Un lutin du temps

    Cher petit lutin du temps,

 

    Une année de plus se termine. Une année qui a été riche autant dans le positif, que le négatif. Une année où les couleurs se sont mélangées, parfois effacées, parfois elles sont revenues. Des flaques de peinture sur le tableau. Des gouttes multicolores. Tu t’es amusé cette année. Tu as joué avec des couleurs, avec ta palette, avec toutes les nuances à ta disposition. Il y a des jours où tu teintais le tableau de gris. D’autres où, tu lançais une explosion de couleur en faire parfois mal aux yeux. Parfois, c’était aussi le juste milieu. Un doux équilibre. Des couleurs pastel. Des couleurs douces. Des couleurs chaudes, mais aussi des froides.

 

    Tu vivais avec tes couleurs comme si chacune apportait une mélodie. Tu as joué. Le tableau comme une partition. Chaque couleur, un instrument. Chaque teinte, une note. Et lorsqu’on le regarde dans son ensemble. Lorsqu’on regarde son évolution, on peut le voir qui se dessine et qui se meut. C’est tableau de la vie. Tu le fais vivre à ta manière. Tu le fais avancer. Tu le fais évoluer. Tu le fais grandir. Il est riche. Et même si parfois le gris est plus présent que la couleur, cette dernière est toujours là dans un petit recoin, dans un sourire, dans une étoile, dans une fleur, dans un rayon de soleil, dans un animal, dans une personne, dans une étreinte, dans un compliment, dans un mot, dans un son, dans une odeur… La couleur est toujours là malgré elle. Elle est toujours présente. Elle danse. Elle danse sur ce tableau, même quand elle n’y est pas invitée. Elle est l’espoir que même si le gris est présent, elle viendra le couvrir à son rythme.

 

    Petit lutin, tu fais passer le temps parfois trop vite, parfois trop lentement. Il y a rarement de juste milieu. On ne le trouve pas souvent. Il y a des jours, où j’aimerais que le temps passe plus vite. D’autres, où j’aimerais le ralentir pour pouvoir graver un instant dans ma mémoire, pouvoir le photographier, l’imprimer, le fixer au plus profond de mes souvenirs. J’aimerais pouvoir figer certains instants, les garder, les transformer en couleur pour les ressortir à d’autres moments.

 

    Petit lutin, grâce à toi cette année j’ai pu me faire une belle étagère de fiole de couleur. Ou plutôt une belle étagère de souvenirs. J’espère que l’année prochaine ce stock de couleurs ne sera que plus grand.

 

    Petit lutin j’aimerais beaucoup cette année pouvoir apporter quelques fioles de couleurs aux personnes qui le désirent. Des fioles comme des fragments de souvenirs, de moments de joie, de douceur, de bonheur… Des fioles qui pourraient éclairer une route un peu assombrie. Souvenir d’un sourire, d’un compliment, d’une odeur, d’un câlin, un film, d’une musique, d’un goût… Quelque chose de simple. Quelque chose qui parle à tous. Un doux souvenir. Une douce mélodie. J’espère que tu pourras leur offrir.

 

    Cher petit lutin, je te souhaite une merveilleuse année ou plutôt une merveilleuse continuité. Le temps est continu même si parfois il fait des cycles. Il s’avance sans reculer. Il nous apprend à regarder de l’avant et nous apprend à grandir. Et toi, toi, tu l’éclaires de ta couleur et de tes notes.

 

    Plein de souvenirs. Plein de fioles. Plein de couleurs et de douceur. Belle année à toi, petit lutin coloré.

Un lutin à écharpe

    Il était une fois, au milieu du Grand Nord, reculé du monde, une grande maison. Dans cette maison vivait un homme à la longue barbe blanche et au manteau rouge. Vous voyez sûrement de qui je veux parler. Cependant notre histoire ne sera pas autour de ce personnage. Il faut vous pencher un peu. Tendre l’oreille et porter un œil attentif aux différentes pièces. Peut-être ainsi vous verrez, courir un peu partout, des petits êtres. Vous savez, ceux à la peau un peu pâle ou multicolore quand ils viennent de tomber dans un pot de peinture. Un peu maladroit, un peu boudeur, travailleur, mais avec un très grand cœur.

 

    Un peu, comme les petits êtres bleus, mais la maison remplace la forêt. Des sucres d’orges, mais pas de salsepareilles. Ils ont eux aussi un bonnet, mais vous pouvez les trouver de toutes les couleurs avec souvent en son bout une clochette qui permet de les repérer. Pas de grand méchant par ici. Ni de chat au rire démoniaque. Seulement un gros félin, qui aime un peu trop les câlins et se prélasser devant la cheminée.

 

    Si vous déplacez un livre dans la bibliothèque, vous accèderez au village. Un endroit un peu tordu où les maisons sont toutes uniques, reflétant la personnalité du propriétaire. Non loin de ce lieu un petit tunnel. Ce dernier mène à l’atelier, là où les rêves des enfants prennent vie. Là où les lettres arrivent par centaines et où les petits êtres s’affolent.

 

    Un jour, un nouveau petit lutin arrive à la maison du père Noël. Il est un peu perdu. Mais on lui fait rapidement une place pour qu’il puisse s’installer en lui laissant libre accès à l’atelier pour qu’il ait le choix dans les décorations. Il devait personnaliser son lieu de vie. Une sorte de petit rituel dans ce village peu ordinaire. Une manière de se présenter aux autres sans un mot.

 

    Il range rapidement ses affaires dans le petit placard et part à la recherche de quelques babioles. Il ne sait pas encore quoi faire. Mais il espère qu’en se baladant il trouverait son bonheur. Il tombe alors sur un harmonica. Il le met dans sa poche et continue sa visite et chasse aux merveilles.

 

    Après avoir ramassé et négocié quelques objets, il se retrouve les bras bien pris. Il ne sait plus très bien où aller. Ni s’il arrivait à rentrer chez lui. Soudain, il sent que le poids sur ses bras diminue et que la vue lui revient un peu, juste assez pour voir le chemin. À ses côtés, un lutin avec une grande écharpe jaune et noire porte l’un de ses cartons de bidules.

 

    Sans un mot, il le suit. Le lutin à l’écharpe semble connaitre le chemin et rapidement, ils se retrouvent sur le seuil de la maison du plus jeune. Ce dernier n’a pas le temps de poser ses affaires pour remercier son bienfaiteur comme il se doit qu’il est déjà reparti. Il est un peu triste. Il voudrait le remercier. Il se demande s’il le reverra tout en commençant à installer les décorations.

 

    Tout à coup, il entend une musique ou plutôt juste un instrument et une voix. Il s’arrête dans son travail artistique et va voir en extérieur. Il trouve l’origine du son chez son voisin. Il est assis sur le pas de sa porte et joue d’une toute petite guitare. Un ukulélé. Il chante puis change les paroles pour s’adresser à son nouveau voisin. Il lui indique que le lutin à l’écharpe est bien connu du quartier. Le rayon de soleil de la bibliothèque. Il brille très fort, mais il est difficile de l’attraper.

 

    Le petit discute avec le chanteur un moment puis lui demande une simple chose « si tu pouvais lui dire une chose, tu lui dirais quoi ? ». Le chanteur lui demande alors de repasser un peu plus tard le temps de l’écrire et le plus jeune commence alors son tour du quartier. Guidé d’une maison à l’autre par le propriétaire précédent. Récoltant dans un carnet des phrases, des textes, des mots. De simples captures d’instant, de souvenirs, de compliments, des mots. Sincères et honnêtes.

 

    Il arrive chez lui pour faire à son tour un mot. Et au moment où il va pour partir son voisin lui glisse dans les mains une nouvelle page à ajouter. Le petit se rend alors chez l’Écharpe. Il est un peu timide quand il toque à la porte. Il ne sait pas si on lui ouvrira. Il n’a peut-être pas toqué assez fort. Il dépose alors le livre sur le tapis. Puis laisse simplement la magie s’emparer de l’instant…

Un lutin discret

    Il était une fois, dans un petit village un peu perdu, un lutin. Vous vous demanderez peut-être que fait un lutin par ici. Je vous répondrais alors que le village dans lequel se déroule notre histoire n’est pas un village ordinaire. En effet, ce dernier est assez reculé, loin des grandes villes, loin des intrus, loin des curieux. Seuls les habitants le connaissent. Ils sont les seuls à savoir comment s’y rendre, quel est le passage secret permettant d’accéder à ce petit coin isolé autour d’un océan de blanc. La neige tout autour du groupement de maisonnettes. Des sapins. Du blanc et du vert à perte de vue. Vous imaginez le village des contes d’antan ? Celui où habite un homme vêtu de rouge à la longue barbe blanche ? En imaginant ce village, vous vous rapprocherez de la réalité. C’est dans ce lieu que notre histoire prend place.

 

    Un jour, un petit lutin, un peu plus petit que les autres. Un lutin discret, au bonnet tombant sur le côté, qui ne parle pas beaucoup. Il est curieux, mais timide à la fois. Petit cœur jaune brodé sur le gilet en guise d’écusson. Il fait partie des lutins qui distribuent les sourires. Cependant, il ne se sent pas très à sa place sur le devant de la scène. Il préfère être en retrait. Agir dans son petit coin. Alors quand son équipe de lutin intervient, il est le seul que l’on ne voit pas. Il dépose des petites fioles de couleurs puis il repart. Comme s’il ne voulait pas que l’on sache que c’est de lui. Il aime apporter une petite touche de douceur aux humains. Mais depuis quelque temps une autre idée lui trotte en tête. 

 

    Il se demande pourquoi l’on cherche à apporter des sourires aux humains, mais pas au centre du village. Pourquoi certains lutins sont tristes ou en colères ? Pourquoi l’on ne leur apporterait pas à eux aussi une petite touche de douceur ? Il réfléchit plusieurs jours à comment faire. Il observe les autres lutins au travail. Il cherche sans un mot qui pourrait l’aider. Mais il a peur. Sans trop savoir pourquoi. Peut-être peur qu’on le trouve un peu bizarre. Puis la période des fêtes arrive. Il décide donc de se jeter à l’eau. Il se mêle aux lutins de l’atelier pour y récupérer du matériel. Il se dissimule parmi les poètes pour piquer quelques papiers à lettres. Il enfile de nouvelles couleurs pour aller voir les artificiers et leur dérober des pigments.

 

    Tout son matériel récupéré, il commence la construction d’une boite aux lettres avec un système de fermeture un peu spécial. Seul lui pourra l’ouvrir. Il ne voudrait pas que les lettres se perdent. Il décore alors avec les couleurs la boite en bois, avant d’y déposer sa plume. « Boite à douceur » il sourit. Il aime bien cette idée. Mais au moment de sortir au milieu de la nuit pour installer son objet près de la grande place, la peur revient. Est-ce que cela est finalement une bonne idée ?

 

    Assis sur le seuil de sa maisonnette, boite à ses côtés, il se questionne. Mais un lutin de la fête passe à ce moment-là. L’interrogeant sur sa création. Notre héros lui raconte alors son idée des petites étoiles dans les yeux. Le festif lui demande alors un morceau de papier. Sans trop comprendre, le petit lui tend avec une plume. Le plus âgé sourit puis en prenant appui sur la construction, il se met à déposer quelques mots sur le papier avant de le plier et le glisser dans la boite. Une main qui ébouriffe les cheveux non couverts par le bonnet, il est reparti. Cela fut suffisant pour que la peur du petit reparte. Il part alors installer la boite, avant de retourner se coucher.

 

    Lecteur curieux que vous êtes, vous vous demandez peut-être ce qui s’est passé au matin. Laissez-moi vous le conter. Notre petit lutin n’a pas pu s’empêcher après son travail d’aller voir sa boite à douceur. Il est un peu nerveux quand il tourne dans la rue direction la grande place. Il s’inquiète quand il voit plusieurs personnes rassemblées. Son cœur se met à battre un peu vite quand il remarque qu’elles sont l’emplacement de sa création. Il accélère alors le pas. Sans écouter la conversation, il se faufile pour vérifier l’état de l’objet en bois. Mais il s’arrête surpris lorsque ses yeux se posèrent sur les lettres qui débordent. Une main sur son épaule le réveille. Le lutin de la nuit dernière lui confie qu’il en a parlé au travail et que la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre.

 

    Le petit sourit, il se demande pourquoi il n’a pas fait une boite plus grande. Alors il commence à la vider quand une personne l’interpelle. Un lutin poète tient en ses mains plusieurs lettres liées avec un fin ruban. Toutes adressées à une même personne. Un lutin qui n’est pas sorti de chez lui aujourd’hui. Il sera donc le premier à recevoir ses lettres. Le héros récupère le petit tas et file chez lui y déposer les lettres à trier. Il s’en occupera après.

 

    Il enfile son plus beau bonnet, même s’il est un peu grand, qu’il tombe aussi sur le côté, mais il ne peut pas y aller avec un vieux bonnet à clochettes. Il faut être discret pour que la surprise ne soit que plus belle. Un pompon fera bien l’affaire. Il ajuste son gilet. Rédige à son tour une petite lettre et glisse le tout dans un faux livre. Il emballe le cadeau et ressort.

 

    Il marche dans les rues un sourire aux lettres, mais un peu anxieux aussi. Et si cela ne lui plaisait pas ? Il chantonne un chant de Noël pour se rassurer. Il s’approche de la maisonnette du destinataire et toque doucement à la porte. On lui ouvre. Sans un mot, il tend le paquet, le rouge aux joues, le regard fuyant. Il entend les déchirements du papier. Puis la surprise du lutin face à lui. Quelques pages se tournent, les lettres maintenant découvertes, il tourne des talons. En continuant sa chanson. Il s’éloigne. Sourire aux lèvres. Il reste encore des lettres à trier. Mais ce soir-là, il ne fait rien de plus que chanter.  

 

    Pendant ce temps-là, le lutin ouvre une à une les lettres. Il en découvre les mots. Lecteur vous êtes un peu curieux, non ? Mais peut-être que ces lettres vous sont destinées après tout. N’êtes-vous pas ce lutin en question ? L’auteur de ses mots n’a pas de bonnet à pompon, mais il n’est pas bien grand. Il vous dépose par ici ces quelques mots en vous souhaitant de joyeuses fêtes…

Un lutin douceur

    Il était une fois, un petit lutin qui avait pour mission de récolter les vœux. Il parcourait le monde, attrapant au vol les souhaits des rêveurs avant qu’ils ne s’échappent dans les cieux. Il rendait ainsi les miracles de Noël possible, apportant aux lutins artisans des idées qu’ils ne trouvaient pas dans les lettres adressées à l’homme à barbe.

 

    En effet, certains étaient timides et n’osaient pas demander l’objet qui les intéressait le plus. Alors, il fallait que certains lutins viennent à eux pour capturer dans leur dos ces idées qui leur tenaient à cœur. Parfois il était assez simple de satisfaire le vœu d’un enfant, mais parfois il fallait redoubler d’imagination, comme ce jour-là. Laissez-moi, vous raconter l’histoire d’un souhait un peu spécial.

 

    Une nuit, notre petit lutin se baladait en ville. Il observait les lumières des rêves avant de noter ceux qui l’intéressaient pour sa mission de décembre. Il aimait bien cela. Chaque lumière avait sa petite touche à elle et le petit se plaisait à imaginer les humains se cachant derrière elles. Cependant, une de ces sources de rêves avait une couleur étrange. Il ne l’avait encore jamais vu. Il fallait dire qu’il était encore un peu nouveau. Il ne connaissait pas toutes les nuances de rêves sur le bout des doigts.

 

    Il s’approcha pour voir ce qui se passait. En se rapprochant, il sentit quelque chose le prendre. Comme s’il se retrouvait attiré par le rêve. Il comprenait maintenant pourquoi il était interdit de toucher l’aura autour d’un humain. Mais il ne put résister. Il fut alors transporté dans le rêve de cette personne. Il vit un avion. Une autre personne qui salue de la main. Puis un écran avec cette même inconnue dans l’écran. Il entendit alors une petite voix. Une toute petite voix qui semblait venir du fond du cœur. Cette petite voix paraissait vouloir faire passer un message. Mais malheureusement, le petit lutin n’entendit pas cette demande. Il se retrouva exclu du rêve et des lettres se dessinèrent sur son cahier de souhaits. « De la douceur pour elle »

 

    Comment offrir de la douceur ? Notre petit se l’était beaucoup demandé. Il doutait de pouvoir réaliser ce vœu. Ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait fabriquer. Ni quelque chose que l’on pouvait attraper. Non, lui fallait trouver un autre moyen.

 

    Alors, durant quelques jours, il se faufila parmi les humains alors que le soleil était haut dans le ciel. Seuls ceux qui croyaient à l’homme rouge pouvaient le voir. Il tâchait donc d’esquiver les enfants. Suivant de près cette personne. Il voulait simplement comprendre ce qu’entendaient les humains par « douceur ».

 

    Puis après un petit temps, il eut l’idée qu’il attendait. Piquant quelques affaires aux villages, il retourna en ville, mais cette fois-ci pendant la nuit. Il retourna chez cette personne qui avait formulé le souhait. Il savait qu’elle ne pourrait pas le voir sauf si… Il toucha pour la seconde fois l’aura des rêves et entra dans celui de l’humaine. Cette dernière fut bien surprise cette fois-ci de voir arriver un petit être au bonnet à clochettes.

 

    Le petit lui expliqua qu’il avait une idée, mais pour cela il avait besoin d’elle. Il lui tendit un carnet et un stylo. Lui laissant un temps avant de ressortir du rêve sans un regard vers le papier dans ses mains. Il avait encore quelques personnes à aller voir. Cette nuit s’annonçait très longue…

 

    Alors qu’il venait de récolter le dernier mot. Le petit se dirigea vers la maison de la personne, non pas à l’origine du souhait, mais sa destinataire. Il déposa sur son bureau le livre bien rempli. Puis juste avant de partir il apposa quelques mots fatigués de cette longue nuit. Quelques mots de « douceur ».