Orpheline, depuis le plus jeune âge, j’appris à me débrouiller par moi-même. À apprendre de mes erreurs. Petite fille aux formes peu présentes. C’était en habits de garçon que j’avais réussi à monter à bord du « Jane Doe ». Un navire pirate qui sillonnait les mers à la recherche de trésors de toutes sortes. Un vaisseau d’hommes aux multiples talents. Dans la soute, je m’étais cachée. Un seul but en tête : fuir l’orphelinat. Si l’on pouvait appeler ce lieu d’exploitation, un orphelinat. J’avais échappé de justesse au gardien puis j’avais couru jusqu’au port.
La chance avec moi, un bateau était à quai. Déjouant la surveillance du mousse endormi, je m’étais faufilée. Ne sachant pas ce qui pouvait m’attendre lorsque je serais découverte. Je tentais de me camoufler au mieux. Un garçon manqué de dix années à peine sur un navire pirate. Une belle blague à laquelle je préférais ne pas penser. Je pouvais les entendre s’agiter sur le pont. Je sentais que l’on bougeait doucement. J’avais enfin réussi. Mais le voyage venait seulement de commencer. J’allais devoir être prudente si je ne voulais pas que…
Trop tard, en boule dans mon coin, déconcentrée par un bruit, je n’avais pas fait attention qu’une personne dans la zone des provisions était entrée. Par le col, on me redressa avant de me décoller du sol en m’attrapant par la taille. J’essayais de me débattre sans succès. Le capitaine appelé, je savais que mon chemin était maintenant terminé. La liberté fut de courte durée. Lancée sur le sol. Je ne bougeais plus, attendant simplement mon châtiment. La planche ou la plonge ? Des pas. Tête baissée. Assise. Ma fuite avait-elle vraiment valu le coup ?
***
Dix ans plus tard, je sillonnais les mers. Artificière, mécanicienne, pirate, jambe de métal, lame d’acier, fille de la capitaine, j’avais hérité de bien des surnoms en dix années. Je m’étais fait un nom au sein du petit groupe de pirates. Passant mes journées à réparer des armes à feu ou les canons, à les améliorer avec les moyens à disposition. J’essayais aussi à m’habituer comme je le pouvais à la perte de ma jambe.
Un coup de canon. Une bombe. De lourdes pertes dans nos rangs. Mais une victoire au bout du compte non sans y laisser quelques plumes. J’y avais perdu une jambe, mais aussi des amis. Des membres de ma famille des mers. Cependant, cela ne nous fit pas baisser les bras pour autant. Nos têtes mises à prix sur les continents. Nous voguions au grès du vent suivant l’odeur des trésors. Capitaine toujours à la barre. Elle était comme une mère pour moi.
Une mère poursuivit par la couronne. Je ne connaissais pas les raisons exactes. Personne n’avait jamais voulu m’en parler. Enfin si. J’avais une solution pour découvrir la vérité. Battre la capitaine en duel. Alors je m’étais entraînée, tout en réparant et améliorant les machines, armes et autres jambes de métal.
Ce jour-là, j’avais décidé de tenter de nouveau ma chance. Cependant, le sort en avait décidé autrement. Alors que le duel venait de commencer, un bateau de corsaires fit son apparition. En peu de temps nous avions été vaincus. L’équipage réduit de moitié était maintenant enfermé dans la soute du « Queen Mary ». La capitaine était trop blessée pour qu’ils prennent la peine de l’emmener. La laissant sombrer avec son navire pour reprendre leurs mots. De mon côté, les liens me serraient les poignets, me les brûlant à chaque fois que je tentais de m’en défaire. Il y avait bien une petite lueur d’espoir. Espoir d’attraper de nouveau cette liberté dont on venait d’être privé. Mais nous ne pouvions pas agir pour l’heure. Il fallait attendre que les gardes ne soient plus devant nous.
Les corsaires étaient fiers. Ils étaient descendus. « Ravitaillement » sur la première île venue.
Une fois la nuit tombée, je décrochais un petit outil de ma jambe. Puis j’entrepris l’ouverture de la cellule, les deux mains toujours liées sans me rappeler sur le coup que j’avais soigneusement rangé une lame dans cette même jambe en cas de problèmes. Je n’avais pas la seule à mal avoir été fouillée. Un de mes amis sortit une dague puis alla détacher tout le monde.
Après quelques courts instants, nous étions libres. Certains étaient allés vers la réserve tandis que d’autres prenaient la fuite. J’avais opté pour la première option dans le but de trouver mes outils. Je les avais vus les prendre quand ils avaient pillé notre navire. Je trouvais rapidement le lourd et grand sac caché dans un coin.
Une fois sur l’épaule, la sortie s’annonça plus difficile que prévu. Les gardiens étaient de retour armes à la main. Premier avertissement. Premier tir dans la jambe. Mauvaise pioche. Un sourire aux lèvres. Sabre attrapé au vol, je fendis les airs puis un des membres de mon adversaire. La lame rougit. Petit groupe se faufilant esquivant les coups. Soudain une faille. Poussée par mon ami. Un regard entendu. Je rangeai mon arme et courus. Courir à en perdre haleine.
Une course boiteuse. Direction la passerelle. Direction la forêt. Repli obligatoire. Des balles dans ma direction. Touchée par certaines. Ralentie par les blessures. Ralentie par ce sac de matériel un peu trop lourd.
Dans la nature je m’enfonçais. Suivant la voix en moi ou dans les airs. Comme guidée. Comme si une voix m’appelait. Je me sentais attirée. Oubliant la douleur. Oubliant la peur. Oubliant les agresseurs. Je marchais. Pas mécanique. Forces m’abandonnant petit à petit. Soudain, face à moi une silhouette m’arrêtant. Je m’évanouis. Où avais-je encore atterri ?
***
Vingt troisième anniversaires en approche. Clic clac. Je rentrais chez moi. Une longue matinée venait de passer. Beaucoup de réparations. De tous les côtés. En trois ans je m’étais fait une place dans ce village. Dans la forêt perdue. Je sortais rarement. Les seules fois où j’avais essayé, je m’étais perdue dans la nature. Sans pouvoir retrouver mon chemin. Même en allant toujours tout droit, je revenais toujours à mon point de départ. J’avais depuis lors abandonné l’idée de fuir.
L’on m’avait offert l’opportunité de faire mes preuves. Reprenant l’atelier et cabane d’un ancien artisan qui était parti. Un mini paradis quelque peu poussiéreux. Mais le matériel présent était impressionnant de par sa diversité. À celui existant, j’ajoutais le mien. Travaillant chaque jour à m’améliorer. À améliorer ma jambe et ma prothèse à l’épaule. La balle logée en celle-ci ayant affecté son fonctionnement.
La fille de métal, voici mon doux surnom dans ces lieux au cœur de la nature. Pour des autochtones à l’égard de la civilisation depuis des générations. Ils avaient des connaissances très pointues sur différents domaines. Certains se disaient éclairés par les arbres et oiseaux dans leurs travaux. Pour ma part, je ne savais pas comment voir cette forêt. Comme une entité éprise d’une vie ou sans celle-ci. Qui ? Quoi ? Quel était le mystère autour de cette île ? Le découvrirai-je un jour ?
Pour l’heure, je somnolais dans un hamac au centre de l’atelier. Atelier que j’avais arrangé à ma façon. Mon petit chez moi. Il n’était pas très grand, mais assez fonctionnel dans son bazar. Tout à coup une voix, mon prénom. Je fus alors réveillée en sursaut. Je faillis même en tomber. En perdre l’équilibre. Je descends de mon perchoir pour rejoindre la voix. Le chef du village me demande de me préparer. J’allais participer au ravitaillement. L’occasion pour moi de « trouver » quelques matériaux et outils. On ne se refaisait pas.
Retournant rapidement à l’atelier, je cherchais de quoi me préparer. Des habits un peu moins abîmés pour passer un peu plus inaperçus. Ne sachant pas si les membres du « JaneDoe » étaient toujours recherchés. Je devais me fondre dans la masse. Devant mon bout de glace, j’ajustais mon chapeau de corsaire. Peu volumineux. J’incrémentais ma tenue avec un foulard autour du cou. Assez grand pour pouvoir le relever sur mon visage. Mes formes camouflées par des vêtements un peu trop larges, non cintrés. Une chemise blanche, une veste, celle que je portais sous le commandement de la capitaine, un pantalon. Grande ceinture pour y accrocher mes armes. Des hautes bottes, jambe de métal maintenant invisible.
L’heure du départ. Il ne fallait pas que le guide parte sans moi. J’étais incapable de me retrouver dans cette nature. Je ne comprenais en rien la structure de cette île, comme si elle bougeait, elle parlait, elle vivait. Sac sur l’épaule je suivais le petit groupe. Droite, puis gauche. Le chemin semblait des plus simples. Semblait simplement. Même en pensant le reproduire, je n’étais point capable de revenir.
La ville devant nous. Maintenant, l’heure de se séparer. Quelques petites heures hors de la forêt. À la tombée de la nuit, nous nous retrouverons à la taverne. Mon but en attendant ? Trouver de quoi remplir un peu plus mon « atelier », mais aussi de quoi réparer divers objets.
L’artisan de la petite ville commençait à me connaitre. Il n’avait pas grande clientèle ces derniers temps. Il parlait des navires qui fuyaient, de la couronne qui nous abandonnait. Je le laissais parler sans vraiment l’écouter. Pièces sur la table. Outils et matériaux dans mon sac. La conversation laissant place à la négociation. Il était dur en affaire. Mais je réussis à avoir un bon prix.
Négociant principalement pour la forme. Puis sortant en bousculant quelques rares nobles marchant dans les rues. Marchant vers un but. Comme s’il y avait un rassemblement. Je n’y prêtais pas plus attention que cela. Voulant profiter de ce court passage en ville pour boire un coup comme autrefois.
Vers la taverne, je me dirigeais. Baissant légèrement mon chapeau. Ajustant mon col et mon foulard. Même si les corsaires et autres voyageurs étaient de moins en moins présents, ils étaient toujours quelques rares à s’échouer par ici. Tenant à ma liberté, je préférais rester un minimum cachée.
Je m’installais au bar. Un clin d’œil à la serveuse. Une boisson apportée avec le sourire. Je commençais alors à flirter avec elle. Lui contant les histoires des mers.
En quelques mots :
Minacy Kayla alias Mike est une jeune femme de 23 ans rêvant d’aventure et de liberté. Au look androgyne, cette ex-pirate s’est longtemps entraînée sur le pont d’un navire nommé le « JaneDoe » préférant les armes blanches aux armes à feu. Cependant, durant une des attaques, la brune aux yeux émeraude perdit sa jambe gauche qu’elle remplaça par un membre mécanique de sa création. Pleine de ressources et aimant bouger, cela fut compliqué pour elle lorsqu’elle fut touchée par balle à l’épaule et qu’elle apprit qu’elle ne pourra plus l’utiliser au maximum de ses capacités. Elle se bricola alors un mécanisme avec les moyens du bord pour alléger cette épaule qui est toujours douloureuse. Elle aime jouer, se faire passer pour un homme. Son physique androgyne facilitant l’illusion. Mike est alors né.