« Gentil n’a qu’un œil, moi j’en ai deux »

    Tu es gentil. Parfois un peu trop. Tu aides. Tu positives. Tu écoutes. Tu donnerais ta chemise à autrui. Et quand on demande aux autres, de te décrire le seul mot qui leur vient est « gentil ». Mais es-tu vraiment cette personne naïve que semblent décrire ceux qui te rencontrent ?

 

    Certes, tu vois le positif en tout et en tout le monde. Tu es plus à même de lister les qualités d’une personne que ses défauts. Défauts que tu ne mentionnes que très rarement. Tu vois la vie du bon côté un peu à l’instar d’un Baloo. Cela fait-il de toi un trop gentil pour autant ?

 

    Il est vrai que quand tu vois une personne en difficulté, tu lui rends service. Ou du moins, tu essayes. Si un ami appelle pour parler de ses soucis, tu l’écouteras même si le moment n’est pas des plus pratiques. Tu aimes apporter ton aide sans rien attendre en retour. Est-ce que cela est-il « être trop gentil » ?

 

    Tu ne te plains que rarement. Tu encourages ceux qui t’entourent. Tu ne critiques que peu. Tu félicites. Tu es de ceux qui préfèrent faire des compliments plutôt que d’enfoncer à coup d’ondes négatives. Mais, ne parler que de positif fait-il de nous une personne trop gentille ?

 

    À entendre les autres, tu es une personne qui ne ressent ni la tristesse, ni la colère, ni la peine ou encore la rage ou la haine. Tu serais selon eux d’un calme olympien, toujours à sourire, et se réjouir d’un rien, mais aussi la personne à appeler en cas de besoin. Montrer une facette de soi est-il être trop gentil ?

 

    Et si les autres te regardaient avec leurs deux yeux, ils te verraient peut-être réellement. Au lieu de se focaliser sur les choses qui les arrangent, s’ils essayaient de percer l’illusion. S’ils faisaient un petit effort, ils remarqueraient surement que tout n’est pas noir ou blanc. Le demi-regard des autres fait-il de soi une personne trop gentille ?

 

    D’un œil ils ne voient que ce dont ils veulent voir, le plus simple, ce qui les arrange, ce dont ils ont besoin pour eux-mêmes. Ils oublient que les autres sont aussi entier qu’eux. Ils ignorent la part négative que peut avoir la personne la plus optimiste. Et quand ils ouvrent enfin le second œil, es-tu toujours trop gentil ?

 

    Certains ne regardent alors que du second œil. Ils ne voient que tes défauts, que la facette que tu caches. Ils oublient le reste. Du blanc tu passes au noir à leurs yeux qui ne peuvent s’ouvrir qu’un par un. Leur vision manichéenne te pousse à te cacher encore plus. La gentillesse est-elle juste un masque ?

 

    D’autres arrivent à observer des deux yeux. À voir le blanc et le noir. Ils regardent l’ensemble et non la partie qui les arrange. Ils n’oublient rien. Ils relativisent. Et parfois même ils cherchent à comprendre ou à analyser. Être trop gentil finalement n’est-il pas juste être vu par un seul œil ?

 

    Peut-être, cela dépend de nous et des autres.

    Tu es qui tu es.

    C’est aux autres de le voir en ouvrant leurs deux yeux.

    Mais à toi aussi de faire de même pour ne pas tomber dans le monde des illusions.

Chute dans un autre Univers

    – Scène 2, prise 3

 

    Quelques mots. Bientôt la fin de tournage. C’était l’avant-dernière scène. La suivante sera pour moi. La dernière cascade avant les vacances. Même si pour moi, travail et vacances se mêlaient. Surtout depuis que je travaillais comme doublure au cinéma. Un acteur qui trouvait une scène trop dangereuse, c’était pour moi. Une vraie partie de plaisir. Un goût du risque jamais rassasié qui m’avait poussée à choisir ce métier.

   

    Cependant quelques fois c’était devant les blouses blanches qu’il me conduisait. J’étais même devenue amie avec certaines personnes du service à force de leur rendre visite après le boulot. Et entre les cascades et les sports extrêmes, ils me voyaient souvent, un peu trop au point qu’ils m’avaient proposé de loger à l’hôpital. Proposition que je déclinais bien sûr en leur disant que je ferais plus attention la prochaine fois.  

 

    Mais cette fois-ci, lorsque j’avais vu le scénario. Je n’avais pas hésité une seconde. Un film qui promettait d’être grandiose. J’entraînais l’actrice que je doublais aux arts martiaux tandis que je m’attelais aux scènes classées à risque.

 

    – K. c’est à toi. Clôture-nous ce film en beauté, cria une personne qui se trouvait en bas.

 

    Je souris au cameraman qui m’avait accompagné, mais aussi à l’actrice que je remplaçais qui se tenait à ses côtés. Je mis mon casque et fermai ma veste en cuir fétiche qui ressemblait à deux gouttes d’eau à celle du personnage que j’incarnais. Un coup de chance. Le lecteur dans la poche. La musique se déclencha. J’étais prête. J’étais dans mon rôle.

 

    Je rejouais une dernière fois la cascade dans ma tête. Aller en un coup je pouvais le faire.

 

    – Scène 3, prise 1

    Et

    Action

 

    C’était le top départ. Un clin d’œil à la caméra. Je me retournais et courus bras devant la tête sur la vitre devant moi. Elle se brisa instantanément. Me voici dans le vide. Libre avec ma musique. Un court instant de répit. Je ne pensais plus. Je profitais.

 

    Impact dans Trois. Deux…

    Vide.

    Drôle de sensation.

    Mal de crâne.

    Nausée.

    Lumière.

    Noir.

 

    Doucement je me réveillais. Bougeant le bout des doigts un peu engourdis. Les paupières lourdes. Une tête à taper contre les murs. Je repensais à ce qui avait bien pu se passer avant que je m’endorme. Les symptômes d’une soirée trop alcoolisée, mais je ne buvais plus. Enfin pas depuis que je travaillais.

 

    Le travail. La dernière cascade. Des souvenirs. La chute avait dû être rude. Mais la prise sûrement bonne.

 

    J’ouvris les yeux, tandis qu’une voix vint à mes oreilles. Je ne reconnaissais point l’infirmier. Mais qui ? Oublions-le qui. Mais pourquoi ? Où étaient les autres ? Avaient-ils pris un nouveau sans me prévenir ? J’étais un peu déçue. La tête encore un peu dans le brouillard je pris tout de même la parole.

 

    Enfin, c’était ce que je voulais faire avant que les dernières paroles du jeune homme ne m’arrivent aux oreilles. Qui je deviendrais ? La question que j’aurais voulu lui poser se changea alors en réponse.

 

    – Celle qu’on me laissera devenir. La question à poser serait plutôt qui voulez-vous être ?

 

    Je marquais une courte pause attendant une quelconque réaction du soignant avant de reprendre.

 

    – Et vous mon cher, qui voulez-vous être ?

 

    Une nouvelle attente. Plus brève. De nouveaux mots qui se glissent et s’envolent.

 

    – Cette chute m’en ferait presque oublier mes bonnes manières. Je me nomme Mathilda. Mais appelez-moi M.K. comme les autres du service. Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis solide c’était qu’une petite chute je m’en remettrais vite. D’ailleurs regardez je me sens déjà beaucoup mieux.

 

    Joignant le geste à la parole. Je me redressais. Soudain je sentis mon corps partir un instant avant de revenir. Une sensation de nausée. Une réaction plus violente que prévu.

 

    – Ou peut-être pas, murmurais je pour moi.

Entre piraterie et magie

    Orpheline, depuis le plus jeune âge, j’appris à me débrouiller par moi-même. À apprendre de mes erreurs. Petite fille aux formes peu présentes. C’était en habits de garçon que j’avais réussi à monter à bord du « Jane Doe ». Un navire pirate qui sillonnait les mers à la recherche de trésors de toutes sortes. Un vaisseau d’hommes aux multiples talents. Dans la soute, je m’étais cachée. Un seul but en tête : fuir l’orphelinat. Si l’on pouvait appeler ce lieu d’exploitation, un orphelinat. J’avais échappé de justesse au gardien puis j’avais couru jusqu’au port.

 

    La chance avec moi, un bateau était à quai. Déjouant la surveillance du mousse endormi, je m’étais faufilée. Ne sachant pas ce qui pouvait m’attendre lorsque je serais découverte. Je tentais de me camoufler au mieux. Un garçon manqué de dix années à peine sur un navire pirate. Une belle blague à laquelle je préférais ne pas penser. Je pouvais les entendre s’agiter sur le pont. Je sentais que l’on bougeait doucement. J’avais enfin réussi. Mais le voyage venait seulement de commencer. J’allais devoir être prudente si je ne voulais pas que…

 

    Trop tard, en boule dans mon coin, déconcentrée par un bruit, je n’avais pas fait attention qu’une personne dans la zone des provisions était entrée. Par le col, on me redressa avant de me décoller du sol en m’attrapant par la taille. J’essayais de me débattre sans succès. Le capitaine appelé, je savais que mon chemin était maintenant terminé. La liberté fut de courte durée. Lancée sur le sol. Je ne bougeais plus, attendant simplement mon châtiment. La planche ou la plonge ? Des pas. Tête baissée. Assise. Ma fuite avait-elle vraiment valu le coup ?

 

***

 

    Dix ans plus tard, je sillonnais les mers. Artificière, mécanicienne, pirate, jambe de métal, lame d’acier, fille de la capitaine, j’avais hérité de bien des surnoms en dix années. Je m’étais fait un nom au sein du petit groupe de pirates. Passant mes journées à réparer des armes à feu ou les canons, à les améliorer avec les moyens à disposition. J’essayais aussi à m’habituer comme je le pouvais à la perte de ma jambe.

 

    Un coup de canon. Une bombe. De lourdes pertes dans nos rangs. Mais une victoire au bout du compte non sans y laisser quelques plumes. J’y avais perdu une jambe, mais aussi des amis. Des membres de ma famille des mers. Cependant, cela ne nous fit pas baisser les bras pour autant. Nos têtes mises à prix sur les continents. Nous voguions au grès du vent suivant l’odeur des trésors. Capitaine toujours à la barre. Elle était comme une mère pour moi.

 

    Une mère poursuivit par la couronne. Je ne connaissais pas les raisons exactes. Personne n’avait jamais voulu m’en parler. Enfin si. J’avais une solution pour découvrir la vérité. Battre la capitaine en duel. Alors je m’étais entraînée, tout en réparant et améliorant les machines, armes et autres jambes de métal.

 

    Ce jour-là, j’avais décidé de tenter de nouveau ma chance. Cependant, le sort en avait décidé autrement. Alors que le duel venait de commencer, un bateau de corsaires fit son apparition. En peu de temps nous avions été vaincus. L’équipage réduit de moitié était maintenant enfermé dans la soute du « Queen Mary ». La capitaine était trop blessée pour qu’ils prennent la peine de l’emmener. La laissant sombrer avec son navire pour reprendre leurs mots. De mon côté, les liens me serraient les poignets, me les brûlant à chaque fois que je tentais de m’en défaire. Il y avait bien une petite lueur d’espoir. Espoir d’attraper de nouveau cette liberté dont on venait d’être privé. Mais nous ne pouvions pas agir pour l’heure. Il fallait attendre que les gardes ne soient plus devant nous.

 

    Les corsaires étaient fiers. Ils étaient descendus. « Ravitaillement » sur la première île venue.

 

    Une fois la nuit tombée, je décrochais un petit outil de ma jambe. Puis j’entrepris l’ouverture de la cellule, les deux mains toujours liées sans me rappeler sur le coup que j’avais soigneusement rangé une lame dans cette même jambe en cas de problèmes. Je n’avais pas la seule à mal avoir été fouillée. Un de mes amis sortit une dague puis alla détacher tout le monde.

 

    Après quelques courts instants, nous étions libres. Certains étaient allés vers la réserve tandis que d’autres prenaient la fuite. J’avais opté pour la première option dans le but de trouver mes outils. Je les avais vus les prendre quand ils avaient pillé notre navire. Je trouvais rapidement le lourd et grand sac caché dans un coin.

 

    Une fois sur l’épaule, la sortie s’annonça plus difficile que prévu. Les gardiens étaient de retour armes à la main. Premier avertissement. Premier tir dans la jambe. Mauvaise pioche. Un sourire aux lèvres. Sabre attrapé au vol, je fendis les airs puis un des membres de mon adversaire. La lame rougit. Petit groupe se faufilant esquivant les coups. Soudain une faille. Poussée par mon ami. Un regard entendu. Je rangeai mon arme et courus. Courir à en perdre haleine.

 

    Une course boiteuse. Direction la passerelle. Direction la forêt. Repli obligatoire. Des balles dans ma direction. Touchée par certaines. Ralentie par les blessures. Ralentie par ce sac de matériel un peu trop lourd.

 

    Dans la nature je m’enfonçais. Suivant la voix en moi ou dans les airs. Comme guidée. Comme si une voix m’appelait. Je me sentais attirée. Oubliant la douleur. Oubliant la peur. Oubliant les agresseurs. Je marchais. Pas mécanique. Forces m’abandonnant petit à petit. Soudain, face à moi une silhouette m’arrêtant. Je m’évanouis. Où avais-je encore atterri ?

 

***

 

    Vingt troisième anniversaires en approche. Clic clac. Je rentrais chez moi. Une longue matinée venait de passer. Beaucoup de réparations. De tous les côtés. En trois ans je m’étais fait une place dans ce village. Dans la forêt perdue. Je sortais rarement. Les seules fois où j’avais essayé, je m’étais perdue dans la nature. Sans pouvoir retrouver mon chemin. Même en allant toujours tout droit, je revenais toujours à mon point de départ. J’avais depuis lors abandonné l’idée de fuir.

 

    L’on m’avait offert l’opportunité de faire mes preuves. Reprenant l’atelier et cabane d’un ancien artisan qui était parti. Un mini paradis quelque peu poussiéreux. Mais le matériel présent était impressionnant de par sa diversité. À celui existant, j’ajoutais le mien. Travaillant chaque jour à m’améliorer. À améliorer ma jambe et ma prothèse à l’épaule. La balle logée en celle-ci ayant affecté son fonctionnement.

 

    La fille de métal, voici mon doux surnom dans ces lieux au cœur de la nature. Pour des autochtones à l’égard de la civilisation depuis des générations. Ils avaient des connaissances très pointues sur différents domaines. Certains se disaient éclairés par les arbres et oiseaux dans leurs travaux. Pour ma part, je ne savais pas comment voir cette forêt. Comme une entité éprise d’une vie ou sans celle-ci. Qui ? Quoi ? Quel était le mystère autour de cette île ? Le découvrirai-je un jour ?

 

    Pour l’heure, je somnolais dans un hamac au centre de l’atelier. Atelier que j’avais arrangé à ma façon. Mon petit chez moi. Il n’était pas très grand, mais assez fonctionnel dans son bazar. Tout à coup une voix, mon prénom. Je fus alors réveillée en sursaut. Je faillis même en tomber. En perdre l’équilibre. Je descends de mon perchoir pour rejoindre la voix. Le chef du village me demande de me préparer. J’allais participer au ravitaillement. L’occasion pour moi de « trouver » quelques matériaux et outils. On ne se refaisait pas.

 

    Retournant rapidement à l’atelier, je cherchais de quoi me préparer. Des habits un peu moins abîmés pour passer un peu plus inaperçus. Ne sachant pas si les membres du « JaneDoe » étaient toujours recherchés. Je devais me fondre dans la masse. Devant mon bout de glace, j’ajustais mon chapeau de corsaire. Peu volumineux. J’incrémentais ma tenue avec un foulard autour du cou. Assez grand pour pouvoir le relever sur mon visage. Mes formes camouflées par des vêtements un peu trop larges, non cintrés. Une chemise blanche, une veste, celle que je portais sous le commandement de la capitaine, un pantalon. Grande ceinture pour y accrocher mes armes. Des hautes bottes, jambe de métal maintenant invisible.

 

    L’heure du départ. Il ne fallait pas que le guide parte sans moi. J’étais incapable de me retrouver dans cette nature. Je ne comprenais en rien la structure de cette île, comme si elle bougeait, elle parlait, elle vivait. Sac sur l’épaule je suivais le petit groupe. Droite, puis gauche. Le chemin semblait des plus simples. Semblait simplement. Même en pensant le reproduire, je n’étais point capable de revenir.

 

    La ville devant nous. Maintenant, l’heure de se séparer. Quelques petites heures hors de la forêt. À la tombée de la nuit, nous nous retrouverons à la taverne. Mon but en attendant ? Trouver de quoi remplir un peu plus mon « atelier », mais aussi de quoi réparer divers objets.

 

    L’artisan de la petite ville commençait à me connaitre. Il n’avait pas grande clientèle ces derniers temps. Il parlait des navires qui fuyaient, de la couronne qui nous abandonnait. Je le laissais parler sans vraiment l’écouter. Pièces sur la table. Outils et matériaux dans mon sac. La conversation laissant place à la négociation. Il était dur en affaire. Mais je réussis à avoir un bon prix.

 

    Négociant principalement pour la forme. Puis sortant en bousculant quelques rares nobles marchant dans les rues. Marchant vers un but. Comme s’il y avait un rassemblement. Je n’y prêtais pas plus attention que cela. Voulant profiter de ce court passage en ville pour boire un coup comme autrefois.

 

    Vers la taverne, je me dirigeais. Baissant légèrement mon chapeau. Ajustant mon col et mon foulard. Même si les corsaires et autres voyageurs étaient de moins en moins présents, ils étaient toujours quelques rares à s’échouer par ici. Tenant à ma liberté, je préférais rester un minimum cachée.

 

    Je m’installais au bar. Un clin d’œil à la serveuse. Une boisson apportée avec le sourire. Je commençais alors à flirter avec elle. Lui contant les histoires des mers.

 

 

 

En quelques mots :

Minacy Kayla alias Mike est une jeune femme de 23 ans rêvant d’aventure et de liberté. Au look androgyne, cette ex-pirate s’est longtemps entraînée sur le pont d’un navire nommé le « JaneDoe » préférant les armes blanches aux armes à feu. Cependant, durant une des attaques, la brune aux yeux émeraude perdit sa jambe gauche qu’elle remplaça par un membre mécanique de sa création. Pleine de ressources et aimant bouger, cela fut compliqué pour elle lorsqu’elle fut touchée par balle à l’épaule et qu’elle apprit qu’elle ne pourra plus l’utiliser au maximum de ses capacités. Elle se bricola alors un mécanisme avec les moyens du bord pour alléger cette épaule qui est toujours douloureuse. Elle aime jouer, se faire passer pour un homme. Son physique androgyne facilitant l’illusion. Mike est alors né.

 

 

Ta partition

    Un bruit au loin. Une sensation de déjà-vu. Un son qui te rappelle des souvenirs. Tu t’en rapproches malgré toi. Tes pas te guident vers ces notes. Tu ne sais pas où cela t’emmènera, mais tu ne peux t’en empêcher. L’impression de retomber dans la ronde des souvenirs. De la joie de la nostalgie. Tu sautilles tandis que tu te rapproches. Tu te sens de plus en plus enveloppé par le bruit de la rue auquel se mêle ce petit quelque chose. Tu as un doute. Tu ne distingues pas clairement ce que cela peut être. Tu hésites. Tu crois reconnaître une guitare. Tu t’avances. Une rue puis une autre. Tu cherches l’origine de cette mélodie des souvenirs qui devient plus qu’un simple bruit au loin.

 

    Soudain tu vois une forme bouger. Au coin de l’allée. Une guitare dans les bras d’une personne que tu connais bien. La silhouette semble danser sur les notes. Un hypnotiseur. Tu te prends alors au jeu. Tu cours vers lui attrapant la guitare dans ton dos. Elle était là depuis le début. Tu ne savais pas au moment de sortir si tu l’utiliserais, mais le moment était le bon. Tu te places à ses côtés. Tu grattes les cordes en rythme. Il en profite pour improviser un solo. Puis tu enchaînes sur le tien. Vous discutez à coup de musique. À coup de notes. À coup de rêves.

 

    Le tempo s’accélère. Tu ne perds pas le nord. Tu rigoles quand l’un de vous se trompe dans une note. Un son différent des autres. Mais tout aussi charmant. De l’originalité naît la différence. Celle qui nous rend tous uniques. Tu utilises maintenant ton instrument comme percussion. Détourner les objets comme l’on peut détourner le mot. Rajouter une nouvelle dimension. Un sens supplémentaire, un degré de plus qui n’est pas toujours à prendre au sérieux. Chacun possède le sien. Chacun avance à son rythme et change les choses à sa manière.

 

    Tu ressens la musique au fond de toi. Le morceau d’avant te donnait envie de chanter et danser. Mais dans celui-ci ta gorge se serre. Un nœud dans l’estomac quand les doigts glissent avec délicatesse sur les cordes. La mélodie des souvenirs. Le passé n’est pas toujours rempli de joie. Les épreuves font ce que nous sommes. Chaque cicatrises qui nous composent à sa place et ne doit être caché. Elles s’expriment et font que nous soyons aussi forts. Elles sont à l’origine du masque de certains et du mur de d’autres. Mais la musique elle, traverse les murs, balaye les masques. Les larmes glissent et s’écrasent sur le sol. La voix est cassée. Surplus d’émotion qui remontent, mais il faut savoir affronter ses démons pour se relever de nouveau. Ne jamais rester au sol. Toujours avancer. Et même si la vie nous fait trébucher. Même si elle nous fait prendre des chemins détournés. Un jour on retrouve celui qui nous fait vibrer. On ne se redresse et on n’avance pas après pas dans cet univers.

 

    Toi c’est la musique ton moteur. Les notes remplacent les oiseaux. Les partitions à la place des sentiers. Les instruments qui volent et qui chantent. Cette chanson raconte leur histoire. Elle raconte ton histoire. Elle te marque. Elle te blesse. Mais elle garde espoir. Un jour le soleil sur la route et la ballade grise se métamorphosera en un rythme plus joyeux. Tu danseras sur la partition de la vie suivant la voix que tu t’es choisie. À toi d’écrire la partition de ta vie. À toi de chanter fort aujourd’hui.

 

    Une lueur d’espoir dans les yeux. La tête relevée vers la silhouette amicale à tes côtés. Tu entonnes le refrain. Tu es remontée. Il prend une forme tout autre. Tu es fière. Tu oublies le monde l’espace d’un instant. Tu es libre. Tu n’as pas de masque. Tu n’as pas de barrière. Les notes les ayant détruits. Il n’y a plus que toi et ta guitare. À toi de jouer et de foncer sur la partition de la vie.

Un livre

    Livre ouvert, tu écris ta propre histoire. Une lettre après l’autre. Tu noircis les pages. Tu es le maître. Celui de ton récit. Mais, tu n’es pas à l’abri des imprévus. Une bourrasque qui empêche la plume de se poser. Un coup de vent qui de sa ligne la fait dévier.

 

    Cependant, tu n’abandonnes pas, tu avances, quitte à devoir te confronter aux éléments. Tu ne les laisses pas te dominer. Ni te faire mettre le livre de côté. Tu as envie de connaître la suite. Écrivain. Acteur. Tu fais glisser ta plume sur les pages sans savoir le mot que tu dessines avant de l’avoir fini. Tu ne sais quand le chapitre ou le livre se clôturera. Tu n’as pas envie de le finir.

 

    Non.

 

    Tu as tellement de choses à dire. Un tome ne sera pas suffisant. L’histoire de la vie maintenant définie comme un livre. Les jours devenant des pages. Les mois des chapitres. Découpage approximatif. Un peu à l’instinct. Tu trancheras à la fin. Cette pensée ainsi imagée se pose le problème des interactions.

 

    Chaque histoire est un livre. Un livre au nombre de pages infini. Le lien qui unit deux personnes ne peut être qu’un nouveau recueil. Une nouvelle ou un long roman. De nouveaux mots sur le papier écrivent par deux plumes. Tu n’es plus l’auteur d’un unique, mais d’une bibliothèque qui grandit à mesure des rencontres.

 

    Ouvrage central liant les histoires les unes aux autres. Une infinité de possibilités. Une infinité d’histoires à explorer. À écrire à dessiner. Ta plume s’attarde sur un livre plutôt que sur les autres. Des pensées attrapées par celui-ci et non par un autre. Une histoire qui se noircit au fil des jours. Un conte comme celui raconté à un enfant. Une suite attendue avec impatience. Un cadavre exquis où chaque chapitre dépend de la plume précédente.

 

    L’histoire s’écrit sous tes yeux. Tu n’as qu’une envie : en savoir plus. Et même si des pages séparent chaque mot. Et même si certaines se déchirent. Que l’encre s’efface par moment. Tu t’accroches. Tu découvres cet unique en écrivant l’ouvrage commun. Tu entres dans une nouvelle bibliothèque. Mais es-tu prêt à ouvrir la tienne, ton jardin secret, ton entre des mots et des vers ? Tu avances. Tu aimes ce que tu découvres. Curieux. Tu te poses doucement la question : est-ce vraiment cela l’amour ?

 

    Un livre clé d’une bibliothèque infiniment riche attirant la curiosité de quiconque commence à s’y attarder.

 

    Tu venais de te faire avoir. Attiré malgré toi des pages vers ce lieu inconnu. Plus tu en lis tu as envie de lire. Cercle vicieux. Tu es mordu. Mordu de cette lecture. Les pages se dévoilent une à une. Tu te surprends, impatient d’en savoir plus. De découvrir de nouveaux chapitres. Comme accro à cette lecture. Accro à ce nouveau livre qui s’écrit de deux plumes légères. Tu as peut-être trouvé ta propre définition de ce que certains appellent l’amour avec un grand a.

 

    Reste seulement à voir où le cours des pages qui se tournent chaque jour vous guidera. En attendant, les plumes encrent les pages et dansent sur le papier. Rythme de la vie et des imprévus. Des bourrasques et des fuites d’encre. Quelques bavures viendront sûrement abîmer certaines pages. Le plus important : rester ensemble sur celles-ci. Écrire d’une même voix et non chacun pour soi. Un livre qui s’ouvre, mais qui promet déjà son lot d’émotions. Roman d’action ou poème romantique. Tragédie grecque ou telenovelas trop belle pour être vrai. Cela tu le découvriras tout seul.

 

    Ne te pose pas trop de questions. Joues. Souris. Vis tout simplement. Écris dans l’instant présent. Ne t’enferme pas dans ta bibliothèque. Ne la ferme pas à ceux qui veulent la découvrir sans pensées mauvaises. Libre, la plume écrit son histoire, auteure-actrice-héroïne d’un livre dont elle ne peut connaître le dénouement. D’autres ouvrages à découvrir des trésors cachés dans les pages. Chaque relation un nouveau livre qui garnit chaque jour un peu plus la bibliothèque des mille et une merveilles.

 

    Ouvrage central, le plus vieux, le plus grand, le plus abîmé. Annoté. Des renvois multiples aux étagères. Aux divers livres de lien. Et chacun faisant le pont entre deux ouvrages principaux. Histoire difficile à établir. Points de vue multiples en jeu. Alors, jouons.

 

    Jouons avec les mots et dansons au fil des pages.

Notre différence

    Il y a ces jours où écrire peut faire du bien. Où poser de simples mots sur le papier ou l’ordinateur aide à aller mieux. Où juste des lettres les unes à la suite des autres s’enchaînent sans forcément de raison. Mais faut-il toujours écrire avec une raison ? Avons-nous toujours une raison d’écrire ? Ne pouvons-nous pas tous simplement laisser notre corps choisir ce qu’il a envie de faire ? Ce qu’il a envie de dire ?

 

    Et si, nous laissions notre cerveau de côté ? Et si, nous laissions notre corps s’autoguider ? Arrêtons de nous auto barrer la route et d’être nos propres marionnettes aux ficelles de fer. Nous sommes bien plus que cela. Bien plus que de simples robots analysant les autres pour mieux s’intégrer. Bien plus que des caméléons imitant les réactions communes pour passer inaperçus.

 

    Qui sommes-nous vraiment si nous ne sommes pas nous-mêmes à cent pour cent ? Qui sommes-nous quand nous avons ce masque de la société ? Qui est ce masque qui fait partie de nous et que nous avons tant de mal à retirer ou simplement accepter ? N’est-ce pas une facette de notre personnalité que l’on aimerait être au plus profond de nous et que nous servons comme illusion à autrui ?

 

    Nous sommes faits pour le théâtre. Nous ne sommes que de grands acteurs sur la scène de notre propre vie. Mais nous sommes aussi de piètre comédien quand il s’agit de jouer son propre rôle au naturel. Nous nous adaptons. Nous imitons. Nous analysons. Nous faisons comme les autres pour paraître moins bizarres. Moins nous-mêmes. Plus eux-mêmes.

 

    Et si la marionnette brisait ses chaines de fer ? Elle pourrait danser et agir comme bon lui semble. Elle pourrait aller voir cette personne dans un coin pour lui l’inviter sur la piste. Elle pourrait rayonner au centre de la scène de son propre théâtre miniature et faire valser les frontières qui l’encadrent. Elle pourrait découvrir le monde et oser sans se faire retenir par les fils de la société.

 

    Et si le robot mettait fin aux analyses ? Il pourrait laisser son cœur choisir. Le laisser le guider et lui dire ce qui est bon. Il pourrait se faire confiance pour aimer ou détester. Il pourrait dire non comme oui avec ferveur. Il ne se priverait pas. Il ne se bloquerait pas. Il pourrait répandre ses sentiments colorer sur la toile grisâtre des lignes de codes et circuits imprimés qui guident ses analyses et ses actes. Il pourrait être libre de lui-même.

 

    Et si le caméléon arrêtait l’imitation ? Il pourrait ne plus être un simple mouton dans le groupe. Il pourrait s’affirmer et aller à contre-courant. Il pourrait dire et faire ce qu’il pense sans avoir peur du jugement. Il pourrait envoyer en l’air les codes et les règles absurdes que l’on respecte sans savoir pourquoi. Il pourrait être celui qui s’inquiète et qui est attentionné juste pour le plaisir et sans attendre une chose en retour. Il pourrait être lui tout simplement.

 

    Et si le masque tombait pour de bon ? Nous ne serions pas plus bizarres ou différents. Nous serions juste uniques et nous-mêmes. Nous serions les meilleurs acteurs de cette scène, car nous ne jouons pas. Non loin de là. L’authenticité. La spontanéité. L’originalité. Nous sommes nous jouant à la perfection notre propre rôle que nous avons-nous même écrit. La société n’est pas le metteur en scène du théâtre de notre vie, elle est une simple figurante et nous en sommes à la fois, acteur, scénariste, metteur en scène, réalisateur, accessoiriste, et public. Nous rions, pleurons, râlons, aimons dans ce théâtre, mais avant tout nous sommes nous.

Les cerisiers

    Une annonce. Une phrase. Un mot. Un blocage. Le cerveau qui n’arrive pas. Le cerveau qui ne veut pas traduire. Texte en anglais. Mais, mots qui dépassent les barrières. Émotion dans le message. Réception en plein cœur. Un coup soulagé. Un coup apeuré. Un coup triste. Ne pas savoir comment réagir.

 

    Regard vers le chat. Attrapé. Il a compris. Il ne bouge pas. Il se laisse faire. Une douce musique berce les souvenirs. Descendre maintenant pour avertir. La sensation de ne pas être dans son corps. La sensation de ne pas être à sa place. Regard sans rien dire aux autres membres familles. Compréhension.

 

    Les mots sont parfois de trop. Mais les mots aident. Les mots filent. Les mots blessent. Les mots… Les mots c’est cela que je me souviens le mieux. La voix et les mots. Les expressions et les intonations. L’effort pour parler sur le même filtre. Un vocabulaire tellement riche. L’emploi juste. Plus que juste des mots. « Je jouis d’être ici » magnifiquement représentative de l’instant et de la personne. Des mots qui en cachent d’autres. « C’est marron ? » Un son incompris. Quiproquo de la partie. Marrant et rigolo sont maintenant de nouveau acquis. Cet esprit protecteur et famille. Ce côté respectueux et présent. Petite carte de Nouvel An.

 

    Des détails. Des mots. Parfois les choses les plus simples s’ancrent.

 

    Alors, après un mot doux. Un moment sans rappel. Un moment aux portes du sommeil. Le masque. Craque. Il. Fissure. Souvenirs. Remontés. Vite. Oublier. Ne pas penser. Si. Penser. Voix. Phrase. Écho. Les pensées tournent. Les images défilent. Les sons se mêlent. Les émotions tourbillonnent. Et les larmes, elles s’affolent. La respiration ne sait plus quoi faire. Elle tente de se calmer. Mais non laisser couler. Couler les larmes. Couler les émotions. Couler les sons. Couler les images. Couler les pensées. Les laisser s’évader.

 

    Douleur du moment présent. Bonheur du souvenir de l’instant passé. Ne pas savoir comment se positionner. Ne pas savoir comment on le ressent. Juste ressentir en revivant. Coïncidence des cerisiers. Fleurs qui éclosent au départ de l’être de lumière. Beauté de l’image. Ne plus pouvoir voir ses arbres de la même manière. Mais en même temps…

 

    Pressée de pouvoir les voir. Pressée de pouvoir partager. Un couvert manquant, mais l’esprit présent omniscient. Aller vers la famille. Famille. Un mot. Encore un mot. Sang ou non, elle dépasse les frontières. Elle est entière. Elle n’a pas de langue. Elle est unique pour chacun. Elle est là.

 

    S’envoler bientôt. Sentiments ancrés. S’envoler bientôt. Moitié de famille retrouvée.

 

    Futurs moments partagés.

    Dansons avec les fleurs de cerisiers.

Une balade

    Une balade dans la nature. Un instant de joie. Une sensation de liberté. Un rayon de soleil. Une randonnée un peu fastidieuse par moment. Mais rien de bien méchant. Chacun de mes pas me rapprochant un peu plus du sommet. Les petites racines ne m’arrêtaient pas. Je les passais sans soucis. J’étais heureuse. Je respirais. Dans cette nature, qui me protégeait.

 

    Soudain, une pente plus abrupte. Une difficulté supplémentaire. Plus grande que les autres. La nature me jouait des tours. Cependant, l’envie d’avancer était plus forte. Plus importante. Et redoublant d’efforts je le franchis. Je m’écorchais un peu le bras au passage. Je n’y fis pas attention. J’oubliais ma propre douleur pour avancer. J’étais toujours contente. Le soleil brillait toujours. Insouciante. Naïve. Je ne vis pas les nuages commencer à le couvrir. Je ne remarquais pas qu’autour de moi les ombres commençaient à paraître.

 

    Seule sur le chemin. Un peu de courage. De la patience. De la volonté. J’avançais toujours. Surmontant les obstacles. La pente de plus en plus raide. Les pauses de plus en plus rares. Des étapes de plus en plus difficiles à franchir. Une blessure de plus venant s’ajouter après chacune.

 

    La balade qui devait m’apporter du bonheur commençait à me blesser. Je ne m’en étais pas rendu compte tout de suite. Mais lorsque j’arrivais devant un énième mur. La pluie éclata. Je me retrouvais perdue. Devais-je avancer ? Franchir ce nouvel obstacle au risque de m’abîmer encore ? La patience commençait à manquer. La douleur de chaque égratignure non soignée se faisait ressentir. La détermination, elle, s’était cachée.

 

    Au pied du mur. Je savais que peu de solutions étaient là. Je n’avais pas la force de le franchir. Je ne pouvais plus. Seule, mes efforts seraient vains. Je pouvais sinon attendre que cesse la pluie. Mais cela ne ferait que retarder l’inévitable. Ce mur était infranchissable pour mon corps blessé.

 

    Déçue. Résignée. J’estimai qu’il était préférable de rentrer. Soigner mes plaies. La descente sera surement difficile. Mais rester devant ce mur n’était plus possible. Alors, je tournais les talons.

 

    Triste. Énervée. Je m’en voulais de ne pas avoir eu la force de continuer. Derrière de nouvelles épreuves m’attendaient. Aujourd’hui, je n’avais plus la volonté de les affronter.

 

    Soulagée. Nostalgique. Ce trajet était tout de même plaisant. Des souvenirs resteraient gravés. Pourquoi oublier une balade joyeuse pour un petit bout de chemin couvert d’épines ?

 

    Mitigée. Mais optimiste. Le chemin qui me ramènerait chez moi était aussi couvert d’obstacles. Moins grands. Inévitables. Mais je devais aller de l’avant. Vers de nouveaux paysages.

 

    La prochaine balade sera peut-être plus longue

    Mais aujourd’hui le tonnerre gronde.

    Il vaut mieux rentrer s’abriter

    Attendre une nouvelle opportunité.