Chapitre 1 : Cœur

    Mathilda naquit un beau matin d’automne alors que les feuilles tombaient des arbres et que la couleur de la saison prenait le pas sur celle qui l’avait précédée. Son père maniait le marteau et sa mère l’épée. Ils travaillaient tous deux pour la garde royale dans deux secteurs différents.

 

    Tonor, son paternel, possédait des origines naines qui lui conféraient de naissance une certaine force. Il avait aussi le don du forgeron. Ce dernier lui permettait de manipuler l’acier à sa guise pour former armes et armures. Il pouvait aussi en se concentrant et en puisant dans son énergie interne faire apparaître des armes qu’il rendait par la suite plus puissantes dans son atelier. Il était l’ainé d’une grande lignée de maitre forgeron, mais aussi le meilleur de sa génération dans le domaine.

 

    Elnia avait mis du temps avant de répondre à la positive aux avances de l’homme-nain, elle qui avait du sang d’elfe et qui aimait son indépendance. Elle croisait souvent Tonor durant ses études, mais aussi durant sa carrière. Elle avait bien souvent besoin de ses coups de marteau pour réparer ses armes et armures abimées. Bien qu’elle soit devenue rapidement capitaine de la garde royale pour ses compétences de leader, mais aussi grâce à son don de chevalier, elle aimait se joindre aux troupes et prendre les coups pour protéger les innocents.

 

    Tandis que l’un crée les armes, le second les usait jusqu’à leurs limites. Elnia possédait une très grande maitrise des combats, mais aussi la capacité à stocker un nombre impressionnant d’armes et armures qu’elle changeait en fonction des situations. Malheureusement, son dévouement et sa détermination eurent raison d’elle peu de temps après la naissance de la petite.

 

    En effet, quelques semaines après la venue au monde de l’enfant, une brèche fut ouverte et des démons envahirent le monde. Elnia faisant partie des plus gradées fut appelée. Elle mena les troupes pour repousser ces créatures d’un autre univers. Les armures furent brisées les unes après les autres. Les armes se rompaient usées par les coups et les attaques.

 

    Personne ne sut vraiment ce qui se passa ce jour-là. Les démons étaient repartis. Il y eut peu de victimes. Mais ce faible nombre suffit à mettre le monde en deuil. Les plus grands capitaines et généraux étaient rentrés sur des brancards. Les membres de la garde furent incapables de prononcer un seul mot concernant ce qui s’était passé. Un jour aussi sombre que victorieux. Une victoire qui avait un gout de défaite.

 

    Deux personnes manquaient à l’appel. Elnia, capitaine de la garde royale, et Alvia, sa sœur et bras droit. Le seul souvenir qui restait d’elles était un collier. Celui des membres de la famille elfique. Il fut remis au mari d’Elnia ainsi qu’à la fille d’Alvia. Tonor le rangea précieusement dans un petit coffre avec les anciennes armes de son épouse se promettant de l’offrir à sa fille à sa majorité.

 

    Il prit alors la décision de se reculer dans la région de Tabmoc à la frontière de celle de Nasitra. Il ne savait pas quel don développerait sa fille. Mais intérieurement même s’il ne voulait que son bonheur il espérait qu’elle n’ait pas le don de chevalier.

 

Vingt-et-un ans plus tard

 

    « Tu t’en sors bien, Math »

 

    Mathilda venait de forger une nouvelle armure quelque peu spéciale. En effet, ce n’était pas tous les jours qu’un forgeron avait l’occasion de faire un plastron pour un ogre-araignée. Six bras, deux jambes, 4 yeux, rien que cela… Il en fallait du travail et de la minutie. L’un des rares forgerons à savoir le faire n’était autre que Tonor, le père de Mathilda. Et maintenant sa fille, qui venait de réussir ce défi le jour de ses vingt-et-un ans.

 

    Tonor était très fier de sa petite possédant tout comme lui le don de forgeron et quel don. Il se voyait souvent en elle-même si elle avait la même patience que sa mère, c’est-à-dire, quasiment aucune. Cela n’était pas forcément bon pour un forgeron de manquer de patience, mais elle arrivait à faire de belle chose malgré cela. Elle avait une volonté de fer et elle apprenait extrêmement vite.

 

    « Bien comme nous avons fini, tu mérites une petite surprise »

 

    Tonor sortit de sa cachette le fameux coffre. Il avait trois ans de retard, mais le jour de ses dix-huit ans, il n’avait pas eu la force de se remémorer ces souvenirs douloureux. Puis les années d’études ont suivi, mais aujourd’hui était le grand jour.

 

    Mathilda s’approcha doucement de la boite. Elle l’avait déjà vu plusieurs fois et s’était souvent demandé ce qu’elle contenait. Elle allait enfin pouvoir le découvrir. Elle posa ses mains sur le bois et le poussa délicatement. La jeune femme entrouvrit le coffre. Elle y découvrit une armure qui semblait être à sa taille. Un regard vers son père. Une larme glissait sur la joue de ce dernier.

 

    Elle enfila délicatement l’objet non sans avoir remarqué le nom de sa mère gravé sur celui-ci. Elle sortit les différentes armes tour à tour. Puis elle attrapa un petit pochon dans le fond. Elle ouvrit délicatement l’objet pour en sortir un pendentif. L’emblème des elfes. Elle l’avait appris en cours d’histoire. Ce symbole était l’un des sceaux d’une longue lignée de nobles elfes ayant aidé à bâtir la cité centrale d’Etisrevid.

 

    Une larme roula sur son visage tandis qu’elle enfila le pendentif.

 

    Au même moment, une forte douleur la fit tomber en arrière. Le pendentif s’éclaira. Dans sa poitrine son cœur se serra. Elle était comme brulée, mais elle n’arrivait pas à parler. Elle n’arrivait pas à crier. Comme si les sons étaient bloqués au fond de sa gorge. Elle entendait un son comme celui du métal brulant que l’on est entrain de marquer.

 

    Son père s’était précipité auprès d’elle et tentait de retirer le collier sans succès. Il retira le plastron de sa fille puis ouvrit la chemise de sa fille pour vérifier que tout allait bien. En retirant les boutons, il n’eut pas besoin de tout enlever. Un symbole marqué sur sa peau. Une marque au fer rouge. Sa fille venait d’être dotée d’une marque en enfilant un simple pendentif…

 

    Il installa Mathilda sur son lit et partit à la recherche d’un médecin qui s’empressa de l’examiner. Mais il n’eut aucune réponse à apporter ni au père inquiet ni à la fille qui ne réveillait avec une forte douleur. Leur seule chance était les livres. Et sans attendre que l’anti douleur ne fasse effet, Mathilda s’empressa de tirer son père vers la bibliothèque et ils passèrent la soirée de son anniversaire à tenter de comprendre d’où venait cette marque et ce symbole sur ce pendentif. Il y aurait bien une réponse dans les livres.

Chapitre 0 : Imagine

    Bonjour noble lecteur et bienvenue dans le monde d’Enigami. Un monde ressemblant à ceux que vous connaissez déjà. Un monde fantaisie où vivent trolls, gobelins ou encore elfes et nains. Un monde où la magie circule en chacun et où chaque être possède son propre don. Un monde fantastique où la seule limite est celle de l’imagination. Entrez donc, et suivez mes mots.

 

    Mais avant de vous raconter l’histoire d’une jeune fille particulière, laissez-moi vous expliquer quelques petites choses sur ce monde un peu spécial. Enigami est divisé en plusieurs régions, chacune possédant sa propre caractéristique. La région Tabmoc, par exemple, regroupe une majorité de combattants et les forme à la protection des habitants. Celle d’Eriatnemele, elle rassemble les mages élémentaires des contrées pour leur enseigner la maitrise de leur magie.

 

    Généralement, chaque être possède un don et se voit attribuer une école en fonction de celui-ci pour l’aider à le développer et faire de lui un membre de la société. Bien souvent, à la suite de leur formation les jeunes diplômés vont vers les villes au centre du monde dans la région d’Etisrevid pour participer à la vie active. Certains décident de devenir à leur tour professeurs ou alors de remplir une fonction dans une région annexe. Heureusement que ceux ayant le don de la nature et les dons médicaux voyagent dans toutes les régions sinon, nombres problèmes resteraient.

 

    En plus de ce don, il existe les marques. Elles sont rares, mais confèrent à celui ou celle qui la porte un autre don souvent très ancien. Chaque marque est unique, mais malgré la force quelles donnent à leur porteur, elles sont aussi un fardeau lourd à porter. Certaines sont liées à des malédictions, d’autres à des prophéties. Certains porteurs sont parfois exclus de leur communauté suivant la forme des marques à cause de légendes. Les porteurs qui réussissent à réveiller leurs marques sont nombreux, mais ceux qui arrivent à la maitriser sont rares. Il n’existe pas d’école, pas de formation, pas de livre,… enfin seulement ceux d’histoire.

 

    Et c’est à la lecture d’un de ces livres d’histoire que commence notre histoire. Le jour où la jeune Mathilda, se penche au-dessus de cet imposant ouvrage et où elle comprit enfin ce qui lui arrivait… Mais revenons quelque temps en arrière que je vous explique qui est cette jeune demoiselle dont nous allons suivre les aventures…

Jour 31 : Mûr

    Graine. Tu la plantes. Elle se nourrit d’amour et d’eau fraîche. Elle pose ses racines. Elle n’ose pas trop sortir le bout de son nez. Elle reste encore un peu terrée. Mais, tu continues à lui apporter de l’attention. Tu tâches de la rassurer.

 

    Petite pousse. Tu vois un petit morceau vert ressortir. Il grandit à son rythme. Doucement mais sûrement. Le voici qui s’élance comme un grand. Tu lui souris et continue de lui raconter des histoires et lui apporter à boire.

 

    Arbuste. Tu t’étonnes tous les jours de sa taille. Il est devenu robuste le petit. Il fort et courageux. Il est prêt à affronter les éléments. Tu l’aides comme tu peux. Tu le protèges toujours un peu. C’est toujours un petit pour toi.

 

    Arbre. Tu dois lever les yeux pour le regarder de haut en bas. Il est loin le temps où il forgeait encore ses racines. Maintenant, le voici bien ancré dans le sol. Il est fier. Il se montre. Toi, tu es fier en un sens. Le petit est devenu grand.

 

    Arbre fleuri. Tu t’émerveilles en le voyant. Ses couleurs se remarquent de loin. Il ne passe plus inaperçu dans le paysage dans son bel habit printanier. Cela te rappelle des souvenirs. Tu le vois s’épanouir. Le voici indépendant.

Jour 30 : Attraper

    Te voilà. Oh toi qui t’amuses à jouer des tours. Toi qui te délectes du malheur des gens. Toi qui te nourris des larmes et des cris. Toi qui aimes faire souffrir autrui.

 

    Tu es de ceux qui se régalent d’une bonne dispute. De ceux qui sourirent lors de ruptures. De ceux qui se frottent les mains d’une malchance. De ceux qui rient d’une chute.

 

    Toi qui te plais à faire remonter les mauvais souvenirs. Qui apprécie ceux que tu peux manipuler. Qui savoure le goût amer de la défaite. Qui s’extasie devant les âmes démunies.

 

    Tu sèmes la noirceur autour de toi.

    Tu gâches la couleur autour de toi.

    Même les mélodies ont peur de toi.

    Même les positifs s’éloignent de toi.

 

    Tu es la part sombre. Tu es ce qui empêche l’utopie. Tu es le cauchemar. Tu es ce qui maintient sur terre. Parfois, sous terre.

 

    Tu te joues de tes hôtes. Tu fais sonner des mots, des souvenirs, des idées, des désirs… Tu appuies où cela fait mal. Tu joues des peurs et des faiblesses. Tu t’immisces dans n’importe quel être.

 

    Tu résonnes. Tu chantonnes. Tu ris.

    Tu fais pleurer. Tu laisses éveillé.

 

    Mais tu sais ? Tu ne gagneras pas toujours. Au mieux tu teinteras de gris l’être choisi. Mais le noir le couvrira rarement.

 

    Il est lâche de s’attaquer aux faiblesses des autres, d’appuyer sur les points sensibles, d’attaquer une personne désarmée, d’appuyer sur la corde fragile.

 

    Oh toi qui essayes de faire sombrer.

    Tu rends plus fort finalement.

Jour 29 : Blessé

    Tu t’avances vers eux. Tout va pour le mieux. Tu te sens bien. Tu te sens léger. Comme si tu pouvais voler. Tu t’approches du groupe. Tu y es presque. Tu t’y glisses discrètement. Un regard. Une douleur.

 

    Intruse.

 

    Tu te tiens le bras. Les visages vers toi. Des questions sur toi. Les mots hors de toi. Tu n’y arrives pas. Tu n’as plus de voix. Tu ne sais pourquoi. Tu t’agrippes de nouveau le bras.

 

    Timide.

 

    Tu les vois se questionner. Tu tentes de bredouiller quelque chose. Tu essayes de regrouper les lettres. De dire ne serait ce qu’une phrase. Même banale. Même peu original. Juste…

 

    Bizarre.

 

    Une brûlure. Sur l’autre bras cette fois. Ta chemise commence à être de trop. Tu serres les dents. Une larme fait son apparition au coin de ton œil. Tu la retiens. De toutes tes forces. De toute ton âme. Mais elle se détache et glisse…

 

    Sensible.

 

    Elle tombe. Douleur. Tu fuis.

 

    Introvertie.

 

    Tu entends des rires. Tu as mal. Cela parle de toi.

 

    Peur.

 

    Tu te caches. Tu souffres. Tout te brule.

 

    Anxiété.

 

    Tu pleures. Tu laisses couler. Tu serres les dents.

 

    Enfant.

 

    Trop. Tu retires ta chemise. Sur ton corps, de multiples brûlures. Des mots. Des étiquettes. Tu les connais que trop bien. Elles réapparaissent souvent. À chaque catégorisation. À chaque cliché. À chaque jugement.

 

    Tu t’efforces de les soigner. Tu les acceptes. Tu ne fais qu’un avec. Mais, même si tu les connais, même si tu es habitué à leur présence, la douleur de leur renaissance reste aussi intense qu’au premier jour du marquage.

Jour 28 : Conduire

   Une discussion enflammée. Les arguments qui s’échangent avec passion. Les mots qui découlent sans interruption. Un moment partagé. Les phrases se forment et se déforment. Elles se construisent et s’entassent puis se prélassent en attendant la prochaine vague. Les idées se chamboulent.

 

   Sauf que là ton cœur lui chavire. Tu n’as plus rien à dire. Les pensées ne te manquent pas, mais la musique te les vole une à une. La mélodie te caresse et te berce. Tu n’as qu’une envie, te laisser porter, te laisser guider. La conversation pourra bien attendre quelques minutes. Elle pourra bien se passer de toi quelques mesures.

 

    Sans trop savoir pourquoi, tu tends le bras. Tu proposes une main. Main dans la main, sur la piste chère demoiselle. L’heure a sonné. Tu envoies valser la timidité. La c’est à ton tour de montrer une facette de qui tu es. Car oui sous tes petits airs coincés tu sais aussi t’amuser.

 

    Tu la fais tourner. Vous souriez. Elle ne comprend pas tout et toi tu comprends encore moins. Tu fais illusion. Tu connais les pas, tu connais la chanson. Tu restes sur tes bases pour ne pas la perdre dans le dédale de passes. Tu ne fais que de légères variations.

 

    Finalement cela dure moins longtemps que tu ne l’avais prévu. Le maître de la musique ne laissant pas la mélodie se finir avant de lancer la suivante. Tu es perdue. Tu étais bien lancée. Tu te retrouves bloquée.

 

    Puis une main sur ta joue te réveille. Un sourire sur les lèvres. Une autre main contre toi. À toi de te laisser conduire dans ce mouvement que tu ne maîtrises pas.

Jour 27 : Manteau

    Une veste. Tu l’enfiles. Tu n’as pas froid, mais elle te cache. Elle te protège. Tu doutes toujours. Tu appréhendes. Tu hésites. Jusqu’à la dernière minute. Toujours temps de faire demi-tour. Toujours temps d’abandonner.

 

    Non tu dois essayer.

 

    Tu le vois. Tu souris. Il rayonne. Bienveillant. Étonnant. Tu le suis. Comme un guide. Des présentations. Déjà trop de prénoms. Tu n’oses pas parler. Tu ne fais qu’écouter. Tu parles légèrement de la journée. Quand par elle tu es coupée.

 

    La dame grise au milieu du parc.

 

    Tu ne l’avais encore jamais vu d’aussi près. Elle t’impressionne. Merveille d’architecture. Tu écoutes en ayant ton accroche d’évasion. De nouveaux visages. De nouveaux prénoms. Tu gagnes même un surnom. C’est plutôt mignon.

 

    Rouge sur les joues. Mais à l’aise.

 

    Étrangement à l’aise. Comme dans une bulle. Tu es bien. Il y a du monde, d’habitude tu stresses. Il y a qu’une tête connue, en temps normal tu ne serais pas aussi détendue. Mais une chose de différent flotte dans l’air.

 

    La veste serait-elle de trop ?

 

    Tu entres. Tu discutes. Tu ris. Tu partages. Le temps file. Il court. Petit lapin blanc qui s’enfuit avec lui. Tu ne le vois pas passer.

 

    Tu danses. Tu chantes. Tu profites. Les minutes deviennent des heures. À cette heure le carrosse est devenu citrouille.

 

    Tu n’y penses pas. Tu t’es fait des amis, des connaissances. Ton sourire est franc. Il rayonne comme celui de ton guide.

 

    Finalement la veste sera de trop la prochaine fois. Car tu sais qu’avec ces personnes la. Tu peux tout simplement être toi.

Jour 26 : Sombre

    Une remarque. Elle te blesse. Elle te touche. Elle est telle une flèche qui t’arrive en plein cœur. Une flèche empoisonnée qui t’atteint en ton centre. Tu ne peux la retirer. Tu ne peux l’oublier. Il est trop tard. Elle est en toi.

 

    Son poison. Il se reprend. Il n’était qu’une goutte. Le voilà qui s’étend. Il grignote du terrain. Il s’épanche. Telle une goutte d’encre sur une feuille. Sa noirceur emplit le cœur. Il s’assombrit petit à petit. Il perd petit à petit de sa vie.

 

    Le noir. Il passe par les vaisseaux. Il fait son chemin. Il traverse les organes. Il s’attaque aux muscles. Tel un virus, il contamine son environnement. Il prend le contrôle de son hôte. La peur devient seul maître des lieux.

 

    La peur. Elle fait trembler les membres. Elle fait claquer les dents. Elle donne des frissons. Elle met la pression. Elle est en chaque parcelle de ton corps. En chacune de tes cellules. Elle est omniprésente. Elle est reine même de tes pensées.

 

    Tes pensées. Elles vagabondent. Elles ne sont plus sûres de rien. Elles sont paralysées pour certains. D’autres s’accélèrent. Plus aucun contrôle. Elles n’ont plus de limites. Elles ne limitent plus les émotions que bientôt…

 

    Les émotions. Elles sont de plus en plus fortes. Comme un torrent qui tape contre un barrage. Barrage trop fragile qui se brise. Le voilà. Il se déverse partout. Il n’a pas de limite. Il n’a pas de guide. Il évacue le trop-plein. Il fait le vide.

 

    Le vide…

 

    Relâcher le barrage…

 

    Vider le surplus. L’utiliser comme arme. Diluer la peur. Diluer le poison. Chaque larme emportant avec elle vers le sol une goutte de ces sombres pensées. Chaque parcelle qui s’échappe du corps vers la terre qui se nourrit de cette négativité.

 

    La peur recule. L’état serein revient. Jusqu’à la prochaine vague. Jusqu’aux prochaines larmes. Et ainsi de suite tel un cycle sans fin.

Jour 25 : Délicieux

    Un éclat de rire. Tu observes sa couleur. Tu la vois danser autour de lui. Tu l’observes s’échapper et s’évaporer dans le paysage maussade. Comme une goutte de couleur dans la grisaille d’une mer de gris d’une neutralité déconcertante.

 

    Un sourire. Un fin filet de lumière. Il dessine des formes dans l’air. Il grimpe vers le ciel puis se mêle aux ombres. Un éclat lumineux au centre d’une pièce sans fenêtre et aux nuages de fumée l’empêchant de briller.

 

    Un compliment. Tu sens sa chaleur. Tu le sens te réchauffer. Tu le sens aussi se refroidir tout aussi vite en quelques secondes. Comme un feu trop petit et fragile contre l’eau et la glace qui l’entourent au quotidien.

 

    Une réussite. Une fleur dans sa magnificence. Elle est belle et née avec patience. Mais tu la vois se faner plus rapidement qu’elle n’a éclot. Une fleur fragile dans un monde qui ne rappelle que les échecs et qui lui retire un à un les pétales du mérite.

 

    Un souvenir. Le délice de ce moment que l’on partage. Un goût à l’arrière-goût prononcé que l’on ne peut toujours qualifier. Un goût qui parfois s’oublie. Le temps ennemi des souvenirs qui les fait se mêler et parfois s’oublier.

 

    Un câlin. Des couleurs qui se mélangent. Une lumière qui se dégage. Une chaleur qui se propage. Une accolade qui reconstruit les fleurs fanées et les aide à briller. Une bulle de douceur comme une scène où la lumière des projecteurs met en valeur la couleur de la fleur que l’on a en nous. Un moyen de réveiller son odeur propre et enivrante. Un moyen de se sentir vivante.

Jour 24 : Étourdi

    Tu tournes. Tu vires. Tel un animal en cage, tu ne sais quoi faire, quoi dire. Tu t’auto-enchaînes. Tu te bloques consciemment. Tu fabriques ta propre prison. Tu te mets tes propres murs. Tu enchaînes ton propre cœur. Tu fais tout cela par peur.

 

    Tu as peur d’en dire trop. Tu as peur des mots qui s’enchaînent sans vraiment les contrôler. Tu as peur que certaines de tes idées puissent être mal interprétées. Tu ne sais quel mot employé. Est-ce le bon ? Dans le bon contexte ? Tu ne sais plus. Tu hésites. Tu ne dis alors plus rien…

 

    Tu as peur d’en faire trop. Tu as peur de tes actions spontanées que tu peux difficilement empêcher. Tu as peur que certaines mettent mal à l’aise. Tu ne sais quoi faire. Est-ce que cela est correct ? Est-ce que tu as le droit ? Tu te poses trop de questions. La gêne. La Peur…

 

    Toi qui dansais sur la scène de ta vie tu sens alors une chose en toi. Tu sens ce quelque chose qui se dégage d’un coup. Ce nuage qui s’extirpe de ton corps. Cette masse qui se matérialise. Elle rigole. Encore et encore. Elle rigole. Tu la regardes sans comprendre.

 

    Elle prend place sur la scène. Elle danse sur la scène. Elle prend tout l’espace de la scène. Et toi, toi, tu es enchaînée au sol. Tu as du mal à te relever. De ta bouche, aucun sol ne sort. Tu es là sans être là. Et la Peur, elle, danse. Elle s’élance. Elle t’ignore. Elle t’oublie…

 

    Tu ne peux la laisser prendre ta place. Tu ne peux la laisser gagner. Tu te lèves tant bien que mal. Tu te redresses malgré les chaines à tes poignets. Tu fais un pas. Puis un autre. Tu manques de tomber. Elle rigole, encore. Tu as le regard déterminé.

 

    La musique t’encourage à sa façon. Tu la sens raisonner en toi. Tu la ressens. Tu la vis. Tu tends alors la main à l’être de noir face à toi. D’humeur joueuse, l’individu l’attrape et la valse commence. Les chaines volant autour de vous. Le sourire s’agrandissant pour l’un et diminuant pour l’autre.

 

    Un retournement inattendu. L’humain dansant avec la peur. La guidant dans sa propre danse, ses propres pas, sa propre mélodie. Luttant pour briser ses liens. Pour être libre. Mais aussi accepter ses faiblesses et maladresses. Une danse, mais pas que…

 

    Une transformation. La peur change au fur et à mesure des notes. Elle se colore de ton aura. Elle s’éclaircit. Elle sourit. Non pour se moquer. Un sourire pour partager. Elle devient une force. Une alliée. Et même si parfois elle fait apparaître ses chaines. Sous son masque sombre, la douceur se révèle.

 

    Tes chaines, une à une s’envolent avant de disparaître. La parole te revient petit à petit. Tes pas plus légers. Ton cœur allégé. Tu souris. Tu dis merci. Tu grandis. Ta partenaire esquisse une révérence avant de reprendre sa place au fond de toi. Tu rayonnes de nouveau.

 

    Même si tu sais que les peurs sont toujours là, tu sais qu’elles ne sont pas toutes là pour te nuire. Une maladresse ne devrait pas te faire paniquer. Et si par malheur, tu en commets une. Un petit pas de danse, un changement de musique. Tu réussiras à te relever.