Miroir et Reflet

    La plage. J’y trouvais Miroir. Sans le vouloir, nous étions encore vêtus de la même manière à peu de choses près. Un jean usé et un T-shirt d’un groupe de non-initié pour ma part. Un jean plus clair et un T-shirt d’animation de non-initié pour lui. Une veste en cuir notre indispensable commun avec la guitare. Comme pour le riff off instant de rencontre.

 

    Intérieurement je rigolais. Jumeaux, habillés pareils il fallait le faire. Et pourtant, les points communs étaient multiples, mais le caractère divergeait. Nous nous complétions bien. Je n’avais pas beaucoup parlé avec celui que je prenais pour un ami imaginaire.

 

    Celui qui m’avait attrapé dans la rue à la fin du riff off. Celui qui m’avait raconté mon histoire. Celui que je ne voulais pas écouter mais qui tète avait insisté. Celui qui se disait être mon jumeau. Celui qui me ressemblait comme deux gouttes d’eau. Androgyne, nuance de genre marqué sans l’être de trop.

 

    Je ne voulais pas le croire. Mais certains détails ne mentaient pas. Je l’avais laissé en lui laissant Hope, mon corbeau. Promesse d’une réponse. D’un nouveau contact. Perdue j’avais contacté cette soi-disant mère dont il m’avait donné l’adresse. Dream, joli moyen duc, commençait à se faire vieux pour ce genre de voyage, mais vaillant il était allé en Russie. Je devais avoir des réponses. Trop de questions se bousculaient. Je n’arrivais pas à faire le tri.

 

    Il était revenu. Lettre dans les serres. Les jours d’attentes interminables. Les nerfs à vifs je tentais d’encaisser. Je tentais de faire le tri. Me faire une idée. Et là la réponse. Proposition de rencontre. Mais avant revoir le « frère »… le miroir. Il m’intriguait. Écriture hésitante. Invitation sur la plage. Lieu doux et ouvert à l’abri des non-initiés et du trop de monde. Une heure un peu tardive. Coucher de soleil magnifique en prévision.

 

    Ainsi, j’avançais les pieds dans le sable. Zip, petit écureuil, sur l’épaule. Guitare sur le dos. Debout face à face. Rester sans voix. Ne plus savoir parler. Vérité sautant encore plus aux yeux. Trouver quoi dire. Rapidement. Quelque chose. Silence gênant. Trop gênant.

 

    – Donc toi aussi tu t’appelles Max ?

    – Oui, juste Max. Mais toi c’est Maximilia, non ?

    – Je préfère Max.

    – Max et Max, quelle drôle de coïncidence quand même.

 

    Un temps. Un rire. Le mien. Cela faisait du bien. De rire un peu. De vivre tout simplement. De penser qu’à l’instant. De rencontrer quelqu’un qui pouvait comprendre. Même si je ne le connaissais que depuis quelques heures. Quelques jours. Mais il m’était familier. Très familier. Trop peut-être.

 

    Même gène. Même gestuelle. Même regard fuyant. Le bavard rendu muet. L’extraverti devenu introverti. En y repensant, cela devait être assez marrant à voir de l’extérieur. Un miroir. Un ami imaginaire pas si imaginaire. Une parole… trouver une idée…

 

    – Je vois qu’on a la même aisance pour discuter. Mais miroir je t’ai vu chanter.

    – Miroir ?

 

    Les mots s’étaient emmêlés. Gêne supplémentaire. Je ne savais quoi faire. Une espèce de surnom qui était de sortie. Miroir, cela lui allait bien. Un miroir plus coloré. Plus enthousiaste. Plus vivant. Plus fort. Innocent. Insouciant. J’allais envie de le protéger. Mais changeons de sujet…

 

    – Ce n’est rien. Tu ne veux pas plutôt jouer ?

    – Découverte en musique…

    – … les mots sont parfois inutiles

 

    Un rire. Commun. Assis sur cette plage. Il était plus vif. Déjà à gratter sa guitare, la mienne encore dans son étui. J’avais bien fait de la prendre. Je le suivais dans les accords. Lui laissant chanter les paroles. Simple accompagnement. Un sourire aux passants. Comme une invitation…

 

 

Joie et la Bibliothèque (2/2)

    Morgane vient de partir. Il me reste à me préparer. Mais avant finissons ce gâteau. Il manque encore quelques petites décorations ici… Parfait. J’espère que cela plaira aux nouveaux. J’ai hâte d’y être. C’est un grand événement quand de jeunes personnages font leur apparition. Avec la multitude de bibliothèques, ce n’est plus si souvent de voir arriver des personnes par notre portail.

 

    L’Histoire des histoires nous a appris qu’à l’origine, il n’y avait qu’un seul point de passage entre l’esprit des auteurs et notre monde. C’est ainsi qu’est née la Bibliothèque, la première ville dont les habitants étaient des marionnettes sans marionnettistes. Mais au fur et à mesure, elle est devenue trop petite. Les chercheurs ont appris à faire de nouveaux portails. Et finalement, certains sont partis construire une nouvelle bibliothèque puis une autre et encore une. Aujourd’hui, les portes entre les mondes sont reliées par un quelque chose de mystérieux qui envoie les êtres qui les traversent pour la première fois vers la Bibliothèque qui leur correspondra le mieux. Comme si elles savaient lire dans les pensées et dans l’avenir. Une drôle de magie ou plutôt technologie comme diraient les chercheurs. Mais avec la multiplication des villes et des portails, l’arrivée de nouvelles têtes se faisait plus rare. C’est pourquoi chez nous, nous organisons une grande fête…

 

    D’ailleurs en parlant de fête, quelle heure est-il ? Il me reste peu de temps pour me préparer si je veux arriver en avance avec le gâteau. Vite, direction la chambre.

 

    Je lance sur une chaise mon tablier et commence à retirer ma chemise couverte de farine en me dirigeant vers ma chambre. Je fouille dans mon placard à la recherche de quelque chose à me mettre. Non, pas cette robe. Il fait trop chaud pour ce pull. Non, mauvais thème… Je crois que j’ai trouvé… Je me dépêche d’enfiler mon chemisier avec un autre jean. Puis un rapide coup d’œil dans le miroir pour replacer ces cheveux indisciplinés sans succès. Ce n’est pas bien grave.

 

    J’attrape mes clefs et le gâteau avant de quitter la petite maison-livre. Direction la grande salle. Je marchais d’un pas pressé en faisant attention de ne pas renverser le dessert dans mes bras. Il est sous une cloche un peu trop grande qui me cache un peu la vue. Heureusement que je sais où je dois aller. Plus que deux virages et je suis arrivée…

 

    Mais quelques notes attirent mon attention. Un quelque chose d’un peu inhabituel. Je m’arrête un instant. Ai-je le temps de faire un petit détour ? Je n’ai pas pensé à prendre ma montre. Je dois bien avoir quelques minutes d’avance et si…

 

    – Non Joyce tu dois rester concentrée…

 

    Petite voix à peu audible. De moi pour moi-même. Mais il est trop tard. Bien décidée à connaitre l’origine de la musique, je la suis au travers de ce dédale de rues. Un labyrinthe fait de livres. Une Bibliothèque où il est si simple de se perdre sans fil d’Ariane. Le mien est musical. Je sais où aller. Je marche sur les notes qui sont de plus en plus distinctes. Elles vibrent dans une douce harmonie et une voix vient timidement s’ajouter à la mélodie. Un magnifique duo. Instrument et voix.

 

    Je ne dois plus être très loin. Soudain, le titre d’une maison attire mon attention, « Max & Max ». Je ne me souvenais pas qu’il y avait des jumeaux par ici. Étrange. À moins que cela ne soit deux amis. Mais à voir les deux ombres qui entourent la porte, je penche plutôt sur l’hypothèse des jumeaux. D’ailleurs, j’aime beaucoup la couverture du lieu. C’est fou ce qu’on peut faire avec un peu d’imagination. Cela me donne presque envie d’aller toquer à leur p…

 

    L’horloge. La grande horloge sonne. Mince la fête, je vais être en retard ou plutôt… je suis en retard. Je commence alors à rebrousser chemin en courant. Je tente de me souvenir du titre des livres croisés sur le chemin et des noms des allées. Je ne fais pas trop attention. Bousculant sans le faire exprès une dame. Manquant de tomber plus d’une fois. Demandant quelquefois mon chemin pour être sûre de ne pas arriver beaucoup trop tard. Pourquoi avais-je fait ce détour déjà ? Ah oui la musique. D’ailleurs, je ne l’entendais plus. Cela me rend un peu triste. Et si elle n’était que l’objet de mon imagination ? Non, j’ai bien entendu cette mélodie.

 

    Mélodie qui revient. Le son se rapproche alors que je me rapproche de mon but. La même chanson. La même douce voix. Je franchis le seuil de la grande salle. Dans le fond, sur la scène, les deux nouveaux sont là. Ils jouent. L’un au violon, le second à la guitare proche du micro. Un drôle de duo très doux. J’en oublie presque le gâteau dans mes bras qu’on me retire alors que mon esprit se perdait dans les notes de musique.

 

    Un instant, revenir sur Terre. Morgane soulève la cloche et râle un peu au loin. Oui, j’ai du retard. Mais, je n’entends pas de voix. Je me laisse, juste, facilement distraire. Cependant, qui ne laisserait pas son esprit se perdre un peu de temps en temps. Qui ne profiterait pas d’un peu d’avance pour faire un détour simplement pour le plaisir d’entendre quelques notes de plus d’une mélodie qui se perd dans les rues d’une grande ville ?

 

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

 

 

Rêve ou Réalité ?

    Les vacances. Ou plutôt un simple weekend. Hors du temps. Hors du travail. Loin des responsabilités. Mais aussi loin de mon chez-moi, de mon chalet. Je prendrais le temps de rentrer dans mon petit nid douillet canadien lorsque le séjour sera plus long. Et puis je n’avais pas vraiment la tête aux transports. Encore et toujours des gens. Je préférais rester à m’évader dans les environs. Enfin, j’avais quand même dû prendre train et avion pour aller me perdre dans la forêt Islandaise.

 

    Deux jours. Une nuit. Seule. Un besoin d’air frais. Dans la nature perdue de cette île. Dans la nature je me détendais. Hors du bruit de la civilisation. Dans ce pays que je n’avais visité qu’une fois. J’avais besoin d’un break. Mais je ne pouvais pas me permettre de m’absente trop longtemps surtout en période de cours. J’espérais pouvoir retrouver mon chemin.

 

    Un simple weekend organisé en début de semaine. Une jeune amie que j’apprécie beaucoup. En qui j’avais toute confiance, s’occupait de ma ménagerie. Je lui avais confié mes clés. La douce Aurore était vraiment adorable. Elle avait toute de suite accepté quand je lui avais demandé. Je ne savais d’ailleurs toujours pas comment j’allais la remercier de jouer les baby-sitters. Enfin je lui avais juste spécifié qu’il fallait sortir le duo infernal et que les autres faisaient un peu leur vie. Surtout les volatiles et les deux petits. Une seule condition posée par la jeune fille : pouvoir rester travailler dans la cabane. J’avais souri et approuvé. Même si je me demandais comment elle allait pouvoir se concentrer avec tout ce petit monde. Petite pensée pour elle, avant de partir le cœur plus léger vers ces nouvelles contrées.

 

    Écureuil gambadant. Je m’enfonçais toujours un peu plus. J’allais vers les coins les plus reculés. Sans savoir quel chemin emprunter. Cette forêt semblait cacher mille et un secrets. Je n’avais que deux petits jours. Je devais en profiter. Je courrais à en perdre haleine. Je courrais à en perdre la raison. Ne plus penser. Ne plus réfléchir. Laisser ces pattes me guider. Laisser ce petit corps vivre. Ne serait-ce qu’un moment, qu’un instant hors du temps.

 

    Fermons le livre.

    Posons la plume.

    Respirons.

    Inspiration.

    Expiration.

 

    Une feuille volatile. Des mots plus légers. Les voilà qui se dessinent sur les lignes de mes pensées. Les soucis effacés. Dans la cabane, laissée. Les problèmes oubliés. Dans la maison, restés. Juste un bref répit. Un instant par ici. Apprenez-moi à rêver de nouveau. Aidez-moi à me ressourcer. J’avais besoin de repos. Retrouver un sens à mes pensées. 

 

    J’avançais sans but. Pour le simple plaisir, de voir défiler autour de moi la nature dans son immensité. Pour le moment, je ne prenais pas le temps de l’observer dans le détail. M’éloignant de plus en plus de la ville. M’isolant encore et encore. Seule, cela faisait longtemps que je ne l’avais pas été réellement. Même si je savais que dans le ciel, un animal veillait toujours sur moi à distance. Il ne me lâchait pas. Même quand je lui avais rendu sa liberté. Il ne m’avait jamais abandonné. Un animal parfois plus compréhensif que certains humains. Et je ne doutais en rien de sa capacité à me comprendre. Comme Zip, petit écureuil malin, il savait quand cela n’allait pas. Mais il ne pouvait pas toujours être là. Peut-être me suivait-il. Peut-être était-il là-bas. Je ne savais pas. Je n’y pensais pas.

 

    D’un coup, je grimpais dans un arbre. Reprendre mon souffle sur une branche. Je pris alors la peine de détailler les environs. Analysant chaque buisson. Cherchant à deviner quel animal pouvait s’y cacher. Quelle créature n’avait pas remarqué ma présence. Certes sous cette forme, je passais inaperçue. Mais certains n’étaient pas dupes. L’odeur sûrement différente me trahissait. Un humain ne sera jamais complètement animal. Même si dans le fond nous étions des animaux. Pas les plus évolués sur Terre. Beaucoup diront le contraire. Cependant, chaque jour de nouvelles découvertes. Demain, peut-être, une intelligence supérieure. Cela fait peut-être un peu peur. Mais je n’aimais pas ce statut privilégié que se donnaient les hommes. Au-dessus de tout et de tous. Pourquoi ne pas marcher main dans la main au lieu de jouer au dominant dominé ?

 

    En parlant d’être vivant, le prince de la forêt venait de faire son apparition. Un mélange de plumage et de pelage. Un blanc étincelant. Hypnotisant. De loin je l’admirais. Il semblait jeune. Mais il s’imposait. Se reposait près d’un arbre. Par politesse, je grimpais un peu plus haut sur le mien. Se rapprocher sans déranger. Juste le toucher du regard d’un peu plus près, cet être au croisement de deux espèces. Hybride de la nature. Mythe chez les non initiés. Mais les mythes n’avaient-ils pas leur part de vérité ? L’histoire d’un Minotaure, d’un cerbère ou d’une fée ? Des animaux fantastiques et créatures magiques. Dans le monde initié, on pouvait les retrouver. Mais le secret de leur existence, empêchant les non-initiés de les étudier. Il était intéressant de noter que la cryptozoologie s’intéressait à ses espèces sans pouvoir prouver leur existence. Une science aux allures de zoologie magique. Malheureusement, rien ne pouvait être démontré et certains de ces savants passaient leur vie à chercher. À juste espérer pouvoir un jour comme moi s’approcher, d’une créature des contes de leur passé.

 

    Le jeune péritio semblait dormir. Allongé. Seul. Je tentais de faire le moins de bruit possible lorsqu’au-dessus de son arbre j’arrivais. Petits pas. Petits pas. Juste des petits pas. Discrétion. Ne pas tomber. Juste profiter de cet instant privilégié. Une couleur attira alors mon regard. Un volatile qui se posa à deux trois branches de là. Une seconde déconcentrée, je faillis chuter. Se rattraper au dernier moment. Se retenir de sortir un son de protestation. L’être volant était loin d’être un oiseau. Un petit ingénu qui se rapprochait de moi. Fée maline égarée. Sûrement échappée d’un repaire ou alors a-t-elle voulu respirer un autre air. Pauvre petit écureuil qui peinait un peu à remonter sur sa branche. Peu de prises à disposition. Mon regard croisa le sien. Non elle n’allait pas oser. Pas maintenant. S’il vous plait.

 

    Elle était beaucoup trop près. Qu’allait-elle faire ? Ne pas m’aider j’en avais bien peur. Elle tournait autour de moi. Je n’osais plus bouger. Elle n’était pas beaucoup plus petite que l’écureuil que je suis. Si seulement je pouvais me transformer. Mais ma position actuelle ne me le permettait pas. Je ne pouvais pas faire grand-chose. Je finis par craquer et tenter de nouveau de remonter avant que mes petits bras ne cèdent. Et que je tombe conséquence inévitable du manque d’accroche et de la gravité combinés. Cependant la bestiole en décida autrement. Détachant mes pattes de l’écorce. Me maintenant une seconde avant de lâcher. Je l’imaginais déjà rire. Un rire sadique. Espèce de petite fée maléfique ! 

 

    Je ne pouvais rien faire à part espérer atterrir dans un buisson. Je ne pouvais pas reprendre forme humaine maintenant. Je risquais de toucher le sol avant la transformation complète. Je fermais les yeux. Des souvenirs défilaient. Je revivais cet instant. Celui où je m’étais fait rattraper par le froid de l’hiver. Ce rêve aux apparences bien réelles. Qui m’avait fait cogiter. Empêcher de dormir plusieurs nuits. La chute m’avait un peu handicapée un temps. Mais maintenant, alors que tout allait mieux. Je tombais une seconde après. Qu’allait-il m’arriver cette fois ?

 

    Un amorti. Un peu de douceur. Je reprenais doucement mon souffle. Mon cœur faillit rater un battement. Un support doux. Et blanc… Blanc ? Il n’y avait pas de neige en cette période de l’année. Soudain, le sol de porcelaine bougea. Je chutais de nouveau. Dans l’herbe cette fois. Un bruit. Un son. Un animal mécontent. Je n’avais plus le temps aux réflexions. Prise malgré moi dans l’action. Une patte de cerf s’abattant violemment. Une patte d’écureuil touchée. Plus de peur que de mal. Mais heureusement la patte ne semblait point casser simplement douloureuse. Conséquence du choc. Un beau bleu le lendemain ornera ma peau. Mais l’heure n’était pas à ces pensées-là. L’attaque continuait. Je me retenais de crier. Je tentais de me calmer. Analyser la situation. Un membre en moins mouvements ralentis. Il me fallait trouver une porte de sortie.

 

    Un terrier non loin de moi. Je sautais m’y réfugier. Espérant. Priant pour qu’aucune créature malfaisante ne s’y trouve. Que le propriétaire des lieux soit absent. Juste l’espace de cet instant. Je semblais avoir de la chance. Aucun bruit venant du fond. Cachée. Je ne bougeais plus. Je m’en voulais de m’être fait avoir par l’être de lumière sombre. Je cherchais une solution. Il ne me laissera pas partir comme cela. Je ne voulais pas fuir non plus. Une idée me vint alors. Se résigner à s’offrir au jeu du sort. Bonne ou mauvaise situation-là n’était pas la question. Allais-je rentrer en un morceau ? Seul le prince avait la réponse. Il semblait s’être éloigné. Je passais alors une tête hors du terrier.

 

    Il tournait. Il virait. Cherchant qui l’avait importuné durant sa sieste sûrement bien méritée. Jeune petit ne pouvant deviner à quel point j’étais désolée. À quel point je m’en voulais ! Déranger quelqu’un, animal ou humain, n’était pas une chose que je faisais souvent. J’hésitais. Le regardant son regard semblant énervé. Je me décidais donc d’assumer. De m’excuser. Sortant de ma cachette. Transformation devant l’animal. Passage de l’écureuil à l’humain rapidement. Tête baissée. Révérence. Main tendue. Paume vers le haut. Je m’inclinais devant le fils souverain des lieux.

 

    Alea jacta est

 

    Pile ou face. Je tentais de garder une allure neutre. Les dés étaient lancés. Une chance sur deux. Pourtant, restant honnête avec l’animal, je n’approchais pas ma main de ma poche. Je n’attrapais pas d’arme. Rien pour me défendre. Majesté suivant les livres sensibles à la politesse. J’entendais un sabot cogner le sol. Se rapprocher. Doucement. Tout doucement. Une ombre au-dessus de moi. Surtout ne pas bouger. Elle recula. Puis s’avança de nouveau. L’animal m’avait répondu d’une révérence. Ses bois me frôlant légèrement. Ne voulant le défier du regard. Je ne me maintenais pas le mien longtemps. Gardant un regard doux et un peu fuyant. Peur de déranger de nouveau. Puis soudain. La magie apparue.

 

    Un museau se posa dans ma main. Je relevais la tête. Doucement. Le prince. Les yeux fermés venaient à sa manière de me pardonner. Un sourire sur mes lèvres. Je n’y croyais. Certainement un rêve comme celui de l’autre fois. Je commençais à caresser son plumage. Puis son pelage. Le regardant. L’admirant de près. Gravant en ma mémoire chaque seconde de ce moment. Imprimant son image sur la page. Je ne saurais dire combien de temps nous restâmes ainsi. Discussion silencieuse. Pas un bruit. Aucun animal venant couper le dialogue. Aucun humain venant arrêter l’instant complice et doux. Tout semblait s’être arrêté autour de nous. Une bulle. Une rencontre surprenante. Un dialogue dans des gestes. De simples caresses. Une accolade. Sa tête par-dessus mon épaule.

 

    Ce fut lui le premier à rompre le contact. Quelques pas en arrière. Je compris rapidement. Une dernière révérence mutuelle. Je le regardais s’éloigner doucement. J’eus un peu de mal à revenir à la réalité. Je continuais de rêver. Écureuil de nouveau transformé. Je continuais de m’évader.

 

    Une forêt aux mille merveilles

    Des rencontres au hasard

    Quelques heures puis le réveil

    Le retour au travail

    Demain la réalité

    Laissez-moi encore un peu rêver

 

    En attendant, je profitais du moment. D’être encore à mi-chemin entre le rêve et la réalité. J’en profitais pour ne plus penser. Juste admirer. M’étonner. J’avais encore des choses à découvrir. Peut-être recroiserais-je un jour le prince de la forêt. Pour l’heure, l’écureuil semblait voler. Porter par l’espoir. Les pensées libérées.

Joie et la Bibliothèque (1/2)

    Ajouter quelques décorations, peut-être un peu plus de sucre glace…Mince maintenant il y en a trop d’un côté, tant pis j’en remets encore un peu. Oh et si je mettais les étoiles que m’a donné Clara, c’est joli les étoiles. Cela fait l’effet de paillettes, je me demande bien ce qu’elle avait pu mettre dessus pour avoir ce reflet si unique dans lequel je me perds beaucoup trop facilement. C’est normal qu’un gâteau puisse avoir cet effet miroir? Personne n’osera le manger, il est trop beau, enfin surtout les décorations qui sont dessus. J’en ai peut-être mis beaucoup d’ailleurs, je devrais m’arrêter avant que cela ne soit trop chargé. J’espère que cela plaira au petit nouveau. Et à la nouvelle aussi. C’est vraiment chouette cela fait longtemps que…

 

    Attendez…

 

    Depuis quand êtes-vous ici à m’écouter? C’est pas très poli d’espionner les gens sans prévenir surtout quand ils font un super gâteau surprise de bienvenu. Pourquoi de bienvenu? Figurez-vous qu’hier deux nouveaux ont franchi le portail. Ils étaient tous déboussolés. Au début, ils avaient vraiment du mal à parler et agir normalement.

 

    Je me souviens quand je suis arrivée cela a été un gros choc. Imaginez-vous vivre une aventure fantastique dans un univers unique et d’un coup d’un seul, vous vous retrouvez devant des tonnes de livres face à deux chevaliers de la table ronde qui gardent le portail. C’est un peu perturbant mais c’est comme cela que les arrivées dans la Bibliothèque se déroulent. Au début, c’est difficile de savoir qui on est et pourquoi on se retrouve ici. Puis, avec le temps, on se détache du personnage que nous incarnons pour être nous.

 

    Je vois votre air un peu perdu…Je suis peut-être allée trop vite. Cela doit être la première fois que quelqu’un vous parle de la Bibliothèque. A vous voir, j’ai l’impression de me retrouver face aux nouveaux d’hier quand j’ai dû leur expliquer l’histoire de la ville. D’ailleurs en y repensant c’est assez drôle de parler d’histoire et pas des histoires pour parler de la ville. Je m’explique…

 

    Nous vivons dans ce qu’on appelle, la Bibliothèque, c’est une grande ville composée de livres qui varie en fonction de l’imagination des auteurs qui se perdent un peu trop et qui atterrissent chez nous par mégarde. Ce lieu n’est pas uniquement réservé aux personnages, nous avons de temps en temps des enfants de passage dont les rêves les guident jusqu’ici le temps d’une nuit puis ils repartent à leurs vies. J’adore les enfants, ils ont une vision si belle du monde qui nous entoure. Ils le voient au travers de yeux tellement innocents et avec leurs mots et leur vision ils peuvent tout rendre si incroyable. J’aime me plaire à me dire que je resterai toujours une enfant. Je n’ai pas vraiment envie de grandir. Je suis un peu comme mon voisin dont j’oublie souvent le prénom mais vous devez le connaitre. Il a un chapeau vert et il n’arrête pas de parler de poussière de fée et de la deuxième étoile. Je me perds encore, je suis désolée… Où j’en étais déjà? Ah oui…

 

    La Bibliothèque accueille les personnages des divers récits. Lorsque vous écrivez une histoire en tant qu’auteur, vos personnages ont beaucoup de chances d’atterrir ici ou dans une autre Bibliothèque voisine. Comme si la vie que vous connaissez des personnages de fiction n’était que fiction et qu’ici ils pouvaient commencer une vie dont la fin n’est pas définie par une plume. Parfois il est compliqué quand l’on vient d’arriver de se faire entendre dire que la vie que l’on a eu n’est pas vraiment une vie mais est seulement une histoire. Il y a souvent des débats au sein de la ville sur le sujet. Est-ce que l’on doit prendre compte de notre vie d’avant ou non? Est-ce que lorsqu’on rejoint l’auteur pour un nouveau tome, une nouvelle aventure, est ce notre histoire ou juste une sorte de travail que l’on fait? Tant de questions et tout autant de réponses, vous devriez aller voir nos philosophes ils sont plus calés que moi dans ce domaine.

 

    – Joyce, dépêche-toi on a besoin de ton aide pour finir les préparatifs

    – J’arrive Morgane…

 

    Je suis vraiment désolée cher lecteur mais le devoir m’appelle. On doit finir de préparer la surprise pour les nouveaux, c’est important de bien les accueillir, c’est un peu comme s’ils faisaient partie de la famille. Peut-être à une autre fois, quelque chose me dit que nous allons bientôt nous recroiser à nouveau.

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

 

 

Un lutin du temps

    Cher petit lutin du temps,

 

    Une année de plus se termine. Une année qui a été riche autant dans le positif, que le négatif. Une année où les couleurs se sont mélangées, parfois effacées, parfois elles sont revenues. Des flaques de peinture sur le tableau. Des gouttes multicolores. Tu t’es amusé cette année. Tu as joué avec des couleurs, avec ta palette, avec toutes les nuances à ta disposition. Il y a des jours où tu teintais le tableau de gris. D’autres où, tu lançais une explosion de couleur en faire parfois mal aux yeux. Parfois, c’était aussi le juste milieu. Un doux équilibre. Des couleurs pastel. Des couleurs douces. Des couleurs chaudes, mais aussi des froides.

 

    Tu vivais avec tes couleurs comme si chacune apportait une mélodie. Tu as joué. Le tableau comme une partition. Chaque couleur, un instrument. Chaque teinte, une note. Et lorsqu’on le regarde dans son ensemble. Lorsqu’on regarde son évolution, on peut le voir qui se dessine et qui se meut. C’est tableau de la vie. Tu le fais vivre à ta manière. Tu le fais avancer. Tu le fais évoluer. Tu le fais grandir. Il est riche. Et même si parfois le gris est plus présent que la couleur, cette dernière est toujours là dans un petit recoin, dans un sourire, dans une étoile, dans une fleur, dans un rayon de soleil, dans un animal, dans une personne, dans une étreinte, dans un compliment, dans un mot, dans un son, dans une odeur… La couleur est toujours là malgré elle. Elle est toujours présente. Elle danse. Elle danse sur ce tableau, même quand elle n’y est pas invitée. Elle est l’espoir que même si le gris est présent, elle viendra le couvrir à son rythme.

 

    Petit lutin, tu fais passer le temps parfois trop vite, parfois trop lentement. Il y a rarement de juste milieu. On ne le trouve pas souvent. Il y a des jours, où j’aimerais que le temps passe plus vite. D’autres, où j’aimerais le ralentir pour pouvoir graver un instant dans ma mémoire, pouvoir le photographier, l’imprimer, le fixer au plus profond de mes souvenirs. J’aimerais pouvoir figer certains instants, les garder, les transformer en couleur pour les ressortir à d’autres moments.

 

    Petit lutin, grâce à toi cette année j’ai pu me faire une belle étagère de fiole de couleur. Ou plutôt une belle étagère de souvenirs. J’espère que l’année prochaine ce stock de couleurs ne sera que plus grand.

 

    Petit lutin j’aimerais beaucoup cette année pouvoir apporter quelques fioles de couleurs aux personnes qui le désirent. Des fioles comme des fragments de souvenirs, de moments de joie, de douceur, de bonheur… Des fioles qui pourraient éclairer une route un peu assombrie. Souvenir d’un sourire, d’un compliment, d’une odeur, d’un câlin, un film, d’une musique, d’un goût… Quelque chose de simple. Quelque chose qui parle à tous. Un doux souvenir. Une douce mélodie. J’espère que tu pourras leur offrir.

 

    Cher petit lutin, je te souhaite une merveilleuse année ou plutôt une merveilleuse continuité. Le temps est continu même si parfois il fait des cycles. Il s’avance sans reculer. Il nous apprend à regarder de l’avant et nous apprend à grandir. Et toi, toi, tu l’éclaires de ta couleur et de tes notes.

 

    Plein de souvenirs. Plein de fioles. Plein de couleurs et de douceur. Belle année à toi, petit lutin coloré.

Un lutin à écharpe

    Il était une fois, au milieu du Grand Nord, reculé du monde, une grande maison. Dans cette maison vivait un homme à la longue barbe blanche et au manteau rouge. Vous voyez sûrement de qui je veux parler. Cependant notre histoire ne sera pas autour de ce personnage. Il faut vous pencher un peu. Tendre l’oreille et porter un œil attentif aux différentes pièces. Peut-être ainsi vous verrez, courir un peu partout, des petits êtres. Vous savez, ceux à la peau un peu pâle ou multicolore quand ils viennent de tomber dans un pot de peinture. Un peu maladroit, un peu boudeur, travailleur, mais avec un très grand cœur.

 

    Un peu, comme les petits êtres bleus, mais la maison remplace la forêt. Des sucres d’orges, mais pas de salsepareilles. Ils ont eux aussi un bonnet, mais vous pouvez les trouver de toutes les couleurs avec souvent en son bout une clochette qui permet de les repérer. Pas de grand méchant par ici. Ni de chat au rire démoniaque. Seulement un gros félin, qui aime un peu trop les câlins et se prélasser devant la cheminée.

 

    Si vous déplacez un livre dans la bibliothèque, vous accèderez au village. Un endroit un peu tordu où les maisons sont toutes uniques, reflétant la personnalité du propriétaire. Non loin de ce lieu un petit tunnel. Ce dernier mène à l’atelier, là où les rêves des enfants prennent vie. Là où les lettres arrivent par centaines et où les petits êtres s’affolent.

 

    Un jour, un nouveau petit lutin arrive à la maison du père Noël. Il est un peu perdu. Mais on lui fait rapidement une place pour qu’il puisse s’installer en lui laissant libre accès à l’atelier pour qu’il ait le choix dans les décorations. Il devait personnaliser son lieu de vie. Une sorte de petit rituel dans ce village peu ordinaire. Une manière de se présenter aux autres sans un mot.

 

    Il range rapidement ses affaires dans le petit placard et part à la recherche de quelques babioles. Il ne sait pas encore quoi faire. Mais il espère qu’en se baladant il trouverait son bonheur. Il tombe alors sur un harmonica. Il le met dans sa poche et continue sa visite et chasse aux merveilles.

 

    Après avoir ramassé et négocié quelques objets, il se retrouve les bras bien pris. Il ne sait plus très bien où aller. Ni s’il arrivait à rentrer chez lui. Soudain, il sent que le poids sur ses bras diminue et que la vue lui revient un peu, juste assez pour voir le chemin. À ses côtés, un lutin avec une grande écharpe jaune et noire porte l’un de ses cartons de bidules.

 

    Sans un mot, il le suit. Le lutin à l’écharpe semble connaitre le chemin et rapidement, ils se retrouvent sur le seuil de la maison du plus jeune. Ce dernier n’a pas le temps de poser ses affaires pour remercier son bienfaiteur comme il se doit qu’il est déjà reparti. Il est un peu triste. Il voudrait le remercier. Il se demande s’il le reverra tout en commençant à installer les décorations.

 

    Tout à coup, il entend une musique ou plutôt juste un instrument et une voix. Il s’arrête dans son travail artistique et va voir en extérieur. Il trouve l’origine du son chez son voisin. Il est assis sur le pas de sa porte et joue d’une toute petite guitare. Un ukulélé. Il chante puis change les paroles pour s’adresser à son nouveau voisin. Il lui indique que le lutin à l’écharpe est bien connu du quartier. Le rayon de soleil de la bibliothèque. Il brille très fort, mais il est difficile de l’attraper.

 

    Le petit discute avec le chanteur un moment puis lui demande une simple chose « si tu pouvais lui dire une chose, tu lui dirais quoi ? ». Le chanteur lui demande alors de repasser un peu plus tard le temps de l’écrire et le plus jeune commence alors son tour du quartier. Guidé d’une maison à l’autre par le propriétaire précédent. Récoltant dans un carnet des phrases, des textes, des mots. De simples captures d’instant, de souvenirs, de compliments, des mots. Sincères et honnêtes.

 

    Il arrive chez lui pour faire à son tour un mot. Et au moment où il va pour partir son voisin lui glisse dans les mains une nouvelle page à ajouter. Le petit se rend alors chez l’Écharpe. Il est un peu timide quand il toque à la porte. Il ne sait pas si on lui ouvrira. Il n’a peut-être pas toqué assez fort. Il dépose alors le livre sur le tapis. Puis laisse simplement la magie s’emparer de l’instant…

Peluche ou Guimauve ?

    Feu de cheminée. Quelques décorations. Un repas bien entamé. Trop grande était la ration. Réveillon en solitaire. Commençant à avoir l’habitude. Une nouvelle fête sans le père. Moment de solitude. Sans famille proche. Un nouveau Noël, isolée. Le temps faisait son effet. Je ne craquais plus. Ou du moins je me retenais. Vacances à l’école où j’étais gardienne, souvenirs de dernière année. Dans la cabane, réfugiée, j’observais, par la fenêtre, les jeunes se balader. Tandis que je m’apprêtais à sortir, pour digérer.

 

    Gardien de la forêt en action. Écureuil bondissant d’arbre en buisson. Manquant de glisser quelques fois sur les branches gelées, des êtres ayant perdu leurs attraits familiers. Le vert de la nature remplacé par le blanc de l’hiver. Je commençais à prendre mes marques. Dans ce labyrinthe où chaque recoin se ressemblait. Je mémorisais les détails qui transparaissaient. Mais avec cette couverture de neige, le tableau se modifiait. Chaque détail qui semblait acquis ne l’était plus.

 

    Et dans ce joli paysage, je me perdis. Malgré mon pelage, le froid me saisit. J’avais du mal à avancer. Pourquoi avais-je quitté mon nid douillet ? Fragile, je me sentais vaciller. Pas lourd. Difficile d’avancer. Sur une branche plus massive, je voulus me poser. Reprendre mon souffle, quelques instants. Je sautais. Visant mon objectif. Visualisant mon but. Griffes touchant l’écorce. Pattes glissant, amorce. Chute non prévue. Frigorifiée. Pas le temps de me retransformer. Une seule pensée. Un buisson. Un tas de neige pour me sauver.

 

    Un choc. Monde tournant. Tout vêtu de blanc. Seule couleur dominante. Avant que le noir prône. Marque sombre. Roi sur son trône. Perte de connaissance. Une absence. Des souvenirs oubliés. Des pensées embrumées.

 

    Douce odeur. Chatouillant mes narines. Une sensation de chaleur. Réchauffant mon cœur. Mon corps glacé, toujours engourdi. J’ouvris lentement les yeux. Lumière des premiers rayons du soleil. Légèrement visible au travers de la paupière mi-close. Vision quelque peu perturbée. Un peu floutée. Adaptation au changement rapide. Conséquences de la chute imprévisible. Plafond au-dessus de moi. Où était passé le ciel de la dernière fois ? 

 

    Tête lourde. Corps las. Difficile de se redresser. Regard toujours affecté. Droite puis gauche. Je ne connaissais en rien ce lieu. Chambre d’enfant au premier abord. Souvenir d’autrefois remontant. Une maison de bois dans un coin. Ce qui ressemblait à des peluches dans un autre. Un simple bureau, près d’une fenêtre. Qui éclairait la pièce. Une douce harmonie se dégageant. Dans les couleurs, dans la disposition tout semblait familier et différent à la fois.

 

    Tu ne peux rien voir. Une mise au point s’impose. Tu ne peux la faire. Cette pièce tu connais le propriétaire. Des jouets familiers. Tu ne peux le remarquer. La photographie d’un père et sa fille. Coïncidence. Pour toi tout restera abstrait. Et moi petite voix. C’est là la dernière fois que tu m’entendras.

 

    Je levais une main à mon visage. Frotter les yeux pour être sûre de bien voir. Ne pas rêver. Quand soudain une drôle de vérité apparut. Les doigts longs et fins n’étaient plus. A leur place un amas de tissus. Une forme marron et blanche. Une séparation par un fil de trois bouts liés. Phalanges collées. Mouvement de main impossible. Mais qu’avais-je dessus ? Je voulus ouvrir la bouche. Attraper entre mes dents ce qui pouvait être un vêtement. Cependant un problème se posa. Impossible. Comme si les lèvres étaient cousues main.

 

    Un mauvais pressentiment. La panique montant. Je tentais de me lever. Déséquilibre amorcé. Écroulement sur l’oreiller. Oreiller ? Il faisait ma taille. Quelle était donc cette sorcellerie ? Un nouvel essai un peu plus maîtrisé. Ou du moins je le croyais. Mouvement de balancier. Glisser. Rouler. Tomber. Me voici sur un… tapis. Je n’étais plus sûre de bien nommer les objets. La notion de taille non respectée. Les détails absents, vision déficiente.

 

    Je n’avais pas eu mal. Étrange. Chute de deux fois ma taille. Comme si le choc avait été amorti. Comme si…

 

    Tout à coup, quelque chose m’attrapa. Me saisit. Me porta. Le sol s’éloignait. Je tentais de me débattre. Autant que je le pouvais sous cette apparence de… Je ne savais même pas à quoi je ressemblais. Ce qui était certain. Pas d’animal. Pas d’humain. Forme imprécise. Inconnue des livres sur les vivants. Nouvelle espèce peut-être.

 

    – Mais pourquoi tu bouges nounours ?

 

    Petite voix anonyme. Appartenant à ce qui me tenait. Ou plutôt ce qui me déposait. Je pouvais enfin voir ce qui était… Ou plutôt qui était-ce ? Une jeune fille. Cheveux couleur nuit. Deux émeraudes brillantes. Curiosité visible. Innocence de l’enfance. Un sourire aux lèvres. Je ne compris point sur l’instant. Jusqu’à ce qu’en me retournant. Sur ce bureau. Face à un miroir, je me retrouvai. Et là, mon monde bascula. Je n’en revenais pas.

 

    – Dis nounours ? Tu sais parler aussi ?

 

    Tournant. Encore et encore. Je ne l’écoutais plus. À quatre pattes, j’étais stable. Maintenant je comprenais. Dans un corps de doudou. D’ourson blanc j’avais atterri. Par je ne sais quel enchantement. Un museau. Une bouche cousue d’un simple fil noir. Je ne pouvais dire un mot. Léger déséquilibre à présent compréhensible. Rembourrage par endroit manquant à l’appel. Il semblait avoir du vécu ce petit ours polaire.

 

    De nouveau face à l’enfant. Je levais les pattes en guise de réponse. Avant de tomber. Je n’allais donc jamais m’habituer. Petite chute vers l’arrière. Atterrissage sur le postérieur de coton. Assise. Regard vers la jeune fille. Un mouvement de droite à gauche de la tête. Signe universel. Espérant que la petite comprenne. J’étais bloquée. Je ne savais quoi faire. Elle, seule, pouvait m’aider. Ne semblant pas méchante. Ne voulant visible pas me faire de mal. Une main s’avançant vers ma tête. Tapotée par deux fois. Compassion marquée.

 

    – Oh… C’est triste. Pourquoi tu bouges que maintenant ? Dis ? Tu veux jouer avec m… Mais il fait quoi l’oiseau ?

 

    Regard vers la fenêtre. Oiseau posé. Attendant pour entrer. Une autorisation demandée. Émeraude me quitta un instant. Curieuse de voir ce que l’oiseau. Enfin le moyen duc lui voulait. Un rapide échange. Attendrissant. Enfant et oiseau. Un dialogue. Elle parlait aux animaux comme elle parlait à ses peluches. Plus qu’aux humains il semblerait. Une voix douce. Des mots gentils. Une caresse. Un merci. Avant de revenir me voir. Lettre à la main. Un sceau la scellant. Une cloche et… Je ne pus point détailler plus. Elle l’ouvrit sans attendre. Impatience de la jeunesse.

 

    – Nounours on dirait que c’est pour toi. Tu t’appelles Max ? C’est drôle moi aussi !

 

    J’ouvris de grands yeux ronds. Enfin mes yeux cousus l’étaient déjà. Difficile d’avoir un visage expressif sous la forme de peluche. Je me contentais de hocher la tête. Max donc. Drôle de coïncidence. Sur ce point, je rejoignais la petite. Mêmes cheveux. Mêmes yeux. Même prénom. Un peu trop de similitude. J’avais l’impression de me voir. Encore insouciante. Et cette pièce… Il me semblait déjà la connaitre.

 

    – En fait c’est le papa Noël, il veut qu’on trouve une étoile. Il dit qu’elle nous guidera vers lui. Et qu’après il y aura un miracle de Noël.

 

    Aux premiers mots je crus à une blague. Je devais rêver. Seule solution envisageable. Si on reprenait. J’étais dans un lieu inconnu. Quoiqu’un peu familier. Avec une petite fille un peu trop réveillée et innocente. Dans un corps qui n’était pas le mien. Et une lettre d’un soi-disant père Noël nous parlait d’étoile et de miracle. Tout allait pour le mieux. Et pourtant même si cela ressemblait à un rêve, les sensations, tout semblait bien réel. Au point que je finis par croire doucement à cette histoire. Je n’avais pas beaucoup d’options. Je n’allais pas rester ourson.

 

    – C’est trop bien ! Une enquête de Noël ! Vite, je sais où trouver une étoile. D’habitude on la met en haut du sapin. Mais cette année papa ne voulait pas le faire. Elle doit être dans le grenier. Aller vient avec moi.

 

    Je ne pus protester. Par manque de temps, certes. Mais surtout par manque de force. Embarquée contre mon gré sous le bras, d’une petite en pyjama. Courant à travers la maison. Habitation qui semblait vide. Jusqu’à ce qu’une silhouette dans un bureau soit, au détour d’un couloir, visible. Une voix masculine réclamant le calme. Max ralentissant le rythme. Me mimant de ne pas faire de bruit. Loin de moi une telle idée. Je ne pouvais rien faire. Elle me retenait.

 

    Devant l’échelle menant au grenier. Sur son épaule, elle me fit basculer. Je comprenais maintenant ce que pouvait ressentir mon propre doudou. À être baladé. Trimbalé. Un peu partout. Dans tous les sens. Si je sortais vivante de cette aventure, je promettais de faire plus attention à mes jouets. Je ne pus promettre plus déjà dans au sommet de la maison. Dans la pièce la plus haute. La plus sombre. Max me laissa tomber sur le côté cherchant un moyen de nous éclairer.

 

    De mon côté, je tentais de me redresser. Vie de peluche difficile. Déséquilibre, mouvements imprévisibles. Après quelques essais, je réussis à retourner sur mes pattes. Émeraude toujours en quête de lumière. J’allais enfin pouvoir l’aider. Pas lent et incertain. Crainte de la chute à chaque changement. Rembourrage nécessaire. Pauvre petit ours polaire. Soudain, je trébuchais sur quelque chose presque aussi grande que moi. Une lampe torche de non-initié sur le sol. Je la détaillais comme je pouvais. Et tentais tant bien que mal d’appuyer sur le bouton. Arriverais-je à maîtriser ce corps des plus instables ?

 

    Finalement Max me remarqua. Et fit ce que je n’arrivais pas. Éclairant ainsi la pièce. Illuminant cet antre des souvenirs. Remarquant une caisse, enfin plutôt un carton, non loin, je m’avançais d’un pas hésitant. Une guirlande s’échappant d’un côté. Je tentais d’y grimper. Courage petit ours. Tu vas y arriver. Voilà ce que je me répétais. Poussée par une petite main qui voulait simplement m’aider. Je tombais au milieu des boules et des lumières. Décorations de fêtes. Qui devraient être de sorties en cette pério…

 

    – Oupss nounours Max. Attends je t’aide.

 

    Réflexions interrompues. Patte arrière attrapée. J’eus tout juste le temps de m’accrocher à une boite au fond de la boite. Essayant de l’agripper comme je pouvais. Elle glissait. Pas de prise. Pas d’accroche. Ces membres empêchant les mouvements de préhension. Je n’en pouvais déjà plus. Je voulais plus que tout revenir à mon état normal. Heureusement que Max était là. De nouveau dans ses bras j’étais aux premières loges. La regardant ouvrir la boite.

 

    – Tu es le meilleur. Du premier coup !

 

    Je sentais le piège arriver. Se refermer doucement. À mesure que l’étoile se découvrait. Elle était magnifique. Brillante autant que les yeux émerveillés de l’enfant. Qui approcha sa main d’elle pour la prendre. Mon instinct me hurla de partir. Je me débattis. Hypnotisée par l’objet. Elle ne remarqua rien. Ses doigts l’effleurèrent. Simplement.

 

    Nausée. Vomissement. Vertige. Sensation plus que désagréable. Si je n’étais pas déjà de couleur blanche, j’aurais blanchi encore plus. Au point de pouvoir me camoufler dans l’immensité enneigée. De la neige ? Où étions-nous ? Nous ? Max ? Où était la peti…

 

    – Nounours j’ai froid. On est où ? Tu crois c’est la maison du papa noël là-bas ?

 

    Je la sens me serrer encore plus contre elle. Je ne pouvais malheureusement pas lui répondre. J’étais simplement contente qu’elle soit là. Mais en même temps inquiète. Et si des dangers nous attendaient. Et si ce qui semblait être un objet enchanté nous avait amenés droit dans un piège. Je m’en voudrais affreusement qu’il lui arrive quelque chose. Elle était si douce. Si gentille. Si attendrissante et adorable. Une enfant tout simplement. Elle ne méritait pas qu’il lui arrive malheur. Et pourtant alors que je culpabilisais du chalet, elle s’était rapprochée. À la porte, elle venait de toquer. Elle tremblait. Je ne pouvais absolument rien faire. Simplement observer. Me sentant inutile. Doudou fragile.

 

    – Qui es-tu petite fille ? Que viens-tu faire chez moi ? Je suis fatigué.

    – Je m’appelle Max et le papa Noël voulait qu’on touche une étoile. Et pouf on est ici. Il fait très froid.

    – On ? Mais tu es seule. Qui t’accompagne ?

    – Bah nounours Max ! Le papa Noël, il a parlé d’un miracle. Mon ourson il bouge !

    – Entre donc ma petite. Je vais voir ce que je peux faire pour ton ami de tissu. Je m’appelle Santa.

 

    – Elle m’avait tendu à l’homme barbu. Je tremblais de peur. Je ne savais pas ce qui allait m’arriver. Quand le nom de l’individu se fit entendre. Comme par magie. La crainte s’envola. Santa ? Santa Claus ? Père Noël ? Ce n’était pas possible. C’était des contes. Des légendes pour les enfants qui voulaient croire et rêver. Cela ne pouvait être réalité. Et comme si l’homme des mythes pouvait lire dans mes pensées. Une fois sur la table je fus déposée. Il se plaça face à moi. Et fit entendre sa voix. Max timide près de la cheminée. Elle cherchait à se réchauffer.

 

    – Ne t’en fais pas Maximilia Bénédicte. Oui je connais ton prénom. Je sais qui tu es. Laisse-moi te libérer. Je crois que tu as maintenant assez pour tes réflexions. Fais attention à toi. N’oublie pas tout du passé.

 

    Je ne compris pas ses mots. Pas leur sens. Trop occupée. Cerveau bloqué sur la première phrase. Une identité révélée. Des plus exactes. Et tandis que je me perdais dans mes pensées. L’homme marmonnait dans sa barbe. Je me sentis tout à coup fatiguée. Le monde tournait. Mes pattes ne me supportaient plus. Je glissais. Tombais à nouveau. Une petite voix. Une main derrière ma tête. Un bisou sur le museau. Sensation petit à petit disparaissant. Noir total.

 

    Froid. Joue. Réveil. Par un petit animal. Un rouquin ayant posé son museau sur mon visage. Lieu familier. Mon chez-moi. Près de la forêt. Premier réflexe me lever. M’analyser. M’observer. Vérifier que tout soit à sa bonne place. Tête légèrement vacillante. Mais tout semblait en ordre. La petite fille était donc un rêve ? Cela m’a paru bien réel pourtant. Je ne savais quoi en penser.

 

    Je me tournais vers mon ami à quatre pattes. Lui souriant. Remarquant près de lui une lettre. Un sceau étrange. Me rappelant quelque chose. Un cloche et homme de pain d’épice. Où l’avais-je déjà vu ? J’avais du mal à me souvenir. Esprit encore perturbé. J’ouvris délicatement l’enveloppe. Lisant le mot inscrit. Le murmurant. Partageant l’information avec la boule de poils. La reposant par la suite sur le côté. Avant de caresser en souriant la tête du petit mammifère.

 

    Les miracles n’existaient peut-être pas

    Mais la magie de Noël était bien là.

 

 

La mystérieuse lettre : 

 

    Chère inconnue,

 

    En revenant du travail, je me suis égaré près de la forêt. Celle que vous appelez interdite à l’école. De là un petit écureuil m’est apparu. Il me semblait qu’ils hibernaient en cette période de l’année. Mais celui-ci semblait bien vif. Et un peu paniqué. Sans savoir pourquoi je l’ai suivi goût de l’aventure.

 

    Il m’a amené jusqu’à vous. Ou plutôt jusqu’à un de ses confrères. Jusqu’à ce que je remarque une sorte de tatouage. Une chance que je ne quitte jamais ma stèle. Une petite rune, vous m’excuserez, pour voir devant moi une jeune femme étendue. Complètement prise par le froid.

 

    Je suivis de nouveau le petit être à travers la forêt jusqu’à une cabane à la lisière de celle-ci. J’y entrais et vous déposais sur le lit. J’ai pris la peine de relancer le feu et vous apporter quelques runes de soins avant de reprendre mon chemin. J’espère que vous vous portez bien.

 

    Remerciez le petit.

    Ne me remerciez pas.

    Joyeux Noël à vous

 

 Un père Noël qui passait par là

Un lutin discret

    Il était une fois, dans un petit village un peu perdu, un lutin. Vous vous demanderez peut-être que fait un lutin par ici. Je vous répondrais alors que le village dans lequel se déroule notre histoire n’est pas un village ordinaire. En effet, ce dernier est assez reculé, loin des grandes villes, loin des intrus, loin des curieux. Seuls les habitants le connaissent. Ils sont les seuls à savoir comment s’y rendre, quel est le passage secret permettant d’accéder à ce petit coin isolé autour d’un océan de blanc. La neige tout autour du groupement de maisonnettes. Des sapins. Du blanc et du vert à perte de vue. Vous imaginez le village des contes d’antan ? Celui où habite un homme vêtu de rouge à la longue barbe blanche ? En imaginant ce village, vous vous rapprocherez de la réalité. C’est dans ce lieu que notre histoire prend place.

 

    Un jour, un petit lutin, un peu plus petit que les autres. Un lutin discret, au bonnet tombant sur le côté, qui ne parle pas beaucoup. Il est curieux, mais timide à la fois. Petit cœur jaune brodé sur le gilet en guise d’écusson. Il fait partie des lutins qui distribuent les sourires. Cependant, il ne se sent pas très à sa place sur le devant de la scène. Il préfère être en retrait. Agir dans son petit coin. Alors quand son équipe de lutin intervient, il est le seul que l’on ne voit pas. Il dépose des petites fioles de couleurs puis il repart. Comme s’il ne voulait pas que l’on sache que c’est de lui. Il aime apporter une petite touche de douceur aux humains. Mais depuis quelque temps une autre idée lui trotte en tête. 

 

    Il se demande pourquoi l’on cherche à apporter des sourires aux humains, mais pas au centre du village. Pourquoi certains lutins sont tristes ou en colères ? Pourquoi l’on ne leur apporterait pas à eux aussi une petite touche de douceur ? Il réfléchit plusieurs jours à comment faire. Il observe les autres lutins au travail. Il cherche sans un mot qui pourrait l’aider. Mais il a peur. Sans trop savoir pourquoi. Peut-être peur qu’on le trouve un peu bizarre. Puis la période des fêtes arrive. Il décide donc de se jeter à l’eau. Il se mêle aux lutins de l’atelier pour y récupérer du matériel. Il se dissimule parmi les poètes pour piquer quelques papiers à lettres. Il enfile de nouvelles couleurs pour aller voir les artificiers et leur dérober des pigments.

 

    Tout son matériel récupéré, il commence la construction d’une boite aux lettres avec un système de fermeture un peu spécial. Seul lui pourra l’ouvrir. Il ne voudrait pas que les lettres se perdent. Il décore alors avec les couleurs la boite en bois, avant d’y déposer sa plume. « Boite à douceur » il sourit. Il aime bien cette idée. Mais au moment de sortir au milieu de la nuit pour installer son objet près de la grande place, la peur revient. Est-ce que cela est finalement une bonne idée ?

 

    Assis sur le seuil de sa maisonnette, boite à ses côtés, il se questionne. Mais un lutin de la fête passe à ce moment-là. L’interrogeant sur sa création. Notre héros lui raconte alors son idée des petites étoiles dans les yeux. Le festif lui demande alors un morceau de papier. Sans trop comprendre, le petit lui tend avec une plume. Le plus âgé sourit puis en prenant appui sur la construction, il se met à déposer quelques mots sur le papier avant de le plier et le glisser dans la boite. Une main qui ébouriffe les cheveux non couverts par le bonnet, il est reparti. Cela fut suffisant pour que la peur du petit reparte. Il part alors installer la boite, avant de retourner se coucher.

 

    Lecteur curieux que vous êtes, vous vous demandez peut-être ce qui s’est passé au matin. Laissez-moi vous le conter. Notre petit lutin n’a pas pu s’empêcher après son travail d’aller voir sa boite à douceur. Il est un peu nerveux quand il tourne dans la rue direction la grande place. Il s’inquiète quand il voit plusieurs personnes rassemblées. Son cœur se met à battre un peu vite quand il remarque qu’elles sont l’emplacement de sa création. Il accélère alors le pas. Sans écouter la conversation, il se faufile pour vérifier l’état de l’objet en bois. Mais il s’arrête surpris lorsque ses yeux se posèrent sur les lettres qui débordent. Une main sur son épaule le réveille. Le lutin de la nuit dernière lui confie qu’il en a parlé au travail et que la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre.

 

    Le petit sourit, il se demande pourquoi il n’a pas fait une boite plus grande. Alors il commence à la vider quand une personne l’interpelle. Un lutin poète tient en ses mains plusieurs lettres liées avec un fin ruban. Toutes adressées à une même personne. Un lutin qui n’est pas sorti de chez lui aujourd’hui. Il sera donc le premier à recevoir ses lettres. Le héros récupère le petit tas et file chez lui y déposer les lettres à trier. Il s’en occupera après.

 

    Il enfile son plus beau bonnet, même s’il est un peu grand, qu’il tombe aussi sur le côté, mais il ne peut pas y aller avec un vieux bonnet à clochettes. Il faut être discret pour que la surprise ne soit que plus belle. Un pompon fera bien l’affaire. Il ajuste son gilet. Rédige à son tour une petite lettre et glisse le tout dans un faux livre. Il emballe le cadeau et ressort.

 

    Il marche dans les rues un sourire aux lettres, mais un peu anxieux aussi. Et si cela ne lui plaisait pas ? Il chantonne un chant de Noël pour se rassurer. Il s’approche de la maisonnette du destinataire et toque doucement à la porte. On lui ouvre. Sans un mot, il tend le paquet, le rouge aux joues, le regard fuyant. Il entend les déchirements du papier. Puis la surprise du lutin face à lui. Quelques pages se tournent, les lettres maintenant découvertes, il tourne des talons. En continuant sa chanson. Il s’éloigne. Sourire aux lèvres. Il reste encore des lettres à trier. Mais ce soir-là, il ne fait rien de plus que chanter.  

 

    Pendant ce temps-là, le lutin ouvre une à une les lettres. Il en découvre les mots. Lecteur vous êtes un peu curieux, non ? Mais peut-être que ces lettres vous sont destinées après tout. N’êtes-vous pas ce lutin en question ? L’auteur de ses mots n’a pas de bonnet à pompon, mais il n’est pas bien grand. Il vous dépose par ici ces quelques mots en vous souhaitant de joyeuses fêtes…

Un lutin douceur

    Il était une fois, un petit lutin qui avait pour mission de récolter les vœux. Il parcourait le monde, attrapant au vol les souhaits des rêveurs avant qu’ils ne s’échappent dans les cieux. Il rendait ainsi les miracles de Noël possible, apportant aux lutins artisans des idées qu’ils ne trouvaient pas dans les lettres adressées à l’homme à barbe.

 

    En effet, certains étaient timides et n’osaient pas demander l’objet qui les intéressait le plus. Alors, il fallait que certains lutins viennent à eux pour capturer dans leur dos ces idées qui leur tenaient à cœur. Parfois il était assez simple de satisfaire le vœu d’un enfant, mais parfois il fallait redoubler d’imagination, comme ce jour-là. Laissez-moi, vous raconter l’histoire d’un souhait un peu spécial.

 

    Une nuit, notre petit lutin se baladait en ville. Il observait les lumières des rêves avant de noter ceux qui l’intéressaient pour sa mission de décembre. Il aimait bien cela. Chaque lumière avait sa petite touche à elle et le petit se plaisait à imaginer les humains se cachant derrière elles. Cependant, une de ces sources de rêves avait une couleur étrange. Il ne l’avait encore jamais vu. Il fallait dire qu’il était encore un peu nouveau. Il ne connaissait pas toutes les nuances de rêves sur le bout des doigts.

 

    Il s’approcha pour voir ce qui se passait. En se rapprochant, il sentit quelque chose le prendre. Comme s’il se retrouvait attiré par le rêve. Il comprenait maintenant pourquoi il était interdit de toucher l’aura autour d’un humain. Mais il ne put résister. Il fut alors transporté dans le rêve de cette personne. Il vit un avion. Une autre personne qui salue de la main. Puis un écran avec cette même inconnue dans l’écran. Il entendit alors une petite voix. Une toute petite voix qui semblait venir du fond du cœur. Cette petite voix paraissait vouloir faire passer un message. Mais malheureusement, le petit lutin n’entendit pas cette demande. Il se retrouva exclu du rêve et des lettres se dessinèrent sur son cahier de souhaits. « De la douceur pour elle »

 

    Comment offrir de la douceur ? Notre petit se l’était beaucoup demandé. Il doutait de pouvoir réaliser ce vœu. Ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait fabriquer. Ni quelque chose que l’on pouvait attraper. Non, lui fallait trouver un autre moyen.

 

    Alors, durant quelques jours, il se faufila parmi les humains alors que le soleil était haut dans le ciel. Seuls ceux qui croyaient à l’homme rouge pouvaient le voir. Il tâchait donc d’esquiver les enfants. Suivant de près cette personne. Il voulait simplement comprendre ce qu’entendaient les humains par « douceur ».

 

    Puis après un petit temps, il eut l’idée qu’il attendait. Piquant quelques affaires aux villages, il retourna en ville, mais cette fois-ci pendant la nuit. Il retourna chez cette personne qui avait formulé le souhait. Il savait qu’elle ne pourrait pas le voir sauf si… Il toucha pour la seconde fois l’aura des rêves et entra dans celui de l’humaine. Cette dernière fut bien surprise cette fois-ci de voir arriver un petit être au bonnet à clochettes.

 

    Le petit lui expliqua qu’il avait une idée, mais pour cela il avait besoin d’elle. Il lui tendit un carnet et un stylo. Lui laissant un temps avant de ressortir du rêve sans un regard vers le papier dans ses mains. Il avait encore quelques personnes à aller voir. Cette nuit s’annonçait très longue…

 

    Alors qu’il venait de récolter le dernier mot. Le petit se dirigea vers la maison de la personne, non pas à l’origine du souhait, mais sa destinataire. Il déposa sur son bureau le livre bien rempli. Puis juste avant de partir il apposa quelques mots fatigués de cette longue nuit. Quelques mots de « douceur ».

Vacances mouvementées

    Les vacances. Enfin pouvais-je appeler cela des vacances sachant que je ne travaillais pour personne ? Je ne devais de compte qu’à moi-même, mon propre patron. Avant de continuer à mener mon enquête, je m’étais décidée à partir en balade. Pour me détendre, ne pas penser pendant quelques jours à ce qui pouvait m’attendre. Replonger ainsi dans l’innocence de l’enfance. M’émerveiller devant des paysages, tous plus beaux les uns des autres. Me détacher du passé.

 

    Il fallait dire qu’avec ce que j’avais découvert il y a quelques jours en France, j’avais besoin de m’isoler. De faire le point sur moi-même. Ne plus penser à ce père qui me compliquait, malgré lui, la vie. Mais il me la simplifiait aussi d’une certaine manière. M’offrant une possibilité d’isolement. Loin de la civilisation. Une promesse faite à un enfant que le petit devenu grand avait oublié, mais que le père tenu jusqu’au bout. Comme pour essayer de se racheter de ses erreurs.

 

    Sweat sur le dos. Stèle dans la poche. Je m’enfonçais dans cette forêt. Un lieu que j’appréciais beaucoup et de plus en plus. Plus j’avançais. Plus je m’éloignais du village le plus proche. Mieux je me sentais. Libérée de toutes contraintes. À l’abri des regards, je pouvais être moi. Et non celle que l’on voulait que je sois. Je sentais que ce lieu encore inconnu qui venait de m’être légué deviendrait mon antre à moi. Mon jardin secret. Une place spéciale pour les vacances.

 

    Normalement, je ne devrais plus tarder à arriver. Je me demandais bien ce qui m’attendait. À la fois excitée et craintive. Je ne savais plus si cela était une bonne idée. Mais il était trop tard pour faire demi-tour. La nuit sur le point de tomber, je devais me trouver un abri. Ne connaissant point les lieux. Ne sachant point si j’étais en sécurité dans ce bois. Je me devais de trouver ce cadeau, ce dernier présent que m’avait caché mon père. Quitte à me perdre encore plus dans cette nature luxuriante.

 

    Au détour d’un arbre, une maison. Un chalet. Des souvenirs qui remontaient. Non ne me dites pas qu’il l’avait fait… Ce lac me rappelait tant de bons moments. Des instants de jeunesse où innocente je suivais mon paternel. Lui parlant de mes rêves. Lui expliquant que plus tard à la place de la petite cabane de bois minuscule, je construirais un beau chalet pour les écureuils et moi au pied de l’eau. Petite, innocente, naïve que j’étais. Des rêves plein la tête. Je m’amusais, dessinais cet endroit de repos près du lac. Tendant le dessin au père peu attentif. Du moins c’était ce que je pensais.

 

    Une larme qui roulait sur ma joue. Cela ne pouvait être qu’une illusion. Et pourtant. En me rapprochant, je distinguais de mieux en mieux le nom sur la petite boite aux lettres. Le mien « Max Valdrak, maison de l’écureuil, perdue dans la forêt ». Voilà ce qu’on pouvait lire de gravé dans le bois. Une nouvelle larme. Il l’avait fait. Je ne savais quoi dire. Moi qui voulais faire une pause. Prendre du recul. Oublier la famille et les souvenirs. Je plongeais la tête la première dedans.

 

    J’avançais. Doucement. Levant la tête vers la porte. Une feuille de papier abîmée tenue par un poignard dessus. Un nouveau sentiment s’ajouta au mélange déjà bien fourni. De la curiosité. Mais aussi de la peur en voyant quelques taches semblables à du sang. Pourquoi ? L’ignorant j’allais pour ouvrir la porte, mais rien, je me brûlais la main sur la poignée qui avait l’air enchantée. Craignant de ne subir les conséquences d’un nouveau piège, je ne sortis point ma stèle.

 

    Quelques pas. La main brûlée dans l’eau fraîche. Une fois sortie de l’eau, je la bandais. Ne sachant pas si une malédiction m’avait touché ou un simple sort de chaleur. Préférant opter pour la sûreté. À la manière des non initiés, je soignais cette blessure avant de m’approcher de nouveau de la porte. Lisant cette fois-ci la lettre auparavant ignorée.

 

« Minautore, poudre d’hydromel

Aventurier perdu, passe ton chemin

Xena la guerrière maudite te hantera

Il existe en ce milieu un mystère

Le trésor de l’animal souverain

Il est le seul à pouvoir l’ouvrir

Animal petit et rapide

Cette mission n’est pas des plus simples

Maison autour de laquelle 1001 pièges positionnés

Est celle de l’animal roux

Maintenant libéré de l’influence familiale

La clef de son ancre il doit trouver

Tienne dans son cœur

Je l’ai caché aux voleurs

Te diviser dans cette forêt

L’arbre siamois à trouver

Avais-je bien coupé l’objet en trois ?

Promis il n’y en a que trois

La seconde pour l’avoir

Clef de tiers dans l’eau prospère

Tu n’es pas mort, je l’espère

Trouveras-tu, descelleras tu les pièges

Car brulé, en morceaux ou mangé tu peux terminer

Intelligente et vive comme l’animal incarné

Tu devras te comporter

Es-tu assez agile pour trouver

Mon dernier au sommet s’est retrouvé

Petit discret dans le trou de la réserve

Écureuil de l’arbre marqué

Devenu grand plus de vingt ans tu peux entrer

Grand petit enfant si élu tu es les pièges ne pourront te toucher

 

Signé un initié noir et roux »

 

    Je frissonnais. Relisant encore et encore le texte sans queue ni tête. Qui avait bien pu l’écrire ? Qui avait piégé la maison qui semblait être la mienne ? Un bloc-notes sorti de ma poche. Je gribouillais quelques mots. Il me fallait cette clef. Je ne pouvais pas laisser un inconnu m’empêcher de découvrir le dernier cadeau de mon père. Mais l’auteur du mot était-il vraiment si inconnu ?

 

    Cherchant un message caché. Une autre signification à ce mot sans trop de sens. Je remarquais une référence non initiée me tapant à l’œil. Un mot, un prénom peu utilisé. Soudain le texte devenait clair d’un coup. La mise au point se faisait. Tandis que je découvrais ce mini message. Aux yeux de tous seul un fou pouvait avoir écrit ces lignes. Mais j’en avais trouvé le secret. A chaque changement se relevait.

 

    Je relevais la tête vers le ciel, où la lune prenait doucement place. Les yeux remplis, je retenais mes pleurs. Jusqu’au bout j’avais l’impression qu’il voulait que je me souvienne de lui. Pourquoi ne pouvait-il pas agir normalement pour une fois ? J’allais faire demi-tour. Ne voulant plus avoir à faire avec cet homme. Lettre au sol, je repartais vers la forêt. Bien décidée à trouver une place pour me reposer.

 

    Un battement d’ailes près de moi. La lettre de nouveau face à moi. Tenue entre les serres de Dream. Mon moyen duc. Mon ami. Libre de nouveau, il m’avait suivi. Et pour une raison qui m’échappait, il semblait vouloir que je rentre dans la maison qui était la mienne. J’hésitais. D’un côté je ne voulais point résoudre cette énigme écrite par un homme n’ayant plus toute sa tête et d’un autre rentrer au village de nuit ne me semblait point très judicieux.

 

    Un hurlement. Un loup. Ou plusieurs. Je reconsidérais alors l’option de la maison. Trouver trois pièces, cela n’était pas compliqué, si ? Moins dangereux que se retrouver face à des carnivores du moins. Enfin cela je le supposais juste. Car comme le disait la lettre des pièges se cachaient. Il me fallait donc être vigilante.

 

    Résignée à finalement résoudre à contrecœur la petite devinette, je me mis en quête d’un arbre siamois. Une rune de lumière lancée. J’y voyais maintenant mieux. La recherche plus simple pour mes yeux, qui la nuit ne voyait que peu. Je marchais à travers les arbres qui ne manquaient point dans les environs. Mais aucun ne correspondait à la description.

 

    Soudain, j’entendis derrière moi un grognement. Je me figeais à l’instant. N’osant plus bouger. Je tournais tout doucement la tête, pour apercevoir à ma grande surprise un animal à la mâchoire acérée qui avait l’air de vouloir de moi au diner. Je pris une grande inspiration puis partie comme un boulet. Zigzagant entre les troncs. Mais le quadrupède plus rapide ne tardait pas à poser ses pattes sur mes épaules me faisant basculer vers l’avant.

 

    Stèle hors de mes mains. Un mètre devant moi. Je n’avais pas beaucoup de choix. L’écureuil prit rapidement la place de mon corps. Et sans laisser le temps à l’animal de réfléchir, je gravis un arbre. Le premier que je vis. Une fois en hauteur, je m’assis soufflant un peu surtout lorsque je remarquais que le carnivore venait de repartir. La proie hors de portée. Il avait vite abandonné. Réaction assez étrange. Conséquence d’un piège sûrement posé par le poète.

 

    En faisant attention. Toujours sur mes gardes. Je descendis de mon perchoir. Me retransformant les pieds à terre. Attrapant ma stèle par la même occasion. En nettoyant vite fait mes affaires. Tête levée, je vis, incrusté dans le tronc que je venais d’escalader. Un morceau de ce qui semblait être une clef. En y regardant de plus près l’arbre. Deux troncs se séparaient de l’axe central. L’arbre siamois face à moi. Je remercie par la pensée cet animal affamé.

 

    À l’aide d’une rune d’attraction, je récupérais le petit bout. Et une fois glissé dans la poche, vers la maison je retournais. D’après les mots, je devrais le trouver à l’eau. Et d’après mon voyage le seul lac rencontré était celui au bord duquel se trouvait le chalet. Espérons juste que ce coin d’eau soit le bon.

 

    De nouveau près de la maison, je tentais tout d’abord de lancer un sort pour attirer vers moi l’objet caché. Mais que nenni ! Cela aurait été trop simple. Je roulais les yeux au ciel. J’allais devoir mouiller le maillot. Sweat sur le côté avec les chaussures et le jeans. Je fis apparaitre un masque de plongée avant de me jeter dans le lac.

 

    Eau froide. Glacée. Des frissons au contact. Bain de minuit improvisé. Dans quoi m’étais je embarquée ? Mais maintenant que j’avais commencé, je devais terminer. Trouver la deuxième partie de la clef. Cependant, un obstacle se dressait face à moi. Un gardien protégeait le morceau. Un animal marin, aux dents pointues bien visibles. Espérons qu’il ne me prendrait point pour cible.

 

    La tête à la surface je repris mon souffle. Un sort prêt à être lancé, je rejoignis les profondeurs. La bestiole se lança sur moi. Me mordant le mollet. Une rune. Des flèches qui s’en échappent. Elle me lâcha, et tomba de trois flèches dans le crâne logé. Bout de métal en main je retournais vers l’herbe. La morsure douloureuse m’empêchant de me lever. Ne connaissant point l’animal m’ayant attaquée, je tentais un dessin médical.

 

    Mais rien n’y fait. Vive la douleur semblait s’amplifier. Ne connaissant que peu mes sorts de soins, j’entrepris de bander la peau touchée. Espérant intérieurement qu’une fois la porte franchie, tous les soucis disparaitront. Il me restait seulement l’antre de l’écureuil à trouver. Un trou dans un arbre. Mais lui je l’avais repéré sur mon chemin avant de trouver cette maison.

 

    Je boitais alors vers le grand noisetier. Changée en animal roux, je rejoignis le trou. La réserve. Non sans mal. Une patte douloureuse, m’empêchant de courir. M’obligeant à bien faire attention à chacun de mes mouvements. Une fois à hauteur, point de pièges à ma grande surprise. Un simple mot autour du trou gravé « Bravo ma fille ». Une patte à l’intérieur, j’en sortis l’objet avant de retourner sur la terre ferme.

 

    Humaine de nouveau. J’avançais vers la porte. Doucement ma surement. La douleur s’étendant petit à petit. Une rune sur les trois bouts. Une clef. Une serrure déverrouillée. La porte enfin s’ouvrait. Laissant place à une magnifique pièce à vivre. Conviviale. Accueillante. Un endroit assez cosy. Des fauteuils. Un canapé. Des coussins de partout. Des pierres sur la droite, entourant une cheminée bien utile durant l’hiver. En remontant le regard, les yeux au plafond, des poutres apparentes.  

 

    Une table basse au centre où traine une fiole colorée ainsi qu’un petit mot. Je m’avançais. Manquant de tombée. Toute ma jambe paralysée. Sans réfléchir, ne sachant pas ce quelle pouvait contenir, j’attrapais le flacon et l’avalais d’un coup avant que le poison continu d’agir. Puis reprenant petit à petit mes esprits. La lettre en main assise sur le tapis je lis.

 

    « Ma chère fille, désolée de t’avoir fait subir cela, mais je ne voulais point qu’une personne autre que toi entre là. Lorsque tu m’avais dit que tu t’intéressais à l’instinct animal, je m’étais souvenu de l’image de ton totem. Misant sur un coup de poker. L’écureuil comme emblème j’ai construit le piège. Dans la fiole un antidote tu trouveras au poison du poisson. Ne t’en fais pas pour les pièges il n’y en avait point plus que trois, la poignée, le loup enchanté, et le sort de protection sur la maison. Mais une fois la clef tournée ils se désactivent par eux même. Je suis fière de toi. Et si tu me lis, c’est que je ne suis plus là. Je tenais à te faire un dernier cadeau avant que l’on me retrouve. J’y ai mis mes dernières forces. Prends bien soin de toi. Vis pour toi et respecte les autres. Ne deviens pas comme moi. Je ne suis plus là pour te protéger, mais je te sais maintenant assez grande.

 

    Je t’aime

    Maximilien »

 

    Des larmes. Encore des larmes. Moi qui voulais l’oublier. Je ne pourrais pas. Il était mon père. Un pilier. Un modèle. Et malgré ce qu’il a pu faire. Je savais que dans le fond, il restait celui que je connaissais. Je ne pouvais point lui en vouloir. Il cherchait juste à me protéger. En faisant les mauvais choix et en se complaisant dedans, il jouait consciemment avec le feu. Et il s’était brulé.

 

    Aujourd’hui seule dans cette maison je pleurais. Masque à terre. Les émotions se déchaînaient. Je pleurais ce père peu présent que jamais je ne reverrais. À qui je n’avais même pu dire au revoir. Père que je voulais effacer de ma mémoire. Mais une personne aimante toujours là malgré son absence. Paternel au passé noir conscient de ses erreurs. Il n’en restait pas moins protecteur. Essayant d’éloigner sa fille des dangers. Un être à la logique imprécise qui même pour sa fille était incomprise. Malgré son absence.