Jour 22 : Cher

    « Cher Oliver,

 

    Je suis triste que tu ne sois pas avec nous. J’espère que mamie s’occupe bien de toi et qu’elle te donne bien à manger. Tu as de la chance les plats de mamie sont les meilleurs (meilleurs que ceux de tata, mais cela chut il ne faut pas lui dire à tata).

 

    Moi je m’amuse bien avec papa et maman. On voit plein de choses drôles. Et hier une tortue a nagé à côté de moi. Elle était grande comme ça (je t’ai fait un petit dessin). Et puis l’eau est très chaude. Je suis tout le temps dedans et les parents m’obligent à sortir pour aller manger. Mais c’est le meilleur moment dans l’eau quand le soleil part faire dodo. Il y a de jolies couleurs.

 

    Je te montrerais les photos quand je rentrerais. On les regardera tous les trois avec mamie.

 

    Des bisous on se voit vite.

    Garde bien la maison mon chien.

 

Max

 

 

    PS: La photo sur la carte c’est un jardin qu’on a visité.

    PS : J’ai mis PS car maman m’a dit que c’est comme ça qu’on fait quand on oublie de dire quelque chose. »

Jour 21 : Vider

    L’enfant retourne sur son île. Il s’éloigne de l’adulte qui se repose sur un banc. Le plus vieux sait que le plus jeune a besoin d’espace. Il a donc décidé de rester en retrait. Il le regarde de loin. Il l’observe sauter de rocher en rocher. Le petit manque de tomber plus d’une fois, mais il se redresse toujours. Il s’aide un peu de ses mains. Il a un objectif bien en tête. Il veut voir la pointe.

 

    Ce bout. Ce but. Cet endroit où la mer et la terre se mêlent avec une légère brise. Un lieu loin des oreilles. Il y est presque. Il n’a plus que quelques pas à faire et le voici, debout face aux vagues. Il inspire profondément. Il repense à certaines choses puis d’un coup il crie : « Riddikulus ». Comme si cette formule magie tirée d’un livre se réaliserait. Il vide ses poumons. Reprenant difficilement son souffle puis rigolant. Il ne sait pas trop pourquoi il rit, mais cela lui fait du bien. Alors il continue. Le petit vient de comprendre que parfois il faut juste rire pour chasser les ombres… comme dans son livre.

Jour 20 : Fragile

    L’enfant se promène dans un parc. L’adulte à ses côtés. Un animal les suit. Les observe depuis la branche sur laquelle il vient juste d’atterrir. Il les détaille. Il aime attarder son regard sur les humains les trouvant fascinants dans leurs attitudes. Le petit rouquin s’approche doucement. Le duo est posé sur un banc à la demande du plus jeune. Il les entend parler sans comprendre.

 

    Il décide alors de s’avancer un peu plus. L’écureuil s’aventure alors un peu plus loin sur sa branche. Cette dernière s’amincit au fur et à mesure des pas du petit animal. Puis tout à coup un rire dans l’air, un craquement sous les pattes. La branche est trop fragile pour supporter son poids. Il tombe alors sur les genoux de l’enfant surpris de voir un nouveau compagnon près de lui. Peut-être le début d’une amitié ?

Jour 19 : Roussi

    La bataille faisait rage. Les deux camps s’opposaient à coup de munitions de tous gabarits. Ils étaient enfoncés dans leurs tranchées respectives attendant le bon moment pour une percée. Entre eux un terrain vague. Vide de toute vie. Dans l’air, seuls les explosions et les cris se faisaient entendre. L’ambiance était tendue.

 

    Sur le flanc ouest, les bleus préparaient minutieusement leur stratégie d’attaque. Et tout à coup, des bruits de pas. Les voix de l’ennemi dans l’air. L’adversaire venait de sortir de sa cachette et courrait jusqu’aux autres qui tentaient de se protéger. Mais cela était mal engagé. Cela sentait le roussi pour les aigles. En effet, ils ne sortiraient pas secs de cette bataille d’eau contre les lions. Eux qui pensaient gagner, les voici trempés jusqu’aux os.

Jour 18 : Bouteille

    L’enfant marche puis s’arrête. Son regard attiré par une vitrine. Il tire doucement le manteau de l’adulte l’accompagnant lui signifiant qu’il aimerait s’attarder en ce lieu. Il entre alors avec Curiosité. Il écarquille les yeux. Autour de lui dansent les couleurs et les objets en tout genre. Il leur imagine une histoire. Il est déjà du côté des rêves et de l’imaginaire.

 

    Il a la sensation de les voir bouger et de les entendre communiquer entre eux. Les plus anciens avec leurs voix rauques ou tremblotantes et les plus jeunes avec entrain. Ils jouent dans cette grande boutique. Il se perd dans les rayons. Chaque pièce est unique. Il ne sait où donner de la tête.

 

    Il est alors attrapé par un petit quelque chose sur une étagère. Juste à hauteur de ses yeux, une forme aux couleurs chantantes. Un objet en verre ressemblant beaucoup à un récipient. Il mit du temps avant de comprendre quelle était la première vie de ce verre. Il sourit. L’imaginant fier de sa nouvelle utilité. Il le prend alors en main et retourne aux côtés de l’adulte. Il a fait son choix.

Jour 17 : Gonfle

    Elles s’envolent. L’enfant les regarde dans le ciel. Elles se dirigent vers les étoiles. Certaines moins chanceuses retombent lentement. Parmi elles, quelques-unes frôlent l’eau avant de la rejoindre. D’autres s’écrasent sur le sol. Un décollage loupé.

 

    Le petit lui aime n’en fixer qu’une et lui envoyer un maximum de courage par la pensée. Comme si elle l’entendait. Comme s’ils communiquaient. Attention elle qui fut petite s’étend et se gonfle d’un coup avant de s’échapper. Il est concentré sur elle. Il la pousse mentalement vers les étoiles.

 

    La petite bulle monte alors encore et encore. Jusqu’à éclater en touchant une étoile au plafond de cette salle des fêtes.

Jour 16 : Anguleux

    L’enfant se trouve face à un dilemme. Gauche ou droite. Il ne sait pas où aller. Il attend que l’adulte qui l’accompagne lui montre la voie. Le plus grand demande au petit s’il a une préférence. Ce dernier hausse les épaules et sourit en lançant un « comme tu veux » dans les airs. Il n’aime pas beaucoup choisir. Surtout lorsque le choix est arbitraire comme ici. Droite ou gauche cela importait peu finalement.

 

    Direction la gauche, l’enfant se demande ce qu’il aurait vu s’il avait choisi la droite. Peut-être que les paysages auraient été différents. Peut-être qu’un village l’attendait au bout de ce chemin. Ce n’est pas grave. L’aventure continue. Mais déjà une nouvelle question. Midi sonne à la porte. Les deux voyageurs commencent à avoir faim et le plus âgé demande son choix au second. « Comme tu veux ». Le premier fronce un peu les sourcils et finit par prendre la décision une fois de plus. Il avertit son cadet que c’est son dernier joker.

 

    Le repas se passe pour le mieux, mais vient le moment du dessert. En prendre ou ne pas en prendre. Il faut de nouveau décider. Un regard du plus ancien. Un « comme tu veux » presque instinctif de l’enfant. Puis une main sur la bouche. La fois de trop. L’indécision a encore frappé. En rentrant à la maison, il serait au coin. Une règle imposée par l’adulte pour que le petit décide plus souvent de sa route sans se reposer sur les autres. Mais surtout pour qu’il s’exprime sur ses propres goûts et envies.

Jour 15 : Faible

    « Je suis trop faible. » Tu ne l’es pas. Les autres peuvent te le faire sentir, mais ce sentiment n’est pas le tien. Tu es loin de l’être. Tu as peut-être tes petits moments de mous, mais cela ne diminue en rien ta force. Elle est là. Au fond de toi, elle est plus grande que tu ne le crois. Elle grandit dans les rêves. Elle se renforce dans les erreurs. Elle s’endurcit avec la vie. Cependant elle ne disparaît pas.

 

    Tu as comme ton voisin ce quelque chose à l’intérieur qui te rend unique. Tu le chéris. Tu souris et tu repenses à tes amis. Tu sais que si un jour ta force fatigue. Si a un moment le monsieur positivité est aux abonnés absents. Tu sais sur qui tu pourras compter à cet instant. Il y en aura toujours un pour te faire un discours que tu refuseras d’entendre sur le coup. Un pour venir te voir. Tu n’es pas seul. Tu n’es pas faible. Tu es juste toi. Et la faiblesse ne te définit pas. On a tous des fragilités dans nos barrières, mais cela ne nous empêche en rien d’avancer toujours un peu plus sur le chemin que l’on s’est choisi malgré les obstacles de la vie.

Jour 14 : Horloge

    Marcher sur les rochers. Esquiver les fleurs. Sauter un peu plus loin. Courir en faisant attention. S’écarter de plus en plus du sentier. L’enfant est attiré par le rivage. Il cherche toujours à aller plus loin. Comme s’il était le premier à découvrir le lieu. Dans sa tête c’est le cas, il est l’aventurier de sa propre histoire. Il rit. Il s’émerveille devant la beauté naturelle. La nature en seul maître des lieux. L’eau en tant que gardienne de l’île. Il ne regrette pas d’avoir patienté sur ce bateau. Le regard fixé sur la grande aiguille, répétant « tic tac » en espérant pouvoir la faire avancer plus vite. Le voici maintenant devant l’immensité.

 

    Il s’arrête de bouger. Le soleil commence sa descente, mais un rocher cache sa vue. Il se met alors en tête de l’escalader. Il grimpe. Toujours plus haut. Il ne veut pas louper ce moment. Il continue son ascension alors que ses jambes commencent à le lâcher. Il s’est un peu tordu la cheville, mais ce n’est pas grave. Ce paysage en vaut la peine. Il a un peu mal, mais la douleur s’efface à mesure que l’astre du jour se voile. Ses couleurs changent. Le dégradé est magique. Le petit homme s’assoit en tailleur au sommet de sa petite montagne. Il est comme hypnotisé.

 

    Le vent caresse son visage. Il remonte son écharpe. Il lui effleure les oreilles. L’enfant visse son bonnet sur sa tête. Il rabat sa capuche avant que l’être le chatouille de nouveau. Il observe l’horizon. Et pour une fois il ne se pose plus de questions. Il est juste là. À profiter de l’instant et du paysage face à lui. Au loin il entend que bientôt il devra rentrer. Il recommence alors à murmurer des « tic tac » le plus lentement possible. Il espère qu’ainsi l’horloge du temps ralentira le laissant admirer ce moment juste quelques minutes de plus.

Jour 13 : Protégée

    Une sensation de vide. Les larmes qui commencent à monter comme les souvenirs dans tes pensées. Celles-ci se ternissent tandis que ton regard devient flou. Tu ne laisses rien paraître. Tu t’excuses poliment et tu vas faire un tour dans une autre pièce. Mais toutes sont déjà occupées. Tu rassures tes amis. Tu leur dis que tu veux juste prendre un peu l’air et en profiter pour faire une course. Tu enfiles alors tes chaussures et une fine veste avant de laisser la grande porte de l’entrée se refermer derrière toi.

 

    Cependant tu ne vas pas beaucoup plus loin. Une pierre devant toi te semble bien. Tu t’y assois et là tu relâches les barrières. Juste l’espace d’un instant. Tu as ce souvenir qui revient. La date n’y est pas étrangère. Tes genoux viennent se coller contre ta poitrine. Ta respiration est un peu saccadée. Tu tentes de la reprendre, mais c’est compliqué.

 

    À ce moment-là tu sens une aura autour de toi. Des bras t’encerclent avec douceur. Une tête se colle à côté de la tienne. Tu te laisses légèrement tomber en arrière contre cette étreinte qui t’accueille dans une zone de sécurité. Elle est là pour t’aider. Te protéger. Elle ne dit rien. Il n’y a rien à dire. Et, après quelques minutes, les esprits reprennent leur place et le flot de larmes diminue. La respiration retourne à la normale. Tu fais alors demi-tour pour rendre… lui rendre son câlin. À elle qui t’avait accueillie dans sa bulle de protection.