Jour 17 : Ornement
Un trait noir. Comme le début d’un dessin. La toile est blanche. Elle ne le restera pas longtemps. Un second trait rejoint le premier. Suivi d’un autre et d’un suivant. Tout cela s’enchaîne sans même avoir le temps d’y penser. Se fier à un modèle. Se dire que cela devrait ressembler. Faire confiance aux traits. Ils encrent doucement le canevas. Ils vont à leur rythme.
Tu les regardes se former. Tu vois la plume danser. Tu observes la main la diriger. Tu es attentive. Tu ne veux en perdre une miette. Tu es trop curieuse. Mais quand le regard croise celui de l’artiste, il dévie. Tu ne veux pas gêner. Tu essayes de ne pas trop regarder. Mais la curiosité trop présente. Tu es attentive.
Tu vis avec les traits ancrés. Une histoire se dessine. Un être se forme. Il se transforme. De simple trait en gardien. Tu ne bouges plus. Comme si le moindre souffle perturberait l’équilibre du motif. Comme si le moindre mouvement changerait tout. Tu es impatiente. Mais tu te retiens de le montrer. Un tracé important en cours d’exécution.
Tu serres les dents. Tu le sens. Cela commence à arriver. La douleur. Tu essayes de l’ignorer. Tu lances un regard sur les environs. Tu détailles la pièce. Tu portes ton attention sur autre chose comme pour oublier l’espace d’un instant ce qui se passe vraiment. Tu sens l’outil. Tu ressens les choses. Tu sais à peu près ce qui se dessine en l’instant.
Les derniers traits. Derniers coups d’aiguilles. Dernières gouttes d’encre. Les plus difficiles. Les plus douloureuses. Tu serres les poings. Tu t’empêches de bouger. Tu ne dis aucun mot. Tu patientes. Tu comptes les secondes. Les pics de douleurs de plus en plus réguliers. Tu sursautes un peu. Tu ne peux le contrôler. Aller c’est bientôt terminé.
Te voilà avec un nouvel animal d’encre et de papier sur le tableau de ton corps. La toile est douloureuse au toucher. Elle mettra du temps à se réparer. Malgré tout, tu ne peux t’empêcher de sourire. Un nouveau petit gardien est là.