Jour 16 : Sauvage

    Tu pousses la porte. Tu entres dans ce lieu trop peuplé. Noir de monde, il ne reste plus beaucoup d’espace. Mais tu t’avances tout de même. Tu ne réfléchis pas vraiment. Tu te frayes un chemin parmi les personnes. Tu te glisses. Tu sais où aller. Tes jambes le savent. Ta tête ne le sait pas encore. Cependant, ton cœur en est certain. Il faut que tu ailles par là.

 

    À chaque pas, ta tenue change un peu plus. Tu ne sais pas si cela est de la magie. Ou alors tu ne te souvenais plus de ta tenue. Tu essayes de te convaincre que la première option n’est pas réalisable. Et te voici vêtue d’une chemise d’un blanc éclatant et d’un pantalon aux chaines qui tintent en rythme avec tes mouvements. Tes pas s’alourdissent quand des chaussures aux allures cavalières remplacent tes baskets.

 

    Tu n’as pas le temps de t’y attarder. Tu es emportée dans une danse. Puis une autre et te revoilà, corset bien en place sur ton buste te mettant en valeur. Il semble manquer quelque chose. Tu ne sais quoi. Tu continues ta route sans y faire attention. C’est alors que sur ta tête se déposa un haut de forme. Une décoration de plus à chaque personne croisée. Changement de lunettes imposé.

 

    Tu es maintenant fin prête. Tu es fin toi. Dos droit, tu t’élances. Tu attrapes une main pour l’emmener dans la danse. Danse ou combat tu ne sais pas. Une sorte de jeu à qui domptera l’autre. Une lutte musicale de force et d’adresse. Tu as un sourire en coin. Partenaire qui s’amuse. Tu te méfies des ruses. Tu tournes. Tu te prends au jeu.

 

    Jeu du chat et de la souris dont les rôles s’inversent sans cesse. Tu en oublies le monde autour. Il n’existe plus dans l’instant présent. Il n’y a que vous. Vous et la musique. Vous et votre combat. Tu ne veux pas laisser l’avantage. Tu profites d’une ouverture. Tu glisses sur le côté. La dernière note va arriver. Un penché doucement amené. Un doux baiser volé.

 

    Tu te redresses. Tu t’échappes. Tu te glisses dans la foule. Tu disparais parmi elle. Tu voulais jouer encore un peu. Et si nous jouons à cache-cache maintenant ?

Jour 15 : Légende

    Tu t’avances. Timide. Tu l’observes. Caché. Elle semble t’appeler. Elle te demande de t’approcher. Tu hésites. Elle t’intrigue. Tu fais un pas. Elle te parle. Tu n’es plus très loin. Elle t’attire. Tu la touches presque. Elle ne bouge pas. Tu l’effleures du bout des doigts. Elle t’hypnotise un peu plus. Tu passes ta main sur le tissu. Elle t’ouvre ses portes.

 

    Une main sur le rebord. Tu te tiens. Tu ne sais ce qui t’attend de l’autre côté, mais tu y vas. Curieuse. Tu ne peux t’en empêcher. Tu franchis la ligne. Tu marches sur le sentier défendu. Tu vois la lumière au bout. Tu cours pour la rejoindre. Une nouvelle porte. Tu entoures la poignée de tes doigts. Tu tournes doucement. Et un monde magique se dévoile alors à tes yeux.

 

    Une plaine aux mille merveilles. Tu vois dans les airs, des livres volés tels des papillons de savoirs. Et leur mélodie n’est autre que la lecture de leurs textes. Tu aimerais t’attarder près d’eux et les écouter chanter un à un jusqu’à ce que le sommeil t’emporte. Mais une nouvelle chose attire ton attention. Une grande piste de danse. Tu commences alors à faire quelques pas.

 

    La musique sort du sol et de partout à la fois. Elle suit tes pas. Ou tu la suis. Tu ne sais plus qui a commencé. Mais cette scène semble être un instrument à part entière. Tu tournes. Tu t’amuses. Les notes s’enchaînent. Elles s’envolent dans les airs. Elles tourbillonnent avec toi. Elles forment devant toi un être plein de mystères. Un être qui t’entraîne dans la danse, puis qui te laisse découvrir une nouvelle chose.

 

    Des couleurs. Tu vois les couleurs. Des formes de couleurs dont les mots ne seraient assez exacts pour les décrire. Tu les vois colorer le monde. Tu les vois faire sourire les personnes. Tu les observes se déplacer avec grâce. Chacune a son petit détail à elle. Mais toutes forment une entité. Elles se séparent aussi vite qu’elles se rejoignent. Tu les sens t’envelopper. Tu te sens bien. Comme si tu étais entourée par un câlin d’une aura bienveillante à la puissance inégalable.

 

    Tu te laisses porter. Tu te laisser bercer. Tu te sens bien. Comme si cet endroit était fait pour toi. Comme si ce lieu était le tien. Tu espères ne pas te réveiller. Mais une voix lointaine semble t’appeler. Tu fais alors le chemin inverse. Tu dis au revoir aux couleurs. Tu danses une dernière fois avec les notes. Tu feuillètes un petit papillon-livre. Tu souris. Tu sais que tu repasseras. Tu sais que tu n’as pas tout découvert. Mais il est l’heure de faire marche arrière.

 

    Tu sors alors du cadre pour entrer dans un nouveau. Tu t’éloignes pas à pas du tableau. Tu lui tournes le dos, difficile de dire au revoir. Mais en te retournant brièvement, tu peux apercevoir. Un petit encadré sous la toile. « Pays où les rêves se dévoilent ».

Jour 14 : Envahi

    Un, deux, trois. Trois sujets qui dansent. Trois chemins qui se croisent. Tu penses et tu repenses. Le flux est léger. Facile à gérer. Mais tu sais ce qui t’attend. Tu le sais, tu le ressens. Ils arrivent bientôt. Ils accélèrent le tempo.

 

    Quatre, six, huit. Huit pensées qui valsent. Huit routes siamoises. Elles sont là, devant toi. Tu ne sais que choisir. Ton cœur qui chavire. Les sentiments d’un côté. La logique peu exprimée. Déjà des nouveaux sur la piste. Ils arrivent à la suite.

 

    Dix, quinze, vingt. Vingt souvenirs qui jouent. Vingt allées de cailloux. Les pensées divaguent dans les vagues. Tout commence à se mélanger. Tu ne sais plus où aller. Comment arrêter la musique ? Tu perds la logique. Attention, un groupe en chemin. Suivi par quelques orphelins.

 

    Cinquante, soixante-quinze, cent. Cent moments qui se mélangent. Cent voies à contre sens. Tu ne contrôles plus rien. Tout vient et revient. Un tourbillon dans la tête. Ce n’est plus l’heure de la fête. Tu aimerais stopper cela. Tu aimerais bloquer cela. Toujours plus de pensées. Tu ne sais comment tu vas gérer.

 

    Trois cents, six cents, mille. Mille images qui se forment. Mille dessins qui se déforment. Tu en oublies l’origine. Tu la cherches, tu l’imagines. Tu tombes dans tes propres méandres. Tu n’arrives plus à te détendre. Tu ne vois aucune solution. Dansent les illusions. Tu n’alignes plus les mots. C’était la note de trop. Tu ne sais plus où aller. Tu ne sais plus comment danser.

 

    Danser peut-être une sortie. Tu danses alors sur la mélodie. Tu tentes de la discipliner. Tu essayes de la dompter. Tu ne fais qu’un avec elle. Elle t’englobe et t’ensorcelle. Tu la fais tienne. Elle se déchaîne. Tu la calmes, l’adoucis. Elle calme doucement sa folie. Les pensées sont toujours là. Mais tu les entends cette fois. Pas de cacophonie. Une voie unie.

 

    Un moment de relâchement. Un instant innocent. Te voici submergé. Te voilà encerclé. Mais si tu prends le temps. Alors tout doucement. Les choses se calmeront. Les pensées plus calmes reviendront.

Jour 12 & 13 : Dragon & Cendres

    Il était une fois, il y a bien longtemps, un royaume où vivaient des êtres magiques. Ces individus aux pouvoirs bien particuliers possédaient force et courage. Ils pouvaient braver n’importe quel danger et défendre leur contrée devant chaque envahisseur. Mais ces braves personnes n’avaient pas seulement les armes et leurs qualités comme attributs. En effet, cette race n’était pas des plus ordinaires. Les ailes dans leur dos pouvaient faire penser à des démons. Cependant, leur capacité à faire sortir le feu de leur bouche, les rendaient dignes héritiers de nobles dragons ayant peuplé la terre et les cieux des années avant eux. Les draganirs étaient nés, d’après la légende, de l’amour d’un roi dragon et d’une humaine. À l’époque de la légende, les êtres ailés possédaient une magie dépassant ce que pourraient penser les hommes. Notre histoire commence au sein du royaume des flammes, terre des draganirs, où naquit un petit du nom de Arkangis.

 

    Arkangis était un jeune draganir très vif et agile. Il aimait jouer avec ses camarades même s’il se montrait parfois timide et réservé. À l’école, il était des plus assidus et travailleur. Il était d’ailleurs le meilleur de sa classe malgré sa non-Manifestation. En effet, le petit n’avait pas encore sa magie assez développée pour cracher du feu. Cela inquiétait beaucoup ses parents et enseignants. Mais ce n’était pas cela qui allait arrêter notre héros. Il restait le plus fort et stratège de l’école. Il ne lui manquait plus que la Manifestation pour avoir son diplôme et accéder au poste de ses rêves.

 

    Comme pour accélérer les choses, il multiplia les exercices. Il s’entrainait tous les jours. Il répétait des dizaines de fois les exercices de ses professeurs. Sans relâche, il se renseignait sur des moyens de réveiller cette magie tant convoitée. À chaque fois qu’il échouait, il se relevait plus fort et plus déterminé. Il s’accrochait à l’espoir qu’un jour, une simple flammèche s’échappe de sa bouche. Un simple filet de fumée. Même juste un peu de cendre. Un rien pouvant se rapprocher d’une Manifestation draganique.

 

    Les vacances finirent par arriver. Arkangis décida de les passer chez son oncle. Un draganir très respecté et connu pour sa sagesse. Le jeune suivit les conseils de son aîné. Les jours de repos n’en étaient pas pour lui. Il s’agrippait si fort à son espoir que cela faisait de la peine au vieil homme. Ce dernier savait que passé un certain âge la Manifestation avait moins de chance apparaître et certains draganirs se retrouvaient alors sans pouvoirs, destitués de leurs titres et parfois raillés tellement qu’ils en fuyaient le royaume. Il ferait tout pour que son neveu réussisse même si au fond de lui l’espoir s’éteignait petit à petit.

 

    Un jour, alors qu’il s’exerçait, une sensation étrange le prit. Il avait chaud. Chaud au point que de la glace ne pourrait le refroidir. Tellement chaud que la lave ne lui ferait aucun effet. Si chaud que le sol sous ses pieds se brûlait. Il n’arrivait plus à bouger. Cela le prenait de l’intérieur et se rependait dans chaque parcelle de son être. Chaque cellule de son corps le brûlait. Chaque infime partie de son être le torturait. Il ne pouvait plus rien faire. Il était bloqué. Il ne pouvait crier. Sa gorge était bloquée. Son oncle parti pour récupérer des plantes ne pouvait pas l’aider. Il devait se concentrer. Il essaya d’ignorer la douleur. Il cherchait une solution pour passer outre.

 

    Il pensa alors au froid. À la pluie, à la neige, à la grêle, à la glace. Il ferma les yeux non sans mal et focalisa toutes ses forces sur cette pensée. Il essaya comme d’absorber tout ce qui pouvait lui apporter de la fraîcheur autour de lui d’une manière ou d’une autre. Il sentit quelque chose gonfler au fond de lui. Quelque chose grandir. Quelque chose recouvrir le feu qui le consumait et le rendait fou. Il s’apaisait de l’intérieur. Son corps était comme entrain de se refroidir alors qu’il brûlait quelques minutes auparavant. Il commençait à reprendre une température normale.

 

    Arkangis sentait que cela ne pouvait pas s’arrêter ainsi. Il aimait cette sensation de fraîcheur. Il en voulait plus. Il avait toujours préféré les baignades dans le lac à celles aux sources trop chaudes. Il aimait sentir l’hiver autour de lui. Il aimait sentir la neige contre sa peau. Le froid ne le dérangeait pas. Au contraire, il était dans son élément. Il se remémorait tout ces moments. Tous ces instants où il se sentait lui. Tous ces souvenirs dans lesquels il ne jouait pas le rôle du parfait élève. Tous ces entraînements à s’en brûler le corps. Toutes ces cicatrices à force de jongler avec le feu.

 

    Sans qu’il s’en rende compte, le jeune draganir commençait à changer. Ses ailes aux reflets or symbole des non-Manifestations prirent une teinte blanche avec des reflets bleu pâle. À ses pieds, le sol asséché se couvrit d’une fine couche de givre. Son cœur fusionna avec la glace. Ses yeux devinrent verts comme ceux de tous les adultes ayant eu leur magie. Arkangis prit alors une inspiration. Son corps se refroidit de nouveau. Il aimait cette sensation. Alors, quand il souffla un nuage de givre ses yeux s’écarquillèrent. Il avait réussi. Il avait eu sa Manifestation. Il avait échoué. Il n’avait pas eu LA Manifestation.

Jour 11 : Neige

    Tout est calme. Tout est doux. Tu marches tranquillement. Tu te promènes dans les rues. Tu te perds rapidement. Tu aimes découvrir. Tu aimes les surprises. Tu te trompes alors volontairement. Tu prends un chemin que tu ne connais pas. Tu avances à l’instinct.

 

    Un coup à droite. Un coup à gauche. Tu t’éloignes de la ville. Tu arrives dans un grand parc. Ou plutôt une forêt. Tu t’enfonces doucement dans son cœur. Tu suis les fleurs. Comme si elles t’indiquaient la route. Comme si elles voulaient que tu voies quelque chose.

 

    Au fur et à mesure, les paysages changent autour de toi. Les arbres bougent et se meuvent. Les plantes semblent chanter une mélodie. Du printemps à l’été, le soleil se fait plus fort. Les couleurs explosent autour de toi. Tu es submergée. Tu les vois t’entourer de tous les côtés. Un arc-en-ciel sur le sol. Un tourbillon multicolore dans les yeux. Tu hésites à t’arrêter, mais la curiosité en toi veut découvrir la suite.

 

    Les couleurs s’adoucissent. L’automne fait son apparition. Les feuilles se décrochent des arbres. Elles dansent. Elles valsent. Elles forment des personnages qui partagent un moment unique. Tu te surprends à les regarder. Tu te surprends à les envier. Tu as envie de les rejoindre. Juste quelques tours sous cette pluie de feuilles si douce. Mais tu es happée par la suite. Curiosité toujours de la partie.

 

    La teinte de la forêt change de nouveau. Les couleurs se font plus subtiles sous cette épaisse couche de blanc. Quelques touches de bleus. Quelques pétales qui résistent. Tu vois d’un coup les flocons rouler. Ils se rejoignent. Ils se fusionnent. Ils brillent. Ils tourbillonnent. Ils te fascinent. Tu les regardes faire. Tu les observes. Tu les regardes changer. Et devant bientôt, un être apparaît.

 

    Un chapeau arrivé de nulle part se pose délicatement sur la tête de l’individu irréel. Tu l’observes. Il te salue. Tu optes pour la légère courbette. Un rire amusé et timide derrière toi. Tu te retournes. Un être de fleurs, un autre de couleurs et le dernier de feuille. Tu ne saurais les genres. Ils t’entourent. Ils te sourient. Ils s’approchent.

 

    Tu te réveilles. Tu te demandes si cela était réel. À la vue des dessins sur ton carnet, tu continues de douter. À moins qu’un talent caché se réveille en toi quand le sommeil te tend les bras, ces coups de crayon ne sont pas les tiens. Cela restera un mystère, mais il est peut-être mieux ainsi. Trop occupé à regarder ta feuille, tu ne remarques pas par la fenêtre un petit flocon tombé en plein été.

Jour 10 : Motif

    Tourner. Virer. Chercher. Tu ne sais quoi écrire. Tu te dis que tu devrais lire. Mais tu n’as pas la motivation. Alors tu retournes te poser sur le canapé. Tu réfléchis de nouveau. Tu cherches une idée. Tu te dis qu’elle n’est pas bien loin. Elle te tend les bras.

 

    Tourner. Vriller. Danser. Tu ne sais quoi faire. Tu te dis que tu devrais te reposer. Mais tu n’as pas l’envie. Alors tu retournes danser sur la musique. Tu t’évades de nouveau. Tu attrapes une idée. Tu te dis que c’est possible. Elle t’agrippe le bras.

 

    Tourner. Parler. Bredouiller. Tu ne sais quoi dire. Tu te dis que tu devrais te taire. Mais tu n’as pas le courage. Alors tu retournes bégayer quelques mots. Tu te perds de nouveau. Tu oublies une idée. Tu te dis qu’elle ne reviendra pas. Elle est loin des bras.

 

    Tourner. Avancer. Reculer. Tu ne sais quoi bouger. Tu te dis que tu devrais courir. Mais tu n’as pas l’énergie. Alors tu retournes t’assoir au milieu du chemin. Tu t’endors de nouveau. Tu rêves d’une idée. Tu te dis qu’elle est là. Elle t’ouvre les bras.

 

    Tourner. Boucler. Bloquer. Tu ne sais quoi penser. Tu te dis que tu devrais arrêter. Mais tu n’as pas l’inspiration. Alors tu retournes manger un morceau. Tu tournes de nouveau. Tu tiens une idée. Tu te dis qu’elle est écrite. Elle est dans tes bras.

Jour 9 : Balancer

    Tu chantonnes. Tu fredonnes. Une chanson de l’enfance. Une chanson que tu as dû apprendre un jour. Un seul mot et la voici dans ta tête. Tu ne sais comment l’enlever. Mais as-tu réellement envie de l’enlever ? Il y a des jours où il est plus simple d’avoir des chansons qui tournent en boucle plutôt que certaines pensées et aujourd’hui en fait partie.

 

    Tu voyages avec la musique. Un coup, tu vas à Rio dans un petit village caché sous les fleurs sauvages. Tu te dis que cette ville est bien le paradis du Brésil. Mais à peine posé, New York te tend les bras. Tu te vois dormir dans un hôtel délatté et trainer du côté gay. En parlant de cela, tu entends déjà les bourgeois du XVIe se demander pourquoi ils s’aiment. Alors que tu vois cette petite bourgeoisie qui boit du champagne.

 

    Stop. Tu coupes le son. Et tu remets le son. De retour en France, à l’aube, il est six heures Paris s’éveille. Le ciel est gris. Les gens aigris. Tu es pressé de les retrouver. Vous vous êtes donné rendez-vous dans dix ans. Même jour, même heure, même pomme. Tu t’assois sur un banc, cinq minutes avec eux. Tes copains tu ne les oublieras jamais.

 

    Stop. Tu coupes le son. Et tu remets le son. Une valse à trois temps commence. Tu la suis. Tu la danses. Tu enchaines les pas sur un quatre temps. Tu t’offres un détour du côté de l’amour. Car on croit toujours aux mots doux d’amour, quand ils sont dits avec les yeux. Comme les yeux bleus d’Isabella. Parler te semble ridicule. Tu t’élances puis tu recules. Tu marches seul dans les rues. Tu attends juste une main.

 

    Tu continues ainsi durant plusieurs minutes. Tu te perds de chanson en chanson. Tu en oublies presque celle qui a tout déclenché. Tu ne discernes plus tes pensées des paroles. Tu ranges dans ces moments là dans un placard tes idées noires. Et les notes peuvent alors se danser et nous reviendrons les chanter.

Jour 8 : Frêle

    Tu écoutes. Tu entends. Tu pleures. Tu ne sais comment réagir. Tu te renfermes. Tu te recrovilles sur toi-même. Tu tentes de calmer l’esprit. Mais les images défilent en son cœur. Les souvenirs tournent. Les mots retournent. Une scène se distingue. Un personnage mis en avant. Tu fermes les yeux pour mieux l’observer. Te concentrer sur lui quelques instants…

 

    Petit écureuil. Un simple petit mammifère rouquin. Il est allongé. Près de lui un instrument de musique. Un petit ukulélé. Ses cordes sont brisées. Il est bien abîmé. Tout comme le petit. Il a sûrement dû tomber. Il ne se réveille pas.

 

    Un enfant s’approche. Il est avec un adulte. Innocence prend l’animal dans les bras. Responsabilité lui récupère l’objet. Ils semblent paniqués. Ils courent. Comme s’il ne fallait pas perdre de temps. Comme si l’écureuil était essentiel à l’équilibre.

 

    Autour d’eux, les ombres gagnent du terrain. Elles grappillent tout sur leur passage. Elles attrapent toutes les personnes sur leur chemin. Elles grisent le monde coloré. Elles veulent, comme s’approcher du petit être assommé.

 

    La course se termine dans une petite maison isolée. Dans celle-ci, une jeune femme au beau chapeau au regard inquiet. Des petites fées, elles, volent dans tous les sens. Et un homme à la redingote reconnaissable reste dans son coin, comme tétanisé et perdu à la fois.

 

    Les fées aident Responsabilité à réparer l’instrument. Ils font de leur mieux. Même Passion, met la main à la patte en tentant de trembler un peu moins. Un doux mélange d’Émotions et de Passion, combinés avec un peu de Responsabilités. Le tout permettant de réparer le petit objet à corde non sans mal.

 

    De l’autre côté, la jeune femme et Innocence essayent de soigner le petit écureuil. Elle pose son chapeau sur la table pour que l’Amour berce le petit être. Innocence à son chevet et Sensibilité au-dessus de lui. Ils font leur maximum pour aider le petit à retrouver le chemin du réveil.

 

    Les ombres se rapprochent de la maison. Elles gagnent la porte. Elles l’englobent. Un œil ouvert. Elles s’avancent et attrapent une des fées. Un second œil. Elles ne s’arrêtent pas. Elles piègent les deux hommes. Un mouvement. Un son. Une lumière.

 

    Le petit s’est réveillé. Le petit vient de sauter sur son instrument. Le petit vient de jouer une note. Difficilement. Mais il vient de le faire. Il joue pour écarter les ombres. Il joue pour remettre de la lumière. Il joue pour colorer le monde. Et bientôt, quand il sera remis il jouera du haut de son arbre.

 

    Qu’obtient-on quand on mélange de l’amour, de la sensibilité et de l’innocence ? Un doux mélange permettant de réveiller l’Espoir qu’on pensait endormi.

 

    Tu relèves la tête. Les larmes toujours présentes. Mais tu souris à cette pensée. Même si l’écureuil est fragile tout comme son instrument, la musique de l’Espoir retentira toujours même si elle se fait plus faible parfois.

Jour 7 : Enchanté

    Tu marches. Comme à ton habitude. Tu marches souvent. Tu aimes sentir l’air sur ta peau. Même quand il pleut. Tu ne déroges pas à tes ballades quotidiennes. Tu apprécies la sensation de l’eau glissant le long de ton visage. Cela te fait sentir vivante. Cela te donne ce quelque chose de plus. Seule sous la pluie, tu n’as besoin de personne pour prendre conscience que tu es là, ici, maintenant, à sûrement tomber malade à rester trop longtemps sous ce déluge.

 

    Une autre chose qui te fait sentir toi, autant que cela te perd, c’est la musique. Tu l’entends sur ton chemin. Tu la suis sur ton chemin. Tu la poursuis. Tu cherches à la retrouver. Tu en cherches l’origine. Tu es envoûtée par cette mélodie. Tu es comme cette souris enchantée par le joueur de flûte. Tu ne peux t’en empêcher. Quand il s’agit de musique, tu es là.

 

    Toi qui comptais sortir rapidement de ce bâtiment, tu te retrouves à la parcourir dans tous les sens. Tu montes puis descends les escaliers. Tu le traverses en long et en large. Tu as l’impression que les notes jouent avec toi. Tu ne sais où chercher. Comme si elles venaient de tous les côtés. Et de nulle part à la fois. Tu hésites à abandonner…

 

    Mais, tu entends des rires. Tu les rejoins. Une porte. De la musique. De la lumière. Il ne t’en fallait pas plus. Tu entres. Tu es comme dans un état second. Timidité envolée, te voilà à demander à une jeune femme sa main pour danser. Tu ne sais pas ce qui te guide. Tu ne sais pas ce qui t’arrive. Tu danses simplement. Avec les notes, tu n’es pas toi, au sens de toi. Tu es simplement toi.

 

    Tu te sens à la fois plus sensible et moins timide à la fois. Cela t’aide à t’exprimer. Cela te permet d’évacuer. Et en même temps, tu reçois autant que tu donnes. Tu fais le plein de bonheur. Tu te remplis de couleur. Chaque note apportant la sienne. Chaque pas, ajoutant une nuance. Tu danses dans un tourbillon arc-en-ciel. Tu vis au pays des merveilles.

 

    Tu te perds dans la chanson. Tu chantes. Tu danses. Tu oublies les règles. L’amusement passe avant. Tu es là. Tu souris. Tu ris. Tu manques de tomber. Elle manque de glisser. Les mains se loupent. Vous rigolez. Vous profitez. Vous plaisantez. Vous partagez. Pas beaucoup de mots. Mais tellement de choses sont dites.

 

    La musique est une magie colorée qui enchante les sentiments et qui envoûte les cœurs. Elle fait se mouvoir la partition de la vie et raisonner avec elle, les pleurs et bonheurs.

Jour 6 : Costaud

    Tu marches doucement. Tu explores. Tu contemples. Tu t’étonnes. Tu observes ce petit papillon voler. Tu regardes ces fourmis travailler. Soudain, quelque chose te vient. La vie est quelque chose d’éphémère. Alors, pourquoi travailler comme cette fourmi alors que nous pourrions voyager comme le papillon ?

 

    Tu te questionnes. La vie a-t-elle un sens ? Mais si elle n’en a pas qu’en est-il de tout ce que nous faisons sur cette terre ? Nous tentons de trouver du sens à quelque chose qui n’en a peut-être pas. Et si un sens nous apparaissait, la vie ne deviendrait qu’une mécanique sans le mystère qui fait son charme.

 

    Tu lèves les yeux au ciel en continuant tes réflexions. Si nous partons du principe que la vie n’a pas de sens. Alors nos actions n’en ont pas plus si elles se font dans un contexte qui n’a pas plus de sens que le sens lui-même. Cela signifierait que nous essayons de donner une définition à quelque chose que nous ne pouvons définir. Est-ce que le sens a toujours du sens quand nous tentons de le définir dans un contexte qui n’en a pas ? Pouvons-nous réellement donner pleinement sens à un mot se posant à ses propres limites du sens ? Comment donner un sens aux choses quand la vie qui englobe les réalités n’en possède pas ?

 

    Tu commences à avoir les pensées qui se mélangent. Le sens, qu’est ce que le sens si le sens n’a pas de sens dans le sens où le sens ne s’applique pas à tout ? Aimer a-t-il du sens lorsque c’est la seule chose qui donne du sens à une existence ? Ceci n’a pas de sens. Si la vie a un sens, aimer aurait-il le même sens que le non-sens qui lui est donné ? Si elle en a un, le sens de la vie serait-il le même pour tous ou le sens serait une définition propre à chacun ? Une définition est-elle réellement une définition si chacun a la sienne pour un même mot ? Pouvons-nous toujours nous comprendre si le sens même du mot sens est unique pour chacun, ne craignons-nous pas que le sens d’autres mots prenne son sens dans un autre sens que le sens commun du sens et que le sens donné change alors de sens pour qu’il devienne sensé que chacun ait son propre sens ?

 

    Tu cogites, tout est sens dessus dessous. Le sens part dans tous les sens si chaque sens à son propre sens qui dépend à la fois du sens commun et du sens individuel. Comment avancer dans le même sens si l’essence même du sens dépend du sens que chacun apporte ? Pouvons-nous communiquer si nous n’avons pas le même sens des mots ? Avons-nous vraiment besoin de donner un sens à la vie ? Si nous ne cherchons pas à lui donner du sens alors le sens de…

 

    Tu te stoppes. Tu es stoppée. Tu étais tellement perdue dans tes pensées que tu ne l’avais pas remarqué. Tu t’excuses et tu remercies l’homme. Grâce à sa carrure, il venait de t’arrêter alors que les réflexions commençaient à te ronger.