Jour 19 & 20 : Fronde et Marcher

    Sans qu’il s’en rende compte, le jeune draganir commençait à changer. Ses ailes aux reflets or symbole des non-Manifestations prirent une teinte blanche avec des reflets bleu pâle. À ses pieds, le sol asséché se couvrit d’une fine couche de givre. Son cœur fusionna avec la glace. Ses yeux devinrent verts comme ceux de tous les adultes ayant eu leur magie. Arkangis prit alors une inspiration. Son corps se refroidit de nouveau. Il aimait cette sensation. Alors, quand il souffla un nuage de givre ses yeux s’écarquillèrent. Il avait réussi. Il avait eu sa Manifestation. Il avait échoué. Il n’avait pas eu LA Manifestation.

 

    Il ne se rendait pas compte sur le coup du changement. Il se sentait juste lui-même. Il aimait ce qu’il ressentait au fond de lui. Il savait qu’il venait de trouver sa place. Il venait de se trouver lui. Il savait qui il était. Il comprenait maintenant pourquoi les entraînements ne marchaient pas. Il allait contre sa nature depuis le début. Depuis tout petit, il le savait. Depuis enfant, on le dirigeait vers le feu et les flammes. Mais depuis des années, il préférait le froid de l’hiver aux volcans d’été. Il se forçait à aimer quelque chose qui n’était pas lui. Il portait un masque qu’il essayait de faire sien. Il se battait intérieurement.

 

    Le masque était tombé. Le combat était terminé. Le cœur avait gagné. La passion avait gagné. Arkangis ne pouvait plus se cacher.

 

    Il ne pouvait plus se cacher.

 

    Il ne put pas se cacher quand son oncle revint à la maison. Il ne pouvait pas faire comme si rien ne s’était passé quand il vit le dégoût et la tristesse dans ses yeux. Il ne put rien dire avant d’être chassé de la maison ses affaires en partie brûlées sur le coup des sentiments, par cet homme de sa famille. Il baissa la tête en rentrant chez ses parents. Il ne dit mot quand sa mère pleura. Il ne cilla pas quand son père le jeta à la rue. Il ne se retourna pas sous les regards de peur et d’incompréhension. Il tenta d’ignorer les regards de haine et de mépris. Il franchit les frontières, lui le meilleur élève de l’académie.

 

    Il marchait sans but. Il avançait sans savoir où aller. Il errait dans la nature. Il ne se rendait pas encore compte des événements récents. Tout c’était passé si vite. Les larmes à ses yeux n’avèrent même pas eu le temps de glisser jusqu’au sol. Tout était si flou. Les mots n’arrivèrent à ses oreilles que durant le trajet. Les voix tournèrent en boucle. Les paroles attaquaient sans cesse. Il les entendait. Il n’entendait qu’eux. Il ne voulait pas. Cela tournait. Il cherchait à s’en débarrasser.

 

    Ses pas se faisaient plus fort. Comme si le son des pas pouvait couvrir les échos. Comme si cela aiderait ces images et ces mots à repartir. Il ferma les poings. Il continuait son chemin. Il serra les poings. Il regardait devant lui. Il gela le sol qu’il touchait. Le givre commençait à le recouvrir. Ses ailes se glaçaient. Et dans sa gorge, quelque chose ne demandait qu’à sortir. Il se retient jusqu’à arriver devant un grand rocher. Il se contenait. Il ne pouvait plus.

 

    Le poing partit. La rage partit. La douleur partit. Le cri partit. Un trou dans la roche. De la glace tout autour. Des pics de glace sortaient et entraient en même temps dans la pierre. Le givre entourait la main. La neige tombait sur la scène. De fins pics de glaces tombaient sur le sol. Les larmes se changeant au contact de la peau glaciale. Arkangis s’assit ou plutôt glissa sur le sol. Il se laissa envelopper par la glace. Il se laissa bercer par le froid. Il pleurait. Il se rendait maintenant compte qu’il était seul. Différent et seul.

 

    Tandis qu’il se renfermait, une silhouette s’approcha. Elle l’observait depuis un moment. Elle était discrète. Elle ne voulait pas se faire remarquer. Mais elle sentait qu’elle devait venir. Elle sentait que c’était à elle de l’aider. Elle s’avançait à petits pas du cocon de givre qui se formait doucement. Elle hésita. Puis elle posa sa main sur l’épaule du jeune draganir. Elle avait traversé la protection de froid sans un mot. Il leva les yeux vers elle. Mais qui était-elle ?