lieu que j’appréciais beaucoup et de plus en plus. Plus j’avançais. Plus je m’éloignais du village le plus proche. Mieux je me sentais. Libérée de toutes contraintes. À l’abri des regards, je pouvais être moi. Et non celle que l’on voulait que je sois. Je sentais que ce lieu encore inconnu qui venait de m’être légué deviendrait mon antre à moi. Mon jardin secret. Une place spéciale pour les vacances.

 

    Normalement, je ne devrais plus tarder à arriver. Je me demandais bien ce qui m’attendait. À la fois excitée et craintive. Je ne savais plus si cela était une bonne idée. Mais il était trop tard pour faire demi-tour. La nuit sur le point de tomber, je devais me trouver un abri. Ne connaissant point les lieux. Ne sachant point si j’étais en sécurité dans ce bois. Je me devais de trouver ce cadeau, ce dernier présent que m’avait caché mon père. Quitte à me perdre encore plus dans cette nature luxuriante.

 

    Au détour d’un arbre, une maison. Un chalet. Des souvenirs qui remontaient. Non ne me dites pas qu’il l’avait fait… Ce lac me rappelait tant de bons moments. Des instants de jeunesse où innocente je suivais mon paternel. Lui parlant de mes rêves. Lui expliquant que plus tard à la place de la petite cabane de bois minuscule, je construirais un beau chalet pour les écureuils et moi au pied de l’eau. Petite, innocente, naïve que j’étais. Des rêves plein la tête. Je m’amusais, dessinais cet endroit de repos près du lac. Tendant le dessin au père peu attentif. Du moins c’était ce que je pensais.

 

    Une larme qui roulait sur ma joue. Cela ne pouvait être qu’une illusion. Et pourtant. En me rapprochant, je distinguais de mieux en mieux le nom sur la petite boite aux lettres. Le mien « Max Valdrak, maison de l’écureuil, perdue dans la forêt ». Voilà ce qu’on pouvait lire de gravé dans le bois. Une nouvelle larme. Il l’avait fait. Je ne savais quoi dire. Moi qui voulais faire une pause. Prendre du recul. Oublier la famille et les souvenirs. Je plongeais la tête la première dedans.

 

    J’avançais. Doucement. Levant la tête vers la porte. Une feuille de papier abîmée tenue par un poignard dessus. Un nouveau sentiment s’ajouta au mélange déjà bien fourni. De la curiosité. Mais aussi de la peur en voyant quelques taches semblables à du sang. Pourquoi ? L’ignorant j’allais pour ouvrir la porte, mais rien, je me brûlais la main sur la poignée qui avait l’air enchantée. Craignant de ne subir les conséquences d’un nouveau piège, je ne sortis point ma stèle.

 

    Quelques pas. La main brûlée dans l’eau fraîche. Une fois sortie de l’eau, je la bandais. Ne sachant pas si une malédiction m’avait touché ou un simple sort de chaleur. Préférant opter pour la sûreté. À la manière des non initiés, je soignais cette blessure avant de m’approcher de nouveau de la porte. Lisant cette fois-ci la lettre auparavant ignorée.

 

« Minautore, poudre d’hydromel

Aventurier perdu, passe ton chemin

Xena la guerrière maudite te hantera

Il existe en ce milieu un mystère

Le trésor de l’animal souverain

Il est le seul à pouvoir l’ouvrir

Animal petit et rapide

Cette mission n’est pas des plus simples

Maison autour de laquelle 1001 pièges positionnés

Est celle de l’animal roux

Maintenant libéré de l’influence familiale

La clef de son ancre il doit trouver

Tienne dans son cœur

Je l’ai caché aux voleurs

Te diviser dans cette forêt

L’arbre siamois à trouver

Avais-je bien coupé l’objet en trois ?

Promis il n’y en a que trois

La seconde pour l’avoir

Clef de tiers dans l’eau prospère

Tu n’es pas mort, je l’espère

Trouveras-tu, descelleras tu les pièges

Car brulé, en morceaux ou mangé tu peux terminer

Intelligente et vive comme l’animal incarné

Tu devras te comporter

Es-tu assez agile pour trouver

Mon dernier au sommet s’est retrouvé

Petit discret dans le trou de la réserve

Écureuil de l’arbre marqué

Devenu grand plus de vingt ans tu peux entrer

Grand petit enfant si élu tu es les pièges ne pourront te toucher

 

Signé un initié noir et roux »

 

    Je frissonnais. Relisant encore et encore le texte sans queue ni tête. Qui avait bien pu l’écrire ? Qui avait piégé la maison qui semblait être la mienne ? Un bloc-notes sorti de ma poche. Je gribouillais quelques mots. Il me fallait cette clef. Je ne pouvais pas laisser un inconnu m’empêcher de découvrir le dernier cadeau de mon père. Mais l’auteur du mot était-il vraiment si inconnu ?

 

    Cherchant un message caché. Une autre signification à ce mot sans trop de sens. Je remarquais une référence non initiée me tapant à l’œil. Un mot, un prénom peu utilisé. Soudain le texte devenait clair d’un coup. La mise au point se faisait. Tandis que je découvrais ce mini message. Aux yeux de tous seul un fou pouvait avoir écrit ces lignes. Mais j’en avais trouvé le secret. A chaque changement se relevait.

 

    Je relevais la tête vers le ciel, où la lune prenait doucement place. Les yeux remplis, je retenais mes pleurs. Jusqu’au bout j’avais l’impression qu’il voulait que je me souvienne de lui. Pourquoi ne pouvait-il pas agir normalement pour une fois ? J’allais faire demi-tour. Ne voulant plus avoir à faire avec cet homme. Lettre au sol, je repartais vers la forêt. Bien décidée à trouver une place pour me reposer.

 

    Un battement d’ailes près de moi. La lettre de nouveau face à moi. Tenue entre les serres de Dream. Mon moyen duc. Mon ami. Libre de nouveau, il m’avait suivi. Et pour une raison qui m’échappait, il semblait vouloir que je rentre dans la maison qui était la mienne. J’hésitais. D’un côté je ne voulais point résoudre cette énigme écrite par un homme n’ayant plus toute sa tête et d’un autre rentrer au village de nuit ne me semblait point très judicieux.

 

    Un hurlement. Un loup. Ou plusieurs. Je reconsidérais alors l’option de la maison. Trouver trois pièces, cela n’était pas compliqué, si ? Moins dangereux que se retrouver face à des carnivores du moins. Enfin cela je le supposais juste. Car comme le disait la lettre des pièges se cachaient. Il me fallait donc être vigilante.

 

    Résignée à finalement résoudre à contrecœur la petite devinette, je me mis en quête d’un arbre siamois. Une rune de lumière lancée. J’y voyais maintenant mieux. La recherche plus simple pour mes yeux, qui la nuit ne voyait que peu. Je marchais à travers les arbres qui ne manquaient point dans les environs. Mais aucun ne correspondait à la description.

 

    Soudain, j’entendis derrière moi un grognement. Je me figeais à l’instant. N’osant plus bouger. Je tournais tout doucement la tête, pour apercevoir à ma grande surprise un animal à la mâchoire acérée qui avait l’air de vouloir de moi au diner. Je pris une grande inspiration puis partie comme un boulet. Zigzagant entre les troncs. Mais le quadrupède plus rapide ne tardait pas à poser ses pattes sur mes épaules me faisant basculer vers l’avant.

 

    Stèle hors de mes mains. Un mètre devant moi. Je n’avais pas beaucoup de choix. L’écureuil prit rapidement la place de mon corps. Et sans laisser le temps à l’animal de réfléchir, je gravis un arbre. Le premier que je vis. Une fois en hauteur, je m’assis soufflant un peu surtout lorsque je remarquais que le carnivore venait de repartir. La proie hors de portée. Il avait vite abandonné. Réaction assez étrange. Conséquence d’un piège sûrement posé par le poète.

 

    En faisant attention. Toujours sur mes gardes. Je descendis de mon perchoir. Me retransformant les pieds à terre. Attrapant ma stèle par la même occasion. En nettoyant vite fait mes affaires. Tête levée, je vis, incrusté dans le tronc que je venais d’escalader. Un morceau de ce qui semblait être une clef. En y regardant de plus près l’arbre. Deux troncs se séparaient de l’axe central. L’arbre siamois face à moi. Je remercie par la pensée cet animal affamé.

 

    À l’aide d’une rune d’attraction, je récupérais le petit bout. Et une fois glissé dans la poche, vers la maison je retournais. D’après les mots, je devrais le trouver à l’eau. Et d’après mon voyage le seul lac rencontré était celui au bord duquel se trouvait le chalet. Espérons juste que ce coin d’eau soit le bon.

 

    De nouveau près de la maison, je tentais tout d’abord de lancer un sort pour attirer vers moi l’objet caché. Mais que nenni ! Cela aurait été trop simple. Je roulais les yeux au ciel. J’allais devoir mouiller le maillot. Sweat sur le côté avec les chaussures et le jeans. Je fis apparaitre un masque de plongée avant de me jeter dans le lac.

 

    Eau froide. Glacée. Des frissons au contact. Bain de minuit improvisé. Dans quoi m’étais je embarquée ? Mais maintenant que j’avais commencé, je devais terminer. Trouver la deuxième partie de la clef. Cependant, un obstacle se dressait face à moi. Un gardien protégeait le morceau. Un animal marin, aux dents pointues bien visibles. Espérons qu’il ne me prendrait point pour cible.

 

    La tête à la surface je repris mon souffle. Un sort prêt à être lancé, je rejoignis les profondeurs. La bestiole se lança sur moi. Me mordant le mollet. Une rune. Des flèches qui s’en échappent. Elle me lâcha, et tomba de trois flèches dans le crâne logé. Bout de métal en main je retournais vers l’herbe. La morsure douloureuse m’empêchant de me lever. Ne connaissant point l’animal m’ayant attaquée, je tentais un dessin médical.

 

    Mais rien n’y fait. Vive la douleur semblait s’amplifier. Ne connaissant que peu mes sorts de soins, j’entrepris de bander la peau touchée. Espérant intérieurement qu’une fois la porte franchie, tous les soucis disparaitront. Il me restait seulement l’antre de l’écureuil à trouver. Un trou dans un arbre. Mais lui je l’avais repéré sur mon chemin avant de trouver cette maison.

 

    Je boitais alors vers le grand noisetier. Changée en animal roux, je rejoignis le trou. La réserve. Non sans mal. Une patte douloureuse, m’empêchant de courir. M’obligeant à bien faire attention à chacun de mes mouvements. Une fois à hauteur, point de pièges à ma grande surprise. Un simple mot autour du trou gravé « Bravo ma fille ». Une patte à l’intérieur, j’en sortis l’objet avant de retourner sur la terre ferme.

 

    Humaine de nouveau. J’avançais vers la porte. Doucement ma surement. La douleur s’étendant petit à petit. Une rune sur les trois bouts. Une clef. Une serrure déverrouillée. La porte enfin s’ouvrait. Laissant place à une magnifique pièce à vivre. Conviviale. Accueillante. Un endroit assez cosy. Des fauteuils. Un canapé. Des coussins de partout. Des pierres sur la droite, entourant une cheminée bien utile durant l’hiver. En remontant le regard, les yeux au plafond, des poutres apparentes.  

 

    Une table basse au centre où traine une fiole colorée ainsi qu’un petit mot. Je m’avançais. Manquant de tombée. Toute ma jambe paralysée. Sans réfléchir, ne sachant pas ce quelle pouvait contenir, j’attrapais le flacon et l’avalais d’un coup avant que le poison continu d’agir. Puis reprenant petit à petit mes esprits. La lettre en main assise sur le tapis je lis.

 

    « Ma chère fille, désolée de t’avoir fait subir cela, mais je ne voulais point qu’une personne autre que toi entre là. Lorsque tu m’avais dit que tu t’intéressais à l’instinct animal, je m’étais souvenu de l’image de ton totem. Misant sur un coup de poker. L’écureuil comme emblème j’ai construit le piège. Dans la fiole un antidote tu trouveras au poison du poisson. Ne t’en fais pas pour les pièges il n’y en avait point plus que trois, la poignée, le loup enchanté, et le sort de protection sur la maison. Mais une fois la clef tournée ils se désactivent par eux même. Je suis fière de toi. Et si tu me lis, c’est que je ne suis plus là. Je tenais à te faire un dernier cadeau avant que l’on me retrouve. J’y ai mis mes dernières forces. Prends bien soin de toi. Vis pour toi et respecte les autres. Ne deviens pas comme moi. Je ne suis plus là pour te protéger, mais je te sais maintenant assez grande.

 

    Je t’aime

    Maximilien »

 

    Des larmes. Encore des larmes. Moi qui voulais l’oublier. Je ne pourrais pas. Il était mon père. Un pilier. Un modèle. Et malgré ce qu’il a pu faire. Je savais que dans le fond, il restait celui que je connaissais. Je ne pouvais point lui en vouloir. Il cherchait juste à me protéger. En faisant les mauvais choix et en se complaisant dedans, il jouait consciemment avec le feu. Et il s’était brulé.

 

    Aujourd’hui seule dans cette maison je pleurais. Masque à terre. Les émotions se déchaînaient. Je pleurais ce père peu présent que jamais je ne reverrais. À qui je n’avais même pu dire au revoir. Père que je voulais effacer de ma mémoire. Mais une personne aimante toujours là malgré son absence. Paternel au passé noir conscient de ses erreurs. Il n’en restait pas moins protecteur. Essayant d’éloigner sa fille des dangers. Un être à la logique imprécise qui même pour sa fille était incomprise. Malgré son absence.

Jour 31 : Mûr

    Graine. Tu la plantes. Elle se nourrit d’amour et d’eau fraîche. Elle pose ses racines. Elle n’ose pas trop sortir le bout de son nez. Elle reste encore un peu terrée. Mais, tu continues à lui apporter de l’attention. Tu tâches de la rassurer.

 

    Petite pousse. Tu vois un petit morceau vert ressortir. Il grandit à son rythme. Doucement mais sûrement. Le voici qui s’élance comme un grand. Tu lui souris et continue de lui raconter des histoires et lui apporter à boire.

 

    Arbuste. Tu t’étonnes tous les jours de sa taille. Il est devenu robuste le petit. Il fort et courageux. Il est prêt à affronter les éléments. Tu l’aides comme tu peux. Tu le protèges toujours un peu. C’est toujours un petit pour toi.

 

    Arbre. Tu dois lever les yeux pour le regarder de haut en bas. Il est loin le temps où il forgeait encore ses racines. Maintenant, le voici bien ancré dans le sol. Il est fier. Il se montre. Toi, tu es fier en un sens. Le petit est devenu grand.

 

    Arbre fleuri. Tu t’émerveilles en le voyant. Ses couleurs se remarquent de loin. Il ne passe plus inaperçu dans le paysage dans son bel habit printanier. Cela te rappelle des souvenirs. Tu le vois s’épanouir. Le voici indépendant.

Jour 30 : Attraper

    Te voilà. Oh toi qui t’amuses à jouer des tours. Toi qui te délectes du malheur des gens. Toi qui te nourris des larmes et des cris. Toi qui aimes faire souffrir autrui.

 

    Tu es de ceux qui se régalent d’une bonne dispute. De ceux qui sourirent lors de ruptures. De ceux qui se frottent les mains d’une malchance. De ceux qui rient d’une chute.

 

    Toi qui te plais à faire remonter les mauvais souvenirs. Qui apprécie ceux que tu peux manipuler. Qui savoure le goût amer de la défaite. Qui s’extasie devant les âmes démunies.

 

    Tu sèmes la noirceur autour de toi.

    Tu gâches la couleur autour de toi.

    Même les mélodies ont peur de toi.

    Même les positifs s’éloignent de toi.

 

    Tu es la part sombre. Tu es ce qui empêche l’utopie. Tu es le cauchemar. Tu es ce qui maintient sur terre. Parfois, sous terre.

 

    Tu te joues de tes hôtes. Tu fais sonner des mots, des souvenirs, des idées, des désirs… Tu appuies où cela fait mal. Tu joues des peurs et des faiblesses. Tu t’immisces dans n’importe quel être.

 

    Tu résonnes. Tu chantonnes. Tu ris.

    Tu fais pleurer. Tu laisses éveillé.

 

    Mais tu sais ? Tu ne gagneras pas toujours. Au mieux tu teinteras de gris l’être choisi. Mais le noir le couvrira rarement.

 

    Il est lâche de s’attaquer aux faiblesses des autres, d’appuyer sur les points sensibles, d’attaquer une personne désarmée, d’appuyer sur la corde fragile.

 

    Oh toi qui essayes de faire sombrer.

    Tu rends plus fort finalement.

Jour 29 : Blessé

    Tu t’avances vers eux. Tout va pour le mieux. Tu te sens bien. Tu te sens léger. Comme si tu pouvais voler. Tu t’approches du groupe. Tu y es presque. Tu t’y glisses discrètement. Un regard. Une douleur.

 

    Intruse.

 

    Tu te tiens le bras. Les visages vers toi. Des questions sur toi. Les mots hors de toi. Tu n’y arrives pas. Tu n’as plus de voix. Tu ne sais pourquoi. Tu t’agrippes de nouveau le bras.

 

    Timide.

 

    Tu les vois se questionner. Tu tentes de bredouiller quelque chose. Tu essayes de regrouper les lettres. De dire ne serait ce qu’une phrase. Même banale. Même peu original. Juste…

 

    Bizarre.

 

    Une brûlure. Sur l’autre bras cette fois. Ta chemise commence à être de trop. Tu serres les dents. Une larme fait son apparition au coin de ton œil. Tu la retiens. De toutes tes forces. De toute ton âme. Mais elle se détache et glisse…

 

    Sensible.

 

    Elle tombe. Douleur. Tu fuis.

 

    Introvertie.

 

    Tu entends des rires. Tu as mal. Cela parle de toi.

 

    Peur.

 

    Tu te caches. Tu souffres. Tout te brule.

 

    Anxiété.

 

    Tu pleures. Tu laisses couler. Tu serres les dents.

 

    Enfant.

 

    Trop. Tu retires ta chemise. Sur ton corps, de multiples brûlures. Des mots. Des étiquettes. Tu les connais que trop bien. Elles réapparaissent souvent. À chaque catégorisation. À chaque cliché. À chaque jugement.

 

    Tu t’efforces de les soigner. Tu les acceptes. Tu ne fais qu’un avec. Mais, même si tu les connais, même si tu es habitué à leur présence, la douleur de leur renaissance reste aussi intense qu’au premier jour du marquage.

Jour 28 : Conduire

   Une discussion enflammée. Les arguments qui s’échangent avec passion. Les mots qui découlent sans interruption. Un moment partagé. Les phrases se forment et se déforment. Elles se construisent et s’entassent puis se prélassent en attendant la prochaine vague. Les idées se chamboulent.

 

   Sauf que là ton cœur lui chavire. Tu n’as plus rien à dire. Les pensées ne te manquent pas, mais la musique te les vole une à une. La mélodie te caresse et te berce. Tu n’as qu’une envie, te laisser porter, te laisser guider. La conversation pourra bien attendre quelques minutes. Elle pourra bien se passer de toi quelques mesures.

 

    Sans trop savoir pourquoi, tu tends le bras. Tu proposes une main. Main dans la main, sur la piste chère demoiselle. L’heure a sonné. Tu envoies valser la timidité. La c’est à ton tour de montrer une facette de qui tu es. Car oui sous tes petits airs coincés tu sais aussi t’amuser.

 

    Tu la fais tourner. Vous souriez. Elle ne comprend pas tout et toi tu comprends encore moins. Tu fais illusion. Tu connais les pas, tu connais la chanson. Tu restes sur tes bases pour ne pas la perdre dans le dédale de passes. Tu ne fais que de légères variations.

 

    Finalement cela dure moins longtemps que tu ne l’avais prévu. Le maître de la musique ne laissant pas la mélodie se finir avant de lancer la suivante. Tu es perdue. Tu étais bien lancée. Tu te retrouves bloquée.

 

    Puis une main sur ta joue te réveille. Un sourire sur les lèvres. Une autre main contre toi. À toi de te laisser conduire dans ce mouvement que tu ne maîtrises pas.

Jour 27 : Manteau

    Une veste. Tu l’enfiles. Tu n’as pas froid, mais elle te cache. Elle te protège. Tu doutes toujours. Tu appréhendes. Tu hésites. Jusqu’à la dernière minute. Toujours temps de faire demi-tour. Toujours temps d’abandonner.

 

    Non tu dois essayer.

 

    Tu le vois. Tu souris. Il rayonne. Bienveillant. Étonnant. Tu le suis. Comme un guide. Des présentations. Déjà trop de prénoms. Tu n’oses pas parler. Tu ne fais qu’écouter. Tu parles légèrement de la journée. Quand par elle tu es coupée.

 

    La dame grise au milieu du parc.

 

    Tu ne l’avais encore jamais vu d’aussi près. Elle t’impressionne. Merveille d’architecture. Tu écoutes en ayant ton accroche d’évasion. De nouveaux visages. De nouveaux prénoms. Tu gagnes même un surnom. C’est plutôt mignon.

 

    Rouge sur les joues. Mais à l’aise.

 

    Étrangement à l’aise. Comme dans une bulle. Tu es bien. Il y a du monde, d’habitude tu stresses. Il y a qu’une tête connue, en temps normal tu ne serais pas aussi détendue. Mais une chose de différent flotte dans l’air.

 

    La veste serait-elle de trop ?

 

    Tu entres. Tu discutes. Tu ris. Tu partages. Le temps file. Il court. Petit lapin blanc qui s’enfuit avec lui. Tu ne le vois pas passer.

 

    Tu danses. Tu chantes. Tu profites. Les minutes deviennent des heures. À cette heure le carrosse est devenu citrouille.

 

    Tu n’y penses pas. Tu t’es fait des amis, des connaissances. Ton sourire est franc. Il rayonne comme celui de ton guide.

 

    Finalement la veste sera de trop la prochaine fois. Car tu sais qu’avec ces personnes la. Tu peux tout simplement être toi.