Une main sur le heurtoir. Une grande inspiration. Mathilda frappa trois fois avant de se reculer d’un pas. Elle se sentait anxieuse. Elle ne savait pas ce qui l’attendait. Elle ne savait même pas si elle était au bon endroit. Elle qui était dans cette forêt depuis plusieurs jours, elle avait un peu perdu espoir, mais la voilà devant cette petite maison qui ne payait pas de mine.
Une maison entourée de multiples plantes qui ne faisait qu’un avec la nature. Une habitation dont les branches des arbres se mêlaient au toit. En y portant un peu attention, l’on pouvait voir quelques petits refuges. Comme de petits lieux de repos pour les animaux perdus. On pouvait aussi apercevoir des mangeoires bien garnies. Les animaux devaient se sentir bien par ici.
Alors qu’elle observait les détails du lieu, Mathilda fut surprise par un grincement. La porte venait de sortir et une femme d’un certain âge se tenait sur le seuil. Elle l’invita à entrer, elle et Oliver, sans un mot. Mathilda ne voulant pas abimer l’endroit prit soin de retirer ses chaussures à l’entrée tandis que la femme était partie dans le coin cuisine. Elle revint de celui-ci, une tasse et une gamelle dans les mains. La première fut déposée dans les mains de la jeune femme et la seconde sur le sol.
« Vient donc t’assoir mon enfant, ce thé va te faire du bien. »
Mathilda se sentait bizarrement en confiance dans cette maison. Elle se sentait bien comme chez elle. L’endroit dégageait quelque chose de chaleureux et doux tout comme cette femme. Elle ne s’entendait pas du tout à cela. Aucune animosité ne se dégageait de la doyenne malgré les dires des anciens voyageurs. Elle avait l’impression d’être chez sa grand-mère Tana.
À la différence qu’ici la pièce de vie était emplie de souvenirs, de sculptures, de livres, d’objets en tout genre. L’on pourrait passer des heures à tous les énumérer un à un. Tout était dépareillé et uni à la fois. Les tissus des chaises et canapés étaient différents, mais allaient tellement bien ensemble que cette différence ne faisait que révéler leur véritable beauté.
La jeune femme s’assit dans un des canapés en face de la doyenne. Elle se sentait toujours impressionnée et elle n’osait dire un seul mot. Elles burent toutes les deux leur thé dans le silence. Un doux silence qui en disait long. Un silence qui faisait du bien. Oliver les avait rejoints et dormait aux pieds de Mathilda. Lui aussi se sentait comme à la maison.
« Et si nous parlions un peu de ta venue ? Je sens que quelque chose te pèse. »
La jeune fille se présenta alors et conta son histoire en commençant par celle de sa mère. La doyenne l’écoutait sans un mot. Elle semblait un peu soucieuse. Puis quand Mathilda évoqua le pendentif, ses yeux s’ouvrirent. Elle semblait chercher des informations tout en l’écoutant. Elle se leva et récupéra une petite fiole sur une étagère.
« Je comprends mieux. Laisse-moi te raconter une partie de l’histoire que de nombreux livres oublient ou font passer pour légende. Une histoire que je tiens de ma grand-mère qui l’a vécu. Je te vois arriver, ne te fit pas aux générations pour te retrouver dans la lignée du temps, certains sangs apportent de la résistance et d’autres des années de vie. »
La doyenne ouvrit la fiole et laissa la fumée former des formes dans les airs tout en contant son histoire.
« Il y a bien longtemps, les elfes, les nains, les mages, les trolls, toutes les races du monde vivaient chacune dans leur région. Cependant, l’annonce d’une prophétie et d’une potentielle ouverture de brèche démoniaque affola tous les peuples. Ils décidèrent alors de s’unir. Principalement, pour protéger les humains présents en nombre, mais possédant moins de résistance.
Chaque peuple envoya alors quatre de ses membres pour former une alliance du nom d’Enigami. L’un de ces membres était un des descendants de la lignée royale. Les trois autres étaient les maitres en leurs catégories. Ceux qui maitrisaient le mieux leur propre don. Du côté des elfes, le roi avait envoyé sa propre femme qui s’était portée volontaire ainsi que sa fille unique possédant le don du chevalier. Il y avait aussi le commandant principal, qui n’était autre que le meilleur stratège ainsi que la doyenne du Royaume elfe qui maitrisait comme personne le don de vie.
Du côté des mages nous avions le don de mémoire, celui de la sagesse ainsi que l’élémentaire. Comme tu peux t’en douter, chez les nains nous avions le meilleur des forgerons, ainsi que le don de pierre et celui du courage, ces deux derniers étant fortement sous-estimés de nos jours. Je pense que je n’ai pas besoin de te détailler pour les autres peuples, tu dois te douter de leurs dons.
Les nains, les elfes et les mages furent désignés comme les leaders de cette alliance du fait de leur passif commun. Ils étaient forts et se connaissaient bien. Même si certaines tensions subsistaient entre eux ils œuvraient dans la même direction. Chacun ayant déjà une alliance avec les autres peuples. Je vais passer rapidement sur le côté politique cela serait trop long à raconter.
Au cours de cette alliance, l’idée de mettre en commun les forces et de créer un monde commun naquit. Mais la menace de la prophétie n’avait pas disparu pour autant. La doyenne elfe avait entendu une légende sur un champ de cristal et un vœu qui pouvait être formulé une fois et d’une seule voix. Une équipe d’expédition fut alors montée avec les neuf maitres principaux tandis que les chefs géraient la politique de ce Nouveau Monde.
Le voyage dura des semaines au cours desquelles ils durent affronter ensemble de nombreuses épreuves et s’enfoncer au plus loin dans les terres oubliées. Des terres où personne n’avait osé aller depuis des siècles à cause du climat, des dangers, des êtres au sang de démon. Cela fut difficile et éprouvant. Ils ne savaient pas avant de voir des brins d’herbe s’ils arriveraient un jour au bout.
Mais ils réussirent. Ils étaient face au champ de cristaux. Ils firent comme ils l’avaient tant de fois répétées. Ils se prirent les mains et formulèrent leur demande. Et à l’instant où ils eurent fini. Une voix s’éleva dans le ciel. Le tonnerre frappa la terre au centre de leur cercle brisant l’un des cristaux et projetant les fragments sur chacun des neufs maitres.
“Seules les personnes dignes pourront recevoir ces pendentifs. Et seuls les plus vertueux gagneront leur marque et la sagesse de ceux qui les ont précédés. Cependant, tout pouvoir a un prix. Ne l’oubliez jamais. Suivez vos valeurs et rien ne vous arrivera. Dérivez du chemin et le malheur s’abattra.”
À la fin de ces mots, chacun hurla de douleur. Ils furent marqués au fer de l’intérieur. Ils possédaient chacun une marque unique. La marque de leur don. Et chacun avait maintenant un pendentif, pendentif qui deviendra par la suite le symbole des neuf grandes lignées que tu connais aujourd’hui.
Ce pendentif que tu portes est la preuve que tu descends des Sylvia, l’ancienne famille royale elfique. Et cette marque est celle que portaient les ancêtres qui t’ont précédé. Tu te souviens surement du don de ta mère. Un don de chevalier. Fais y attention et surtout ne t’éloigne jamais du chemin quoi que cela signifie. »