A la rencontre de Passion

    Ecrire puis revenir en arrière. Poser des mots pour les retirer. Ne plus savoir comment les former. Perdre peu à peu le lien entre les lettres. Comme si, même si un mot est formé, il n’est pas totalement mot dans son entièreté. Comme s’il perdait son sens et son essence change de chemin. Il n’est plus dans mes mains. Il prend son envol sans penser à demain. Il danse dans les airs sans revenir. Il oublie ses voisins. Il oublie son passé. Il ne se soucie pas de l’avenir. Il ne se lie pas d’amitié. Il se contente de s’évaporer dans l’immensité.

 

    Sans lui, la page redevient blanche. Ce blanc si troublant. Ce blanc qui fait peur. Peur de le gâcher avec des mots aux ailes brisées. Peur de l’abimer avec des lettres qui n’arrivent plus à danser. Peur que l’ensemble s’assemble dans une cacophonie silencieuse. Ils s’expriment. On ne les entend pas toujours. Certains après d’autres paraissent plus ternes. Il manque l’harmonie. Comme si le chef d’orchestre n’était absent. Allons le chercher. Essayons de le retrouver. Il ne devrait pas être loin. Je l’ai croisé il y a quelques mois. Il était là. Le sourire aux lèvres. Il était là à faire valser sa baguette. La passion dans ses yeux n’était pas une surprise et rien que le voir bouger quelque chose en sortait.

 

    Mais la bête noire est arrivée. La bête noire a tout ravagé. Subtile, elle a pointé les fautes notes des instruments. Tranchantes, elle a brisé la baguette. Elle s’est introduite dans le lieu du spectacle. Elle a tout fait s’effacer sur son passage. L’endroit est un lieu vide actuellement. Le morceau de bois fendu au centre de la scène. Les chaises sans propriétaire. La force noire garde le lieu. Premier à entrer se fait envelopper par cette noirceur trop réelle. Elle englobe tout. Elle ne laisse rien au hasard. Elle vise les points faibles. Bête féroce se nourrissant de larmes. Profitant des faiblesses. Elle a fait s’effondrer et se diviser le reste.

 

    Cependant un oiseau est toujours là. Il se balade sur l’épaule d’un enfant. Ils marchent ensemble. Ils voulaient voir le spectacle. Mais depuis plusieurs semaines, le lieu des mots est fermé faute de couleurs assez fortes. Une autre personne attend devant la porte. Un adulte d’un costard vêtu. Il réajuste sa cravate avant de tourner des talons. Les bras ballants. Une main rattrapée par l’enfant. L’oiseau parlant. L’idée venant. Ils ne pouvaient pas rester ainsi à attendre que la bête s’épuise. Il fallait agir. Alors qu’ils cherchaient comment aider, un petit animal jouant du ukulélé essaya de faire une note. Mais la corde céda. L’adulte le prit avec lui et le petit conta une histoire.

 

    Nos quatre amis s’avancèrent dans la forêt. Ils y trouvèrent un homme au costume abimé. Il semblait perdu. Il semblait bouleversé. Le chef d’orchestre passionné avec le regard grisé. L’enfant sorti alors ses feutres et donna des coups de couleurs sur la veste. Mais l’adulte l’arrêta. Retirant la sienne qu’il échangea contre la queue de pie abimée. Puis il laissa place au plus jeune qui s’amusa avec les notes. Il mit de la vie dans les couleurs. Il joua. L’homme fut surpris. Une attention soudaine. On cherchait à le soigner avec des sentiments. L’oiseau partit avec le petit animal musicien laissant les trois bipèdes. L’enfant entrainant l’adulte dans les coloriages. Le chef esquissa un sourire.

 

    Sourire qui s’élargie quand plusieurs animaux arrivèrent sur les lieux. Les instruments étaient abimés. Mais l’adulte entreprit de les réparer laissant l’art à l’enfance. Tout était loin d’être parfait. Des accessoires à rayures. Des tenus raccommodées. Mais de la motivation de nouveau dans les yeux. La passion commençait à remonter mais ce n’était plus à la petite voix, l’enfance et la responsabilité de jouer. Le chef ramassa une brindille en guise de baguette et guida sa troupe vers la scène.

 

    La bête les attendait. Ce ne fut pas à la première tentative qu’ils réussirent à entrer. Ni à la seconde et encore moins à la dixième. Il fallut du temps. Mais le meneur n’abandonnait pas. Au début il se figeait de peur se reprochant de ne pas être à la hauteur. Puis ses démons l’attrapèrent vers les méandres des idées noires. Ce fut alors aux tours des auto-reproches. Suivit du stress de ne plus réussir à orchestrer. Mais le voilà debout. Devant la bête. Il avait compris.

 

    Il ne devait plus lutter. Il devait l’accepter. Accepter cette note étrange sur la partition. Pas d’affrontement lors de cette tentative. Seulement une mélodie. Comme un drapeau blanc. Une douce musique contre les tourments. Une manière d’inviter l’autre dans la danse. Et, à petits pas, le groupe reprend sa place. La bête prend place dans le fond de la scène. Elle reviendra sur le devant un jour. En attendant, Passion a sa place. Il danse de nouveau. Un peu maladroit au début. Cela fait longtemps. Il n’a pas encore totalement reprit confiance. Mais avec le temps cela reviendra. Il sait qu’il pourra compter sur Enfance pour le relancer. Malgré ses allures très droites, Responsabilité l’aidera aussi à sa manière car sans l’orchestre, Stress règne en maitre et Petite Voix ne sait plus ce qu’elle dit. Une chose est sûre c’est que Espoir malgré sa petite taille et son instrument abimé n’est jamais loin pour rappeler qu’il ne faut pas l’oublier.

 

    Danse Passion

    Vis les notes

    Joue la vie

Les instruments

    Définir les instants. Une chose de compliquée. Définir les sentiments. Quelque chose d’encore plus. Parfois presque impossible. Les mots ne reflètent pas vraiment ce que le cœur veut dire. Ils ne sont pas assez forts. Ils le sont de trop. Ils n’ont pas l’infinité des nuances que le cœur peut apporter. Que le corps peut ressentir. Une émotion, un sentiment. Cela se vit. De l’intérieur. D’une intensité propre. Une vibration. On vibre pour les choses quand on aime et on aime quand on vibre. Ou plutôt Je. Parfois il suffit d’un rien. Parfois, une légère brise, et le feu s’embrase. Une petite mouche, et le chef d’orchestre loupe ses mouvements.

 

    J’ai longtemps cherché comment définir les choses. J’ai longtemps cherché les images à associer. J’ai longtemps cherché, mais je pense avoir trouvé. Laissez-moi vous guidez dans mes rêves, où les sentiments s’expriment et où dansent les mots. Laissez-moi vous raconter ce moment… Doucement. En quelques mots ou peut-être plus.

 

    Matinée en cours. Passion était parti se cacher. Il se montrait timide. Responsabilité lui gardait la tête haute. Figé et acceptant les conditions. Il était fort Responsabilité. Le seul adulte du petit groupe prenant la place du protecteur. Petite voix, elle, était dans un jour sans. Pas de chansons entrainantes. Juste des mots entendus, encore et encore, des mots comme des petites lames. Et au loin, assis contre son arbre, l’enfant avec Espoir dans ses bras. Il perdait petit à petit ses couleurs. Mais il essayait de toujours être là.

 

    La raison de tout cela? La bête noire. Elle était de nouveau là. Elle perturbait la musique de la vie. Les instruments se faisaient timides et maladroits. Certains un peu absents. D’autres neutres. Une harmonie peu douce.

 

    Elle tenait tête à l’adulte. Il tenait de protéger les autres. Mais d’un coup, elle grandit. L’enfant attrapa alors Passion par le bras. Ils allaient laisser l’espace d’un instant Responsabilité de côté. Dessin d’une voiture. Des petits bonhommes en bout de chemin. Un dessin ancien. On le connaissait bien. On l’avait mis de côté sur le tas des idées qui pouvaient faire mal. Mais, avant même que l’adulte ne s’oppose, la route se dessinait. Quelques remords. Beaucoup de doutes. Passion choisit la chanson. Innocence augmenta le son. Responsabilité se détendit alors. Que pouvait-il arriver?

 

    Quelques minutes avant la fin de la balade. Stress vient faire un petit coucou à la petite troupe. Il faillit amorcer le demi-tour. Fort heureusement, l’enfant était trop pris dans la chanson pour l’entendre. C’était lui qui menait la danse.

 

    D’un coup, le chef d’orchestre, Passion de son petit nom, vit des instruments arrivés. Des instruments qui chantaient fort. Leur mélodie englobait tout l’univers. Elle surprit. Il ne s’y attendait pas. Il pensait rêver et pourtant…

 

    Les instruments l’accompagnèrent tout le long. Ils étaient là. Partout. Ils étaient libres. Insouciants. Fragiles. Forts. Imprévisibles. Doux. Timides. Visibles. Ils jouaient. Ils s’harmonisaient. Sans aucune contrainte. Sans aucune crainte. Ils vivaient sur la partition de la vie. Ils vibraient ensemble dans une mélodie improvisée et imprévisible. Malgré leurs différences, malgré les changements de rythmes, malgré les fausses notes… Ils étaient là.

 

    Le chef d’orchestre décida alors de se joindre au groupe. Il reprit son apparence totem. Il joua avec les autres. D’abord timide. Puis plus enjoué. Mais le recul sur Responsabilité ne fut pas de durée infinie. Il se réveilla doucement. Il prenait petit à petit conscience. Impactant malgré lui le nouvel instrument. Puis le moment vint. L’instrument se brisa. L’enfant essaya les couleurs, mais elles ne brillaient plus assez. Responsabilité culpabilisait. Petite voix restait bloquée. Et les autres instruments eux…ils venaient l’aider. Ils remettaient de la couleur. Ils réparaient comme ils pouvaient. Des bisous magiques. Des câlins enchanteurs. L’instrument ne savait plus quoi faire. Il se laissa faire. L’enfant se surprit à s’exprimer vraiment sans que l’adulte le cache. Il se blottit dans les bras de certains.

 

    Et Petite voix? L’oiseau fut ignoré.

    Et Espoir? L’écureuil fut cajolé.

 

    Comme quoi parfois, il faut laisser les autres nous aider. Cela est compliqué. Très compliqué. Mais au détour d’une rencontre, une mélodie se forme. Les chansons s’enchainent. La partition défile et le temps file.

 

    Ce jour-là, j’ai vraiment ressenti les vibrations. Dans le sens où avant, je n’avais pas de mots sur les vibrations. J’ai entendu les mélodies. J’ai distingué les instruments. Comme une basse un peu rock qui s’harmonisait tandis que le mélodica valsait. Près d’eux la trompette résonnait tantôt en sautillant. Si vous aviez tendu l’oreille, un petit air de flute traversière vous aurait émerveillé pendant que le doux son du violoncelle vous berçait. Mais vous ne pouviez pas passer à côté du banjo souriant et du luth apaisant. Mais vous savez, on a tous des sons qui nous marquent un peu plus. Ce n’est pas vraiment du favoritisme. Cela est simplement un fait. Dans mon cas, un trio original. Une cornemuse multicolore qui pouvait disparaitre en un instant alors que l’harmonica lui était toujours un peu là. Et voilà… J’ai failli oublier le premier instrument arrivé et le dernier quitté. Celui qui a donné la première note : le sensible violon.

 

    Je ne sais comment dire les choses avec les mots qui décriraient vraiment ma pensée. Mais voici un aperçu de celle-ci. Les sentiments sont comme des musiques qui se composent à plusieurs. Ils vibrent. De mon côté, l’orchestre est hétérogène, pas toujours très harmonieux, parfois cela peut virer à la cacophonie, mais je vibre avec lui. Je vibre avec chaque instrument. D’une intensité différente certes, mais d’une intensité forte.

 

    Continuez de vibrer comme cela. Ces vibrations aident sans le savoir. La musique est guérisseuse. Elle guide les cœurs fragiles vers des sentiers plus sécurisés. Une chanson dans le casque, un pas plus rassuré. L’impression d’être protégé par les notes qui nous entourent.

« Gentil n’a qu’un œil, moi j’en ai deux »

    Tu es gentil. Parfois un peu trop. Tu aides. Tu positives. Tu écoutes. Tu donnerais ta chemise à autrui. Et quand on demande aux autres, de te décrire le seul mot qui leur vient est « gentil ». Mais es-tu vraiment cette personne naïve que semblent décrire ceux qui te rencontrent ?

 

    Certes, tu vois le positif en tout et en tout le monde. Tu es plus à même de lister les qualités d’une personne que ses défauts. Défauts que tu ne mentionnes que très rarement. Tu vois la vie du bon côté un peu à l’instar d’un Baloo. Cela fait-il de toi un trop gentil pour autant ?

 

    Il est vrai que quand tu vois une personne en difficulté, tu lui rends service. Ou du moins, tu essayes. Si un ami appelle pour parler de ses soucis, tu l’écouteras même si le moment n’est pas des plus pratiques. Tu aimes apporter ton aide sans rien attendre en retour. Est-ce que cela est-il « être trop gentil » ?

 

    Tu ne te plains que rarement. Tu encourages ceux qui t’entourent. Tu ne critiques que peu. Tu félicites. Tu es de ceux qui préfèrent faire des compliments plutôt que d’enfoncer à coup d’ondes négatives. Mais, ne parler que de positif fait-il de nous une personne trop gentille ?

 

    À entendre les autres, tu es une personne qui ne ressent ni la tristesse, ni la colère, ni la peine ou encore la rage ou la haine. Tu serais selon eux d’un calme olympien, toujours à sourire, et se réjouir d’un rien, mais aussi la personne à appeler en cas de besoin. Montrer une facette de soi est-il être trop gentil ?

 

    Et si les autres te regardaient avec leurs deux yeux, ils te verraient peut-être réellement. Au lieu de se focaliser sur les choses qui les arrangent, s’ils essayaient de percer l’illusion. S’ils faisaient un petit effort, ils remarqueraient surement que tout n’est pas noir ou blanc. Le demi-regard des autres fait-il de soi une personne trop gentille ?

 

    D’un œil ils ne voient que ce dont ils veulent voir, le plus simple, ce qui les arrange, ce dont ils ont besoin pour eux-mêmes. Ils oublient que les autres sont aussi entier qu’eux. Ils ignorent la part négative que peut avoir la personne la plus optimiste. Et quand ils ouvrent enfin le second œil, es-tu toujours trop gentil ?

 

    Certains ne regardent alors que du second œil. Ils ne voient que tes défauts, que la facette que tu caches. Ils oublient le reste. Du blanc tu passes au noir à leurs yeux qui ne peuvent s’ouvrir qu’un par un. Leur vision manichéenne te pousse à te cacher encore plus. La gentillesse est-elle juste un masque ?

 

    D’autres arrivent à observer des deux yeux. À voir le blanc et le noir. Ils regardent l’ensemble et non la partie qui les arrange. Ils n’oublient rien. Ils relativisent. Et parfois même ils cherchent à comprendre ou à analyser. Être trop gentil finalement n’est-il pas juste être vu par un seul œil ?

 

    Peut-être, cela dépend de nous et des autres.

    Tu es qui tu es.

    C’est aux autres de le voir en ouvrant leurs deux yeux.

    Mais à toi aussi de faire de même pour ne pas tomber dans le monde des illusions.

Le paquet mystérieux

L’histoire se déroule dans l’univers magique créé par JK Rowling (une des contraintes imposées pour ce texte)

   

    Le tintinnabule retentit. Pourtant aucun courrier n’était attendu pour aujourd’hui. Tu te rapprochas alors de la fenêtre près de laquelle la petite clochette était disposée. Tu es surprise. Mais aussi intriguée. Devant tes yeux, trois hiboux peinant à porter ensemble un paquet de plusieurs fois leurs tailles. Tu t’empresses alors d’ouvrir la porte vitrée pour les inviter à entrer.

    Sur la table, ils déposèrent l’objet. Cependant avant de t’y attarder, tu leur sortis de quoi se requinquer. Des graines, de l’eau avec un soupçon de potion revigorante et quelques autres friandises qu’affectionnent ces oiseaux voyageurs et messagers. Le trajet avait dû être long et difficile pour ces facteurs ailés.

    Mais pourquoi diantre, une personne se compliquerait la vie à envoyer une chose aussi lourde par hibou. Le mystère était entier, surtout qu’aucune magie ne semblait être présente. Les petits avaient porté à bout d’ailes ce paquet de presque un mètre de haut, et tu n’osais même pas imaginer le poids.

    Pendant que les voltigeurs se reposaient, tu examinais l’objet à la recherche d’un quelconque indice laissé par l’expéditeur. Mais rien, pas un mot, pas une carte, pas même une petite signature à la calligraphie distinctive. Aucun moyen de savoir. Tu étais donc là. Devant cette chose, posée sur ton bureau, plus grande que toi. Tu hésitais.

    Tu ne savais pas si tu devais l’ouvrir tout de suite ou prévenir quelqu’un. Peut-être qu’un danger apparaitra à l’ouverture. Cela serait risqué surtout dans l’enceinte de l’école, pour quel type de professeur passerais-tu alors ? Et si rien ne se produisait, tu aurais tort d’être aussi suspicieuse. Ton esprit commença à faire des allers-retours entre le pour et le contre sans que tu puisses t’en défaire.

    Aucune solution ne semblait meilleure qu’une autre et pourtant ta curiosité te rongeait. Elle tambourinait au fond de ta poitrine. Elle te hurlait de défaire le joli petit ruban aux couleurs de la maison des blaireaux. Elle te suppliait de déplier le joli paquet aux motifs de la forêt. Elle te questionnait sur l’intérieur. Elle ne te lâchera pas.

    Tu approchas doucement tes mains. Elle avait gagné. Elle te contrôlait sans que tu cherches à te défaire de son emprise. Cela était plus fort que toi tu avais besoin de savoir. Besoin de comprendre. Trop de questions dans ta petite caboche. Tu avais ce besoin irrépressible de réponses. Ces dernières se trouvaient juste devant toi. À portée de main.

    Tu ne remarquas même pas les oiseaux s’échapper par la fenêtre. Ton regard était hypnotisé par la chose face à toi. Il te suffisait simplement de tirer le ruban pour que toutes tes questions retombent tel le papier de ce parquet. Tes doigts frôlaient le tissu. Tu hésitais à l’agripper. Un instant de conscience. Puis tu succombais de nouveau au charme de la curiosité.

    Tu imaginais déjà ce qui pourrait se cacher sous le papier. Tes doigts s’enroulèrent doucement autour du fin ruban. Ton esprit vagabonda passant en revue les scénarios possibles sans en trouver un seul plus crédible qu’un autre. Tu avais le cœur qui s’emballait. Les mains tremblotantes. L’adrénaline montait. Quelle douce sensation qui t’envoutait ! Le moment était venu.

    Tu pris une grande inspiration. Tu te concentras. Une partie de toi était anxieuse et vérifia la bonne présence de ta baguette à ta ceinture. L’autre, elle, n’avait hâte que d’une chose. Que d’une seule et unique chose. Elle n’avait d’yeux que pour elle et la curiosité le savait bien. Elle guida le corps l’espace d’un instant. Elle prit le contrôle pour tirer le simple petit bout de tissus.

    Quand subitement, l’objet de convoitise se mit à bouger.

    Mouvement de recul immédiat. Ruban lâché. Le papier allait-il finalement se défaire par lui-même ? Mystère encore et toujours. Tu avais la main sur ta baguette. Tu observais la scène avec un cocktail d’émotion dans le cœur. Tu ne savais pas laquelle suivre. Tu ne savais point laquelle dominait. Elles parlaient toutes en même, mais finirent par se ranger du même avis en l’espace d’une seconde.

    En effet, des pattes venaient de sortir du paquet qui s’élança précipitamment dans une course effrénée à travers les couloirs. Pas le temps de rationaliser ce qui venait de se passer. Tu te lanças à sa poursuite. Tu n’arrivais plus à penser correctement. Trop d’éléments se mélangeant, tu en oublias tes sorts qui auraient permis de le stopper.

    Tu manquas quelquefois de te prendre un élève ou encore une porte qui s’ouvra à la dérobée. Comment arrivait-il à aller si vite ? À ce rythme, vous auriez pu faire le tour de l’école en moins de temps qu’il en faut pour le dire. Mais la chance semblait être de ton côté, lorsque dans un cul-de-sac tu arrivas à le coincer.

    Tu retins un petit cri de victoire. Optant pour une approche silencieuse. Les bras grands ouverts tel un gardien prêt à l’interception. Pas après pas tu t’approchas du paquet qui faisait des petits tours sur lui-même. Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? Le doute t’envahit et la curiosité n’était que plus grande. Plus qu’un mètre vous séparait. Un seul petit mètre.

    Il venait de se stopper net, comme s’il savait. Comme s’il se rendait. Ou alors préparait-il sa nouvelle fuite ? Tu ne lisais pas dans les pensées. Tu ne pourras pas le deviner. Tous tes sens étaient aux aguets. Tu te concentrais autant que tu le pouvais dans cette situation des plus improbables même dans un monde magique. Jamais tu n’avais vu dans les livres un animal-paquet de la sorte.

    Mais lorsque tu t’apprêtas à l’attraper, le fourbe se baissa pour passer entre tes jambes. Tu te retournas et courus de plus belle. Il ne fallait pas qu’il s’échappe. Tu te le répétais en boucle. C’était d’ailleurs surement pour cette raison qu’au détour d’un virage, tu t’élanças dans les airs pour tenter un plaquage, digne des matchs de ballon ovale.

    Tu sentis tes bras le toucher. Tu les refermas autour de lui. Et en l’espace d’une seconde, tu te retrouvas à l’eau. La chose toujours dans tes bras. Ses pattes pataugeant et se débâtant. La tête hors de l’eau, tu toussotas. De l’eau de mer venait de se glisser dans ton gosier. Une belle tasse un peu trop salée. Le soleil de plomb t’empêcha de voir au loin.

    Cependant, pas le temps de plisser les yeux que l’eau disparut laissant place à la forêt. Forêt sur le sol de laquelle tu venais de t’étaler. Sous l’impact, tu lâchas ton précieux qui s’échappa avant de disparaitre sous tes yeux laissant à sa place une chose blanche. Tu te donnas quelques minutes avant d’aller voir. Le temps de te remettre des événements récents.

    Tu crachas un peu d’eau sur l’herbe. Tu étais trempée. Petit sort informulé. L’eau dans le passé. Une main dans la poche, tu débouchonnas une potion avant de la boire. Tu ne pouvais pas te permettre de manquer de force dans ce lieu inconnu. Maintenant assise dans l’herbe, tu rembobinas les derniers moments. Cherchant une explication plausible.

    Cependant, la curiosité du début remontait à la surface. Elle passa du paquet envolé à cet objet blanc un peu plus loin. Elle était intense. Elle ne te quittera pas tant qu’elle n’aura pas atteint son but. Et ce dernier était juste en face de toi. A seulement quelques mètres. Une courte distance si simple à franchir surtout après ce que tu venais d’ingérer.

    Il suffisait de te lever et faire quelques pas. Seulement quelques pas dans cette forêt bien sombre. Quelques pas dans cette atmosphère un peu tendue. Juste quelques pas sous les regards pesant autour de toi. Quelques pas alors qu’on t’observait dans l’ombre et que tu le sentais. Simplement quelques pas, la curiosité qui te poussait s’envolera. C’était si simple.

    Tellement simple que tu finis par écouter la voix au fond de toi plutôt que ta raison qui te hurlait de te méfier. Tu te redressas. Une première enjambée. Puis une autre et encore une. Et en un rien de temps te voici là. Face à face avec l’objet convoité. Ou plutôt ce qui ressemblait à un œuf emballé tel ceux du lapin de paques moldu.

    Plusieurs détails te frappèrent. Le papier était le même que celui du paquet sur pattes. Drôle de coïncidence. Encore plus étrange. Le ruban était lui aussi le même. Comme si le paquet originel avait changé de forme. Tu te disais qu’avec la magie tout est possible, mais là tu commençais à douter de ta propre réalité.

    Tu vérifias alors rapidement la présence de ta baguette à ta ceinture. Le petit bâton de bois enchanté était bien à sa place. De même pour la multitude de breloques dans tes poches. Rien d’anormal en apparence. Alors pourquoi tout semblait si étrange, si abstrait et vrai à la fois ? Quelque chose clochait. Tu ne savais quoi.

    Tu pris l’œuf-paquet sous le bras puis tu fis quelques pas en suivant le soleil. Enfin, plutôt sa lumière vue la hauteur des arbres t’entourant. Il y avait un tu-ne-sais-quoi de familier. Ce regard posé dans l’ombre sur toi te transperça plusieurs fois durant ton trajet. Tu le connaissais. Tu connaissais cette sensation. Mais c’était comme si les souvenirs étaient inaccessibles. Impossible de mettre un nom dessus.

    Soudain au détour d’un buisson un peu trop grand, tu découvris une vieille maison. Une bâtisse décorée de lierre. La nature avait repris ces droits sur le lieu. Cela devait bien faire un bon bout de temps que personne ne devait habiter par ici. Et pour autant, tu avais irrésistible envie d’y faire un tour. Envie que tu ne saurais point expliquer.

    Alors, paquet dans les bras, te voici poussant la porte. Il y avait quelque chose. Comme une sensation de déjà-vu. Comme un retour dans les souvenirs. Comme si tu connaissais. Comme si tu savais au fond de toi. Maintenant, il te suffisait de l’accepter.

 

Presque un siècle en arrière

 

    -Maman, Papa, j’ai réussi, je l’ai fait

    La jeune femme venait de franchir le seuil de la maison en trombe. Un sourire figé avec fierté sur le visage. Elle devait avoir dans la vingtaine. Une allure athlétique et toujours sa fameuse veste en cuir sur les épaules. Ses cheveux étaient d’un roux caractéristique et totalement en bataille. Ses joues rouges. Elle avait dû courir pour venir ici.

    -Bien le bonjour chérie, d’où vient ce roux ? Renard alors ?

    La mère venait d’arriver dans le salon. Un air étonné et un sourire tout aussi grand. Elle était un peu interrogative et puis très curieuse surtout. Il faut dire que cela était un trait de caractère propre aux Periculam. Aussi bien la fille que la mère, mais aussi le père. Et en parlant du loup, en voici un qui arrive dans la pièce.

    Le magnifique mammifère au pelage d’un noir profond se changea en homme en un rien de temps. Il prit sa fille dans les bras. Puis il rejoignit vite le rang des curieux, murmurant quelque chose dans sa barbe. Sous le regard interrogateur des deux femmes de la maison, il finit par dire tout haut ce qu’il pensait tout bas.

    -Elle sent la proie et j’adore chasser l’écureuil…

    Il affichait un sourire carnassier qui fit frissonner sa fille. Pour ce qui est de son épouse, un bon coup de coude dans les cotes du blagueur. La lionne n’aimait pas quand il faisait peur à son bébé. Il faut dire qu’entre loup et lion l’ambiance était parfois électrique quand les personnalités animales se réveillaient.

    -Max, tu sais ce qu’il se passera si jamais tu poses un seul croc sur elle. Allez, Tic, montre-nous donc

    La jeune femme se changea en écureuil et fit quelques bonds dans la maison. Le reste de la journée se passa plutôt normalement. Quelques blagues douteuses. Une petite course à quatre pattes dans la forêt. Quelques frayeurs et des crocs un peu trop proches. Un animal ou deux a soigné après la balade. Puis un bon repas. Bref, journée des plus banales chez les Periculam.

 

              Retour au présent

 

    Une larme coula le long de ta joue. La mémoire venait de revenir d’un coup. Sans prévenir. Tu avais mal. Tu avais enterré ces souvenirs à la mort de tes parents. Et les voici remontants un par un. Aucun ordre précis. Pas de chronologie. Tout arrivait. Tu ne contrôlais plus rien.

    Tu tentas tout de même de rester forte, le temps de savoir si le lieu était sûr. Tu t’enfonças alors dans la maison en t’enfonçant dans cette vague des souvenirs. Ou plutôt valse des souvenirs. Tu dansais avec eux. Ils te guidaient dans cet antre du passé. Un vestige prit dans le temps que la nature reprend doucement.

    Tu décidas de monter directement à l’étage.

    Tu devais être sûre.

    Deuxième porte à gauche.

    Une évidence.

    Tu entras dans ce qui était autrefois ta chambre. Tu peinas un peu à reconnaitre avec les plantes qui ornaient les meubles. Tout était si beau et triste à la fois. Tu ne savais pas comment réagir. Ni quoi faire ou dire. Tu venais d’avoir la preuve que tu venais d’atterrir dans la maison de ton enfance.

    Tu visitas les autres pièces de l’étage. Prenant ton temps. Attrapant les souvenirs au vol. Gardant quelques objets dans tes poches pour mieux y repenser plus tard. Tu immortalisais ce moment dans ta mémoire. Tu te rendais compte de tout ce que tu avais loupé. De tout ce que tu aurais pu faire avec eux.

    Tu te laissas le temps.

    Tu pris ton temps.

    Tu venais d’ouvrir la porte du temps.

    Pas besoin de pensine ou retourneur de temps.

    Après un temps certain à l’étage, tu te décidas à descendre. Observant le salon. Un détail te frappa en premier lieu. Il y avait beaucoup moins de plantes et extrêmement peu de poussière comme si quelqu’un prenait soin de l’endroit. Il y avait aussi une bonne odeur dans l’air. Tu pouvais la différencier entre mille.

    Le gratin de légumes de Timon.

    Pas un regard de plus pour le salon, tu fonças dans la cuisine. Et ce que tu vis faillit te faire lâcher sur le sol l’œuf-paquet. Les larmes coulaient. Ton corps ne réagissait plus. Tous tes sentiments se mélangeaient. Tu ne réfléchissais plus. Tu ne savais plus quoi penser.

    -Bienvenue à la maison Tic, je vois que tu as bien reçu mon paquet.

    Timon, l’elfe de maison de la famille était devant toi. Malgré les rides et la canne, tu le reconnaitrais entre tous les elfes. Il était à la maison depuis qu’il était bébé et il portait toujours le pendentif d’une patte de loup que ton père lui avait offert. Il était entrain de servir ses convives tout en te parlant. Tu peinais à y croire.

    À la table, un loup assis sur une chaise d’ayant d’œil que pour le gratin végétarien. Il y avait aussi un veaudelune caché sous la table. Il avait surement eu peur en t’entendant arriver. Et sur la table, un petit boursoufflet couleur crépuscule et un botruc qui s’amusait à chaparder dans l’assiette du loup. Enfin, un peu en retrait, un dirico. Les liens commençaient à se faire dans ta tête.

    -Oh quel impoli je fais, excuse-moi je n’ai plus l’habitude. Je te présente Sherlock, il ne te mangera pas, ne t’en fais pas. Sous la table, c’est Watson. Les deux s’entendent extrêmement bien ils sont inséparables. Après nous avons Dylan que tu as déjà rencontré et qui ne maitrise toujours pas ses atterrissages. Enfin, les deux petits c’est Laurel et Hardy, je pense que tu devineras vite qui est qui. Pour t’expliquer rapidement, ce sont tous des orphelins que j’ai recueillis comme le faisait tes parents et comme le petit dans tes bras. Cependant, je commence à avoir du mal seul et l’argent laissé par Max et Mathilda arrive bientôt au bout. J’ai appris que les fantômes étaient redevenus humains dont une certaine Tic adorant les bêtes. Alors j’ai tout de suite su que c’était la Tic qui m’avait élevé et donc peut-être qu’elle pourrait nous aider… qu’en penses-tu ?

    Cela faisait beaucoup d’informations d’un coup. Tu lui dis qu’il te fallait un petit moment pour y penser. Tu réfléchissais aux solutions possibles. Il te faudra du temps pour les mettre en place. La plus simple serait de les prendre avec toi. Que diront-ils à l’école ? Tu devais choisir entre le cœur et la raison.

    Cependant ton cœur chavira quand toute la petite clique décida d’imiter le loup. Une armée de regard d’yeux de chat botté te fixa comme suppliant. Tu voyais en eux une famille. Celle de Timon et la tienne par extension. Toutes les émotions du voyage eurent donc raison de toi plus rapidement que prévu.

 

***

 

    Quelques jours plus tard, tu avais réaménagé ton bureau pour accueillir tout ce joli monde. Tu avais ajouté des coussins dans la chambre pour que chacun puisse dormir à son aise. La compagnie te faisait du bien. Cela changeait de tes élèves. C’était ta famille. Une famille de sans famille. La famille que l’on se créer est parfois plus forte que celle du sang.

    Et la tienne du sang était dans un cadre sur ton bureau. Ou plutôt deux cadres, l’un humain, l’autre animal. Ne jamais s’oublier ni oublier d’où l’on vient. Et en voyant la petite troupe étalée et surtout heureuse, tu nageais dans ce bonheur et dans les souvenirs. Bientôt de nouveau compléteront les anciens.

    Tu souris, la joie en toi.

    Tu ris, la joie autour de toi.

    Une nouvelle page venait de se tourner.

    Sous tes yeux, le mystérieux paquet venait de se fissurer.

Un bal à la Cendrillon

    La musique résonne. Elle est un peu forte pour toi. Tu as mis des bouchons d’oreille pour réduire le bruit. Cela te permet de profiter de la soirée. Heureusement, le soleil met du temps à se coucher en cette soirée de début d’été. Un bal avant les vacances.

 

    Tu danses. Tu t’amuses. Tu ris. Tu profites de tes amis. Dans ta belle robe aux couleurs de la nature, tu te sens bien. Tu te sens toi. Elle couvre ton cou ainsi que ton épaule et ton dos. Tes marques de griffures, ainsi, invisibles au public.

 

    Personne ne le sait. Enfin, seulement un professeur, la directrice et l’infirmière. Des amis de ta mère. Ils le savent pour pouvoir t’aider en cas de besoin. Ils sont là pour te protéger. Au début, tu n’aimais pas cette surveillance, mais, tu sais maintenant qu’elle est là pour ton bien et celui des autres.

 

    Tu danses alors pour oublier l’espace d’un instant les transformations. Pour oublier les changements. Oublier cette sensibilité. Tu danses pour être toi. Tu en es fière. Tu apprends à t’accepter entièrement.

 

    Le sourire sur tes lèvres. Tu aimes cela. Un moment d’innocence. Une adolescence presque normale. Mais pour toi, ce mot ne signifie pas grand-chose. Tu ne l’aimes pas trop à vrai dire. Tu aimes la bizarrerie et l’originalité. Tu aimes que les gens soient tels qu’ils sont sans se cacher.

 

    Tu brilles dans cette salle. Tes yeux brillent aussi. Doucement, tu commences à avoir chaud. « Non, pas maintenant », as-tu envie de dire. Tu sens les odeurs plus fortes. Les sons transpercent les bouchons. Les lumières commencent à te brûler les yeux. Tu cours alors.

 

    Un élan de conscience. Tu connais les symptômes. Tu connais le danger. Les cachots, trop loin pour aujourd’hui. La forêt, un refuge. Tu esquives les personnes. Tu t’excuses rapidement. Tu cherches à fuir. À te cacher. La liberté est de courte durée.

 

    Une fois à l’extérieur. Tu t’enfonces dans la forêt. Tu regardes la lune. Tu déposes ta robe sur le sol. Tu cris. La douleur. Ta peau brûle. Ton corps se tord. Tes sens te jouent des tours. Tu ne t’y habitueras jamais.

 

    Douleur.

    Brûlure.

    Craquement.

    Cacophonie.

    Odeurs.

    Aveuglement.

 

    Il est là. Il est réveillé. Il est maitre.

Telle mère, telle fille

    Assise sur une branche d’arbre, tu dessines. Tu te plais à contempler la nature autour de toi. Nature si fragile. Elle danse avec le vent. Tu le sens. Tu oublies le bruit des quelques élèves non loin dans le parc. Tu les oublies pour te concentrer sur celui des feuilles.

 

    Tu tends l’oreille. Tu prends une grande inspiration. Les odeurs viennent te chatouiller les narines. Tu fermes les yeux. Tu prends ton temps. Tu te détends. Tu tentes de les séparer pour mieux les analyser. Pour mieux en profiter.

 

    Tu sens les fleurs. Tu sens cette douce odeur de rosée. Tu aimes venir t’isoler sur ton arbre tôt le matin. Lorsque le soleil se lève. Personne ne te dit rien. Personne ne te l’interdit. Tu es libre de prendre ton envol. Libre de grimper sur ta branche.

 

    Tu profites de l’instant. Ce soir, nuit de pleine lune d’après ta mère. Tu devras demander à dormir dans le cachot. Tu n’aimes pas cela, mais tant que le loup n’est pas contrôlé, tu ne veux pas prendre de risques.

 

    Avec la méditation et la potion, tu es plus sereine. Tu contrôles tes colères et tes émotions. Ou du moins, tu tentes de le faire. Mais, parfois, quand les injustices sont trop grandes. Le loup se glisse pour accentuer le tout.

 

    En y repensant, tu prends une nouvelle inspiration. Il faut encore travailler. Tu le sais. Il faudra du temps et de la patience. Mais un jour, tu le sais, tu y arriveras. Tu en as l’espoir. Tu serres dans ta main, le pendentif de maman. Oui, il y a de l’espoir.

 

    Au même instant, un son vient à tes oreilles. Tu te concentres sur lui. Il se rapproche. Tu tentes de deviner son odeur. Il va vite. Tu n’as pas le temps. Il est déjà là. Sur ton épaule, collant son petit museau sur ta joue.

 

    Tu ouvres les yeux. Zip. Tu l’as nommé ainsi en souvenir de l’ami roux de maman. Il vient tous les matins te tenir compagnie. Il t’a comme adoptée. Parfois, il prend la pose pour que tu le dessines. D’autres fois, il se contente de se poser contre toi. Il n’a pas peur. Il n’a pas l’air de savoir. Ou peut-être qu’il sait. Mais il est là.

 

    Ton amitié avec ce petit est forte. Tu te demandes si quand tu quitteras l’école pour les vacances, il sera toujours là au retour. Tu te sens triste à l’avance de le laisser ici. Il a surement sa vie parmi les arbres.

 

    En attendant, tu profites de cet instant paisible. Cet instant dans ton arbre loin de tes angoisses.

Prise de conscience de soi

    La méditation. Cela fait quelques mois que maman t’initie à cela. Tu ne sais toujours pas si cela est utile. Restée assise, les yeux fermés. Tu repenses aux événements. Tu tentes de te souvenir de tes nuits. Mais tu ne te souviens que de la douleur. Tu ne te souviens que de l’odeur du sang.

 

    Tu ouvres rapidement les yeux à chaque fois. Tu ne fais que revivre des moments que tu souhaites oublier. Tu ne comprends pas en quoi cela est censé t’aider. Mais tu écoutes ta maman. Tu fermes de nouveau tes mirettes.

 

    Tu sens de nouveau la douleur. Les images sont floues. Les sons se bousculent. Les odeurs s’emmêlent. Tu entends le souffle de maman. Tu sens son odeur près de toi. Tu te souviens de celle de son sang. Un souvenir bien précis. Déjà deux ans et les images toujours aussi nettes.

 

    D’après maman, la médiation doit t’aider à te comprendre et à te maîtriser. C’est censé être aussi le cas de la potion que tu prends. Mais rien n’y fait. Il est toujours là. Il grandit en même temps que toi. Il est au fond de toi.

 

    Tu ne vois pas l’intérêt de tout cela. Tu te lèves. Tu la regardes avant de partir d’un coup. De l’air. Il te faut de l’air. Tu n’en peux plus. Cela ne sert à rien. Personne ne peut rien. Et de la médiation ne changera rien à ta condition. Dans quelques nuits, tu te transformeras de nouveau. C’est un fait.

 

    Tu sens une main attraper la tienne. Tu te dégages vivement. Tu te retournes. Lui faire face. Tu vois le regard de ta mère sur toi. Il est plein de pitié. Elle ne fait cela que pour elle. Elle a peur de toi. Tiens-lui tête. Dis-lui…

 

    – Tout cela est inutile. Je suis qu’un monstre. Même toi tu as peur de moi. Tu m’enfermes les nuits de transformation. Tu n’es plus la même. Tu ne me regardes plus pareil. La méditation, les potions, rien ne change. Il est là. Il sera toujours là. Personne n’y peut rien. Personne. Personne !

 

    Tu as crié ce dernier mot. Il est sorti avec une telle force. Tu ne sais pas ce qui t’a pris. Tu ne maîtrises pas. Tu ne maîtrises rien. Tu entends cette voix dans ta tête tambouriner. Tu l’entends continuer. Elle ressasse les choses. Elle…

 

    Des bras.

    De simples bras.

    Un simple câlin.

    Un doux câlin.

 

    – Maman… Je suis…

    – Ne t’en fais pas ma chérie, je le sais. Je suis là pour toi…

 

    Elle est douce. Calme. Aucune colère en elle. Cela t’apaise. Elle t’apaise. Comme elle le faisait quand tu étais petite et que tu faisais des cauchemars. Elle est là tout simplement. Tu sais qu’elle le sera toujours. Tu n’es pas seule pour tout surmonter. Vous êtes deux.

Prise de conscience du loup

    Des images floues. Des actions incontrôlées. Il est là. Il est maître.

 

    La cabane n’avait pas résisté cette fois-ci. Ou plutôt la porte avait mal été fermée.

 

    Il est libre. Il sent le vent dans son pelage. Le voici qui s’approche du chalet. Il s’avance. Il suit l’odeur. Il s’acharne pour entrer. Sans succès. Il tente encore et encore. Rien n’y fait.

 

    Il contourne le lieu. Il essaye diverses entrées. Rien. Puis une odeur vient à ses narines. Une douce odeur. Il se lèche les babines. Il suit le doux parfum humain. Parfum mêlé à une touche animale. Il le traque.

 

    Il renifle l’odeur. Il avance pour la rejoindre. La faim monte en lui. Elle se fait de plus en plus forte. Elle augmente au fur et à mesure qu’il se rapproche de son futur repas. Il le sent. Il n’est plus très loin.

 

    Au détour d’un arbre, un bipède. Il se lèche de nouveau les babines. Il prend quelques secondes pour trouver ses appuis. De courtes secondes avant de sauter sur sa proie. La faisant tomber à la renverse.

 

    Elle le repousse. Réussi à se relever non sans mal. Oh douce odeur du sang. Elle vient lui chatouiller les sinus. Elle lui ouvre encore plus l’appétit. Juste un croc. Un seul petit croc. Il a tellement faim.

 

    Un bruit à ses oreilles. Suit un sifflement. Tu n’es pas totalement en retrait. Tu peux reconnaître la voix de maman. Malgré les sons qui t’attaquent, tu reconnais sa voix. Ne pas attaquer, tel est-ce que tu te répètes à l’intérieur. Tu n’as pas d’emprise. Tu ne peux rien faire. Tu cris d’arrêter, de changer de direction.

 

    Un instant de conscience avant de retourner à l’arrière-plan. L’animal part en courant. Il fonce au travers des arbres. Il les esquive rapidement. Il s’enfonce dans la forêt. Il s’éloigne…

 

    Au matin, maman t’a retrouvé loin du chalet. Elle a ramené ton petit corps épuisé à la maison. Tu as dormi deux jours de suite. Mais maman est toujours là. Des petites griffures dans le dos, mais bien vivante. Tu lui dis alors à ton réveil que tu feras ton possible pour le contrôler… Un espoir. Une lumière au milieu de la nuit.

Petite Plume (partie 3)

    Tu l’imagines un peu plus. Tu sens qu’un petit quelque chose est né. Ce rêve dernier ne t’a pas laissée indifférente. Tu te plais dans les images. Tu aimes raconter. Seulement deux et te voilà mordue. Déjà à l’école, tu étais la conteuse. Aujourd’hui te voici tisseuse.

 

    Le messager a un peu de retard. Tu espères que rien n’est arrivé à la jeune rêveuse. Tu ne sais pas qui elle est. Mais tu l’imagines jeune femme. Un pressentiment. Une intuition. Tu ne sais pas trop. Les anciens tisseurs n’ont pas pu le savoir. Tu n’as pas d’indices.

 

    En pensant aux indices, tu perds à tenter de deviner ceux du jour. Un nouveau casse-tête. Tu ne sais pas sur quel pied danser. Tu ne sais pas si cela a pu lui plaire. Et alors que tu commences à douter, arrive le messager, comme pour te signifier d’arrêter de t’auto dévaloriser.

 

    Une grande inspiration. Un jour tu t’y habitueras peut-être. Devant le grand livre, tu te tiens. Les mots se dessinent. Une photographie en noir et blanc. Le bruit de la pluie. Un cœur brisé. Et dans un coin, tu remarques que l’image de Max revient. La même image que la rêveuse avait dessiné dans son esprit la nuit passée. La même personne que tu avais évoquée. Tu ne sais pas vraiment comment le prendre. Ni quoi en faire. Tu te dis que peut-être, il y avait des éléments de la fois passée à reprendre…

 

Rêve troisième : « Une goutte d’encre »

Éléments : Photographie en noir et blanc, Bruit de la pluie, Un cœur brisé, Max

 

    Marcher. Toujours. Encore. Dans les rues. Dans les prés. Dans la ville. Dans les champs. Une forêt. De buildings ou d’arbres. De la vie, des animaux ou d’autres hommes. Cherchant sa voie, elle s’aventure et marche. Zigzagant dans le dédale de la vie. Cherchant une sortie, elle se perd et oubli. Parfois se rappelle, relève la tête et sourit. Une petite touche de gris

 

    Au-dessus d’elle toujours le même ciel gris. Une teinte sans pareil qui s’assombrit quand les jours se ternissent, quand la vie ne fait pas de cadeau. Une teinte s’éveille, tirant sur le plus clair dans les moments plus doux, ceux qui acceptent le repos. Un nuancier au-dessus, un nuancier dans les rues. Les diverses teintes se mêlent et s’enchaînent. Une certaine harmonie dans ce monde gris.

 

    Pas de noir. Pas de blanc. Pas d’extrême. Dans les nuances et dans les âmes. Rien de plus. Rien de moins. Un monde où on pense à chacun. Dans le gris une certaine égalité. Une certaine beauté ensorcelle. Elle enchante notre dame. Elle s’avance. Pas à pas. À coups d’idées et de rêves. Les pieds sur le trottoir gris, elle s’éloigne, part retrouver ses amis. Mais le ciel est gris.

 

    Au détour de la rue, un parc. Elle s’y aventure. Elle aime observer les oiseaux argentés. Dessiner des ronds dans l’eau plus pastel que le ciel. S’allonger dans l’herbe au gris vif comparé à celui de la terre plus neutre et sombre. Elle joue avec l’ombre. Se cachant tel un enfant. Des nuages foncés couvrant la voûte au-dessus de sa tête. L’innocence la prenant. Elle ne fait pas attention que sur le sol s’écrasent des gouttes de gris.

 

    Une à une. Elles tombent. Une à une. Elles touchent l’ombre. Une teinte plus sombre sur le parc. Un voile plus terne sur les âmes. Vivre un monde de gris, les humeurs au rythme de la vie. Une météo impactant plus que raison. Certaines saisons éclaircissant la nature. D’autres ternissant les peintures. Quand on se plait à imaginer un monde moins uniforme. Un peu de pluie nous rappelle que la vie n’est faite que de gris.

 

    Et pourtant, la dame sourit. Son âme claire brille dans sa lumière. Elle entrevoit le rayon de soleil. Oubliant ses amis l’espace d’un instant. Elle marche en souriant. Avançant vers ce point. Ce jet de lumière qui semble lui pointer un but. Un seul but. Elle accélère le pas. Peur que la lumière s’éteigne. Elle commence doucement à disparaître. Laissant place au sombre gris.

 

    Arrêt. Déception. Trop d’espoir. Tête baissée. Laisser la pluie tomber. Elle qui pensait que cela pouvait changer. Une simple lumière pour un rêve maintenant éteint. Elle traîne des pieds. Ne sachant où elle est. Elle se perd. S’oublie. Marche sans savoir où aller. Tout se ressemble. Tout lui semble identique. Les nuances se mêlent. Bienvenue dans le monde gris.

 

    Soudain sous ses yeux, une rose. Un gris sombre. Regard dans le regard opposé. Un individu au costume original. Elle ne l’a jamais rencontrée. Elle en est sûre. Elle n’arrive pas à le décrire. Quelque chose en lui semble irréel. Elle ne connait pas cette nuance. Elle hésite à prendre la grise fleur. La personne face à elle à ce quelque chose à elle se dégageant. Elle tend alors la main. Et soudain, la fleur prit la même teinte que le nœud papillon du costume. Mais quel est ce gris ?

 

    Elle ne comprend pas. Mais ne peut lâcher la fleur. La transformation s’opère. Elle s’émerveille devant une telle beauté. Une nouvelle teinte pour compléter le nuancier. Elle ne sait pas ce qui se passe. L’individu lui tend alors la main. Elle n’hésite pas. Elle veut en savoir plus. Elle l’attrape. Il l’entraîne à sa suite. Courant un peu puis se retournant. Levant les bras. Lui montrant la rue aux teintes modifiées. Lui murmurant un simple mot à l’oreille. Couleurs.

 

    Couleurs. Elle le répète. Sans savoir ce qu’elle dit. La personne qui n’est autre que Max lui apprend alors. Elle lui montre. Et ensemble, ces personnes s’amusent à recolorer le monde à l’aide de pinceaux imaginaires. Notre dame redécouvre la vie. Se demande si cela existait depuis tout ce temps. Pourquoi elle ne l’avait pas vu avant ? Devant elle dansent les couleurs.

 

    Elle rit. Le monde se colore. Du rouge. De l’oranger. Du pourpre. Des couleurs chaudes. Du bleu. Du vert. Du mauve. Des couleurs froides. Celles de la nature. Celles de la ville. Celles tristes et celles qui donnent envie de sourire. Certaines aimées d’autres moins. Des mélanges infinis. Une ronde. Autour d’elle, change le monde. Il s’anime. La vie par les couleurs.

 

    Elle a encore tant de choses à apprendre. Tant de choses à voir. Un nouveau rêve se dessine loin du gris. Il joue avec les couleurs. Ce nouveau mot regroupant tellement de possibilités. Dans un monde où il n’y avait qu’un seul nuancier. Maintenant, elle le voit dans son entièreté. Elle marche sans se perdre. Chacun est unique sans tout ce gris qui les rend si semblables. Elle qui se cachait dans son gris. Elle vit aujourd’hui dans la couleur.

 

    Elle tourne sur elle-même. Perdue dans ses pensées. Rattrapée de justesse par le messager coloré. Celui qui lui a montré. Celui qui a fait valser le filtre gris de son âme. Elle le voit lever les yeux vers le ciel. Elle fait de même. Et, au-dessus de leurs têtes, les nuages s’écartent. Ils laissent place à une illusion de la nature. Un brin de poésie. Un soupçon de magie. Car dans le ciel. S’élève un arc-en-ciel. 

 

Réveil.

 

Chute dans un autre Univers

    – Scène 2, prise 3

 

    Quelques mots. Bientôt la fin de tournage. C’était l’avant-dernière scène. La suivante sera pour moi. La dernière cascade avant les vacances. Même si pour moi, travail et vacances se mêlaient. Surtout depuis que je travaillais comme doublure au cinéma. Un acteur qui trouvait une scène trop dangereuse, c’était pour moi. Une vraie partie de plaisir. Un goût du risque jamais rassasié qui m’avait poussée à choisir ce métier.

   

    Cependant quelques fois c’était devant les blouses blanches qu’il me conduisait. J’étais même devenue amie avec certaines personnes du service à force de leur rendre visite après le boulot. Et entre les cascades et les sports extrêmes, ils me voyaient souvent, un peu trop au point qu’ils m’avaient proposé de loger à l’hôpital. Proposition que je déclinais bien sûr en leur disant que je ferais plus attention la prochaine fois.  

 

    Mais cette fois-ci, lorsque j’avais vu le scénario. Je n’avais pas hésité une seconde. Un film qui promettait d’être grandiose. J’entraînais l’actrice que je doublais aux arts martiaux tandis que je m’attelais aux scènes classées à risque.

 

    – K. c’est à toi. Clôture-nous ce film en beauté, cria une personne qui se trouvait en bas.

 

    Je souris au cameraman qui m’avait accompagné, mais aussi à l’actrice que je remplaçais qui se tenait à ses côtés. Je mis mon casque et fermai ma veste en cuir fétiche qui ressemblait à deux gouttes d’eau à celle du personnage que j’incarnais. Un coup de chance. Le lecteur dans la poche. La musique se déclencha. J’étais prête. J’étais dans mon rôle.

 

    Je rejouais une dernière fois la cascade dans ma tête. Aller en un coup je pouvais le faire.

 

    – Scène 3, prise 1

    Et

    Action

 

    C’était le top départ. Un clin d’œil à la caméra. Je me retournais et courus bras devant la tête sur la vitre devant moi. Elle se brisa instantanément. Me voici dans le vide. Libre avec ma musique. Un court instant de répit. Je ne pensais plus. Je profitais.

 

    Impact dans Trois. Deux…

    Vide.

    Drôle de sensation.

    Mal de crâne.

    Nausée.

    Lumière.

    Noir.

 

    Doucement je me réveillais. Bougeant le bout des doigts un peu engourdis. Les paupières lourdes. Une tête à taper contre les murs. Je repensais à ce qui avait bien pu se passer avant que je m’endorme. Les symptômes d’une soirée trop alcoolisée, mais je ne buvais plus. Enfin pas depuis que je travaillais.

 

    Le travail. La dernière cascade. Des souvenirs. La chute avait dû être rude. Mais la prise sûrement bonne.

 

    J’ouvris les yeux, tandis qu’une voix vint à mes oreilles. Je ne reconnaissais point l’infirmier. Mais qui ? Oublions-le qui. Mais pourquoi ? Où étaient les autres ? Avaient-ils pris un nouveau sans me prévenir ? J’étais un peu déçue. La tête encore un peu dans le brouillard je pris tout de même la parole.

 

    Enfin, c’était ce que je voulais faire avant que les dernières paroles du jeune homme ne m’arrivent aux oreilles. Qui je deviendrais ? La question que j’aurais voulu lui poser se changea alors en réponse.

 

    – Celle qu’on me laissera devenir. La question à poser serait plutôt qui voulez-vous être ?

 

    Je marquais une courte pause attendant une quelconque réaction du soignant avant de reprendre.

 

    – Et vous mon cher, qui voulez-vous être ?

 

    Une nouvelle attente. Plus brève. De nouveaux mots qui se glissent et s’envolent.

 

    – Cette chute m’en ferait presque oublier mes bonnes manières. Je me nomme Mathilda. Mais appelez-moi M.K. comme les autres du service. Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis solide c’était qu’une petite chute je m’en remettrais vite. D’ailleurs regardez je me sens déjà beaucoup mieux.

 

    Joignant le geste à la parole. Je me redressais. Soudain je sentis mon corps partir un instant avant de revenir. Une sensation de nausée. Une réaction plus violente que prévu.

 

    – Ou peut-être pas, murmurais je pour moi.