Entre piraterie et magie

    Orpheline, depuis le plus jeune âge, j’appris à me débrouiller par moi-même. À apprendre de mes erreurs. Petite fille aux formes peu présentes. C’était en habits de garçon que j’avais réussi à monter à bord du « Jane Doe ». Un navire pirate qui sillonnait les mers à la recherche de trésors de toutes sortes. Un vaisseau d’hommes aux multiples talents. Dans la soute, je m’étais cachée. Un seul but en tête : fuir l’orphelinat. Si l’on pouvait appeler ce lieu d’exploitation, un orphelinat. J’avais échappé de justesse au gardien puis j’avais couru jusqu’au port.

 

    La chance avec moi, un bateau était à quai. Déjouant la surveillance du mousse endormi, je m’étais faufilée. Ne sachant pas ce qui pouvait m’attendre lorsque je serais découverte. Je tentais de me camoufler au mieux. Un garçon manqué de dix années à peine sur un navire pirate. Une belle blague à laquelle je préférais ne pas penser. Je pouvais les entendre s’agiter sur le pont. Je sentais que l’on bougeait doucement. J’avais enfin réussi. Mais le voyage venait seulement de commencer. J’allais devoir être prudente si je ne voulais pas que…

 

    Trop tard, en boule dans mon coin, déconcentrée par un bruit, je n’avais pas fait attention qu’une personne dans la zone des provisions était entrée. Par le col, on me redressa avant de me décoller du sol en m’attrapant par la taille. J’essayais de me débattre sans succès. Le capitaine appelé, je savais que mon chemin était maintenant terminé. La liberté fut de courte durée. Lancée sur le sol. Je ne bougeais plus, attendant simplement mon châtiment. La planche ou la plonge ? Des pas. Tête baissée. Assise. Ma fuite avait-elle vraiment valu le coup ?

 

***

 

    Dix ans plus tard, je sillonnais les mers. Artificière, mécanicienne, pirate, jambe de métal, lame d’acier, fille de la capitaine, j’avais hérité de bien des surnoms en dix années. Je m’étais fait un nom au sein du petit groupe de pirates. Passant mes journées à réparer des armes à feu ou les canons, à les améliorer avec les moyens à disposition. J’essayais aussi à m’habituer comme je le pouvais à la perte de ma jambe.

 

    Un coup de canon. Une bombe. De lourdes pertes dans nos rangs. Mais une victoire au bout du compte non sans y laisser quelques plumes. J’y avais perdu une jambe, mais aussi des amis. Des membres de ma famille des mers. Cependant, cela ne nous fit pas baisser les bras pour autant. Nos têtes mises à prix sur les continents. Nous voguions au grès du vent suivant l’odeur des trésors. Capitaine toujours à la barre. Elle était comme une mère pour moi.

 

    Une mère poursuivit par la couronne. Je ne connaissais pas les raisons exactes. Personne n’avait jamais voulu m’en parler. Enfin si. J’avais une solution pour découvrir la vérité. Battre la capitaine en duel. Alors je m’étais entraînée, tout en réparant et améliorant les machines, armes et autres jambes de métal.

 

    Ce jour-là, j’avais décidé de tenter de nouveau ma chance. Cependant, le sort en avait décidé autrement. Alors que le duel venait de commencer, un bateau de corsaires fit son apparition. En peu de temps nous avions été vaincus. L’équipage réduit de moitié était maintenant enfermé dans la soute du « Queen Mary ». La capitaine était trop blessée pour qu’ils prennent la peine de l’emmener. La laissant sombrer avec son navire pour reprendre leurs mots. De mon côté, les liens me serraient les poignets, me les brûlant à chaque fois que je tentais de m’en défaire. Il y avait bien une petite lueur d’espoir. Espoir d’attraper de nouveau cette liberté dont on venait d’être privé. Mais nous ne pouvions pas agir pour l’heure. Il fallait attendre que les gardes ne soient plus devant nous.

 

    Les corsaires étaient fiers. Ils étaient descendus. « Ravitaillement » sur la première île venue.

 

    Une fois la nuit tombée, je décrochais un petit outil de ma jambe. Puis j’entrepris l’ouverture de la cellule, les deux mains toujours liées sans me rappeler sur le coup que j’avais soigneusement rangé une lame dans cette même jambe en cas de problèmes. Je n’avais pas la seule à mal avoir été fouillée. Un de mes amis sortit une dague puis alla détacher tout le monde.

 

    Après quelques courts instants, nous étions libres. Certains étaient allés vers la réserve tandis que d’autres prenaient la fuite. J’avais opté pour la première option dans le but de trouver mes outils. Je les avais vus les prendre quand ils avaient pillé notre navire. Je trouvais rapidement le lourd et grand sac caché dans un coin.

 

    Une fois sur l’épaule, la sortie s’annonça plus difficile que prévu. Les gardiens étaient de retour armes à la main. Premier avertissement. Premier tir dans la jambe. Mauvaise pioche. Un sourire aux lèvres. Sabre attrapé au vol, je fendis les airs puis un des membres de mon adversaire. La lame rougit. Petit groupe se faufilant esquivant les coups. Soudain une faille. Poussée par mon ami. Un regard entendu. Je rangeai mon arme et courus. Courir à en perdre haleine.

 

    Une course boiteuse. Direction la passerelle. Direction la forêt. Repli obligatoire. Des balles dans ma direction. Touchée par certaines. Ralentie par les blessures. Ralentie par ce sac de matériel un peu trop lourd.

 

    Dans la nature je m’enfonçais. Suivant la voix en moi ou dans les airs. Comme guidée. Comme si une voix m’appelait. Je me sentais attirée. Oubliant la douleur. Oubliant la peur. Oubliant les agresseurs. Je marchais. Pas mécanique. Forces m’abandonnant petit à petit. Soudain, face à moi une silhouette m’arrêtant. Je m’évanouis. Où avais-je encore atterri ?

 

***

 

    Vingt troisième anniversaires en approche. Clic clac. Je rentrais chez moi. Une longue matinée venait de passer. Beaucoup de réparations. De tous les côtés. En trois ans je m’étais fait une place dans ce village. Dans la forêt perdue. Je sortais rarement. Les seules fois où j’avais essayé, je m’étais perdue dans la nature. Sans pouvoir retrouver mon chemin. Même en allant toujours tout droit, je revenais toujours à mon point de départ. J’avais depuis lors abandonné l’idée de fuir.

 

    L’on m’avait offert l’opportunité de faire mes preuves. Reprenant l’atelier et cabane d’un ancien artisan qui était parti. Un mini paradis quelque peu poussiéreux. Mais le matériel présent était impressionnant de par sa diversité. À celui existant, j’ajoutais le mien. Travaillant chaque jour à m’améliorer. À améliorer ma jambe et ma prothèse à l’épaule. La balle logée en celle-ci ayant affecté son fonctionnement.

 

    La fille de métal, voici mon doux surnom dans ces lieux au cœur de la nature. Pour des autochtones à l’égard de la civilisation depuis des générations. Ils avaient des connaissances très pointues sur différents domaines. Certains se disaient éclairés par les arbres et oiseaux dans leurs travaux. Pour ma part, je ne savais pas comment voir cette forêt. Comme une entité éprise d’une vie ou sans celle-ci. Qui ? Quoi ? Quel était le mystère autour de cette île ? Le découvrirai-je un jour ?

 

    Pour l’heure, je somnolais dans un hamac au centre de l’atelier. Atelier que j’avais arrangé à ma façon. Mon petit chez moi. Il n’était pas très grand, mais assez fonctionnel dans son bazar. Tout à coup une voix, mon prénom. Je fus alors réveillée en sursaut. Je faillis même en tomber. En perdre l’équilibre. Je descends de mon perchoir pour rejoindre la voix. Le chef du village me demande de me préparer. J’allais participer au ravitaillement. L’occasion pour moi de « trouver » quelques matériaux et outils. On ne se refaisait pas.

 

    Retournant rapidement à l’atelier, je cherchais de quoi me préparer. Des habits un peu moins abîmés pour passer un peu plus inaperçus. Ne sachant pas si les membres du « JaneDoe » étaient toujours recherchés. Je devais me fondre dans la masse. Devant mon bout de glace, j’ajustais mon chapeau de corsaire. Peu volumineux. J’incrémentais ma tenue avec un foulard autour du cou. Assez grand pour pouvoir le relever sur mon visage. Mes formes camouflées par des vêtements un peu trop larges, non cintrés. Une chemise blanche, une veste, celle que je portais sous le commandement de la capitaine, un pantalon. Grande ceinture pour y accrocher mes armes. Des hautes bottes, jambe de métal maintenant invisible.

 

    L’heure du départ. Il ne fallait pas que le guide parte sans moi. J’étais incapable de me retrouver dans cette nature. Je ne comprenais en rien la structure de cette île, comme si elle bougeait, elle parlait, elle vivait. Sac sur l’épaule je suivais le petit groupe. Droite, puis gauche. Le chemin semblait des plus simples. Semblait simplement. Même en pensant le reproduire, je n’étais point capable de revenir.

 

    La ville devant nous. Maintenant, l’heure de se séparer. Quelques petites heures hors de la forêt. À la tombée de la nuit, nous nous retrouverons à la taverne. Mon but en attendant ? Trouver de quoi remplir un peu plus mon « atelier », mais aussi de quoi réparer divers objets.

 

    L’artisan de la petite ville commençait à me connaitre. Il n’avait pas grande clientèle ces derniers temps. Il parlait des navires qui fuyaient, de la couronne qui nous abandonnait. Je le laissais parler sans vraiment l’écouter. Pièces sur la table. Outils et matériaux dans mon sac. La conversation laissant place à la négociation. Il était dur en affaire. Mais je réussis à avoir un bon prix.

 

    Négociant principalement pour la forme. Puis sortant en bousculant quelques rares nobles marchant dans les rues. Marchant vers un but. Comme s’il y avait un rassemblement. Je n’y prêtais pas plus attention que cela. Voulant profiter de ce court passage en ville pour boire un coup comme autrefois.

 

    Vers la taverne, je me dirigeais. Baissant légèrement mon chapeau. Ajustant mon col et mon foulard. Même si les corsaires et autres voyageurs étaient de moins en moins présents, ils étaient toujours quelques rares à s’échouer par ici. Tenant à ma liberté, je préférais rester un minimum cachée.

 

    Je m’installais au bar. Un clin d’œil à la serveuse. Une boisson apportée avec le sourire. Je commençais alors à flirter avec elle. Lui contant les histoires des mers.

 

 

 

En quelques mots :

Minacy Kayla alias Mike est une jeune femme de 23 ans rêvant d’aventure et de liberté. Au look androgyne, cette ex-pirate s’est longtemps entraînée sur le pont d’un navire nommé le « JaneDoe » préférant les armes blanches aux armes à feu. Cependant, durant une des attaques, la brune aux yeux émeraude perdit sa jambe gauche qu’elle remplaça par un membre mécanique de sa création. Pleine de ressources et aimant bouger, cela fut compliqué pour elle lorsqu’elle fut touchée par balle à l’épaule et qu’elle apprit qu’elle ne pourra plus l’utiliser au maximum de ses capacités. Elle se bricola alors un mécanisme avec les moyens du bord pour alléger cette épaule qui est toujours douloureuse. Elle aime jouer, se faire passer pour un homme. Son physique androgyne facilitant l’illusion. Mike est alors né.

 

 

Septième Temps

    Chère toi,

 

    Il y a peu je suis tombée sur une boite. Tu sais ce genre de boite dans laquelle, tu as sûrement gardé pleins de souvenirs. Des photos. Des mots. Des dessins. J’y ai retrouvé un mot ou plutôt une lettre. Une lettre d’amour plus exactement écrite durant l’année de CP.

 

    Tu te rappelles de ce moment où tu commences à écrire. Où tu découvres que tu peux mettre par écrit ce que tu ressens, ce que tu vis. Tu as l’opportunité de l’exprimer librement sans jugement. Écriture à la calligraphie hésitante et aux fautes d’orthographe dominantes.

 

    Sur ce mot, ce morceau de cahier, quelques lettres. Une déclaration. Tu te demanderas peut-être pourquoi je l’ai encore. Pourquoi ce papier n’est point dans les affaires de la personne concernée ? Tu remarqueras alors un changement d’écriture et de stylo, tu te dis qu’une personne a répondu sur le même papier. Une réponse dure. Un « moi non ». J’ai mal au cœur pour la petite fille de sept ans. Une grande déception. De la nostalgie.

 

    En fouillant un peu plus. J’en trouve une autre. Datant du collège. Mais celle-là j’en suis sûre. Elle n’a point quitté cette boite. La peur au ventre, je n’avais pas pris le risque. Risque d’avoir mal. Petite fille sensible, timide. Déjà mise de côté, je restais à rêver en secret.

 

    Dans un coin de la boite, une feuille de brouillon. Souvenir d’un devoir d’un côté, lettre à cœur ouverte de l’autre. Un texte. Un nouveau. Une nouvelle période. Le lycée d’après les noms évoqués. Encore une déclaration. Je ne me rappelais plus avoir beaucoup écrit durant ces années-là.

 

    Moment encore renfermé. Coincée de mon plein gré dans ma bulle. Masque porté. Cachant la sensibilité. Mur dressé contre l’extérieur. Une protection. Les textes seuls témoins de l’envers du décor. Peur que quelqu’un ne les lise. Sûrement la raison de leur non-présence. La page retrouvée n’étant rien qu’autre qu’une révélation sans masque. Je l’avais certainement gardé pour la beauté du texte et la description de sentiments sincères.

 

    Par curiosité, la boite fermée. J’ai décidé de ressortir les textes écrits sur le sujet. Ceux cachés dans mon téléphone. Mémos non supprimés. Et alors que je les parcours. Un pincement au cœur. Devant mes yeux, sept textes. Sept temps d’une année qui ressortent. Coup de foudre amenant à une croisière suivie de la première tempête entraînant le naufrage, la dérive et enfin la terre ferme avec devant un nouveau chemin.

 

    Laisse-moi te détailler cela un peu plus. Enfin si tu le veux bien. Le premier, histoire d’un coup de foudre. Personne surévaluée. Un filtre sur les pensées. Le début du chemin et de la ballade. Le second dans la même veine. Même vocabulaire. La promenade continue.

 

    La ballade s’enchaîne, mais des brouillards dans le troisième pointent le bout de leur nez. Un texte d’excuses remplaçant les lettres d’amour. Cœur à vif. Sensibilité touchée de plein fouet. Masque dominant dans le texte suivant. Les sentiments de côté. « C’était ce qu’il fallait faire ». Voilà ce que je me répétais.

 

    Cinquième auprès d’amis, je l’avais partagé. Peu avaient compris la métaphore. Mais de mon côté écrire m’avait permis de me libérer. Cela faisait du bien de poser des mots sur ses sentiments lorsque ceux-ci se font trop importants. Le retour calme dans le mémo de quelques semaines le cadet. Copie d’un message envoyé à une proche. Texte gardé pour la beauté et la sensibilité dégagées. Une période douce. Sans stress. Sans tensions. Les vacances.

 

    Cependant se cachant derrière cette mer d’apparence tranquille, de nouveau les sentiments grandissent. S’emballent et entament le septième temps. Le temps actuel de la danse. Une personne hantant les pensées de nouveau. Sans l’avoir demandé. Sans que je sache pourquoi. Elle a pris place.

 

    Découverte pas à pas des sentiments à travers les discutions et textes échangés. Attachement accompagné d’une crainte. Une réserve maintenant le mur en son rôle protecteur. La peur du renouvellement. Peur d’avoir le même retour que l’enfant ou la même expérience que lors du quatrième temps.

 

    En lisant cela, je remarque que le dernier mémo ne semble point terminé. Alors la petite fille de sept ans reprend la plume pour compléter ce septième temps. Pour étaler ce qu’elle ressent en espérant que ce virage soit le premier d’une nouvelle danse peut-être plus longue que la précédente.

 

    Un « je t’aime » glissé entre les lignes. Aucun nom mentionné. Personne se reconnaissant sûrement ou probablement pas. Texte débouchant sur une lettre qui n’est autre qu’une nouvelle déclaration cachée. Tu sais, même si cela ressemble à une histoire, au travers de certains mots un message tente d’être délivré.

 

    Difficile de se dévoiler de manière explicite. Et même si les paroles n’osent pas franchir les lèvres. Même si les mots ne dépassent pas la frontière de la pensée. Même si les gestes se font réservés. Les sentiments eux se font ressentir et dans les yeux s’expriment sans permission.

 

    Cette lettre fut plus longue que prévu. Mais comme tu le sais, quand on écrit avec le cœur, quand on a envie de dire des choses alors on ne peut plus s’arrêter et les lettres s’impriment d’elles-mêmes. J’espère ne pas t’avoir ennuyée en te racontant ma vie passée et présente. Dans cette lettre que toi seule pourras définir.

 

 

Tu sais qui je suis

Ta partition

    Un bruit au loin. Une sensation de déjà-vu. Un son qui te rappelle des souvenirs. Tu t’en rapproches malgré toi. Tes pas te guident vers ces notes. Tu ne sais pas où cela t’emmènera, mais tu ne peux t’en empêcher. L’impression de retomber dans la ronde des souvenirs. De la joie de la nostalgie. Tu sautilles tandis que tu te rapproches. Tu te sens de plus en plus enveloppé par le bruit de la rue auquel se mêle ce petit quelque chose. Tu as un doute. Tu ne distingues pas clairement ce que cela peut être. Tu hésites. Tu crois reconnaître une guitare. Tu t’avances. Une rue puis une autre. Tu cherches l’origine de cette mélodie des souvenirs qui devient plus qu’un simple bruit au loin.

 

    Soudain tu vois une forme bouger. Au coin de l’allée. Une guitare dans les bras d’une personne que tu connais bien. La silhouette semble danser sur les notes. Un hypnotiseur. Tu te prends alors au jeu. Tu cours vers lui attrapant la guitare dans ton dos. Elle était là depuis le début. Tu ne savais pas au moment de sortir si tu l’utiliserais, mais le moment était le bon. Tu te places à ses côtés. Tu grattes les cordes en rythme. Il en profite pour improviser un solo. Puis tu enchaînes sur le tien. Vous discutez à coup de musique. À coup de notes. À coup de rêves.

 

    Le tempo s’accélère. Tu ne perds pas le nord. Tu rigoles quand l’un de vous se trompe dans une note. Un son différent des autres. Mais tout aussi charmant. De l’originalité naît la différence. Celle qui nous rend tous uniques. Tu utilises maintenant ton instrument comme percussion. Détourner les objets comme l’on peut détourner le mot. Rajouter une nouvelle dimension. Un sens supplémentaire, un degré de plus qui n’est pas toujours à prendre au sérieux. Chacun possède le sien. Chacun avance à son rythme et change les choses à sa manière.

 

    Tu ressens la musique au fond de toi. Le morceau d’avant te donnait envie de chanter et danser. Mais dans celui-ci ta gorge se serre. Un nœud dans l’estomac quand les doigts glissent avec délicatesse sur les cordes. La mélodie des souvenirs. Le passé n’est pas toujours rempli de joie. Les épreuves font ce que nous sommes. Chaque cicatrises qui nous composent à sa place et ne doit être caché. Elles s’expriment et font que nous soyons aussi forts. Elles sont à l’origine du masque de certains et du mur de d’autres. Mais la musique elle, traverse les murs, balaye les masques. Les larmes glissent et s’écrasent sur le sol. La voix est cassée. Surplus d’émotion qui remontent, mais il faut savoir affronter ses démons pour se relever de nouveau. Ne jamais rester au sol. Toujours avancer. Et même si la vie nous fait trébucher. Même si elle nous fait prendre des chemins détournés. Un jour on retrouve celui qui nous fait vibrer. On ne se redresse et on n’avance pas après pas dans cet univers.

 

    Toi c’est la musique ton moteur. Les notes remplacent les oiseaux. Les partitions à la place des sentiers. Les instruments qui volent et qui chantent. Cette chanson raconte leur histoire. Elle raconte ton histoire. Elle te marque. Elle te blesse. Mais elle garde espoir. Un jour le soleil sur la route et la ballade grise se métamorphosera en un rythme plus joyeux. Tu danseras sur la partition de la vie suivant la voix que tu t’es choisie. À toi d’écrire la partition de ta vie. À toi de chanter fort aujourd’hui.

 

    Une lueur d’espoir dans les yeux. La tête relevée vers la silhouette amicale à tes côtés. Tu entonnes le refrain. Tu es remontée. Il prend une forme tout autre. Tu es fière. Tu oublies le monde l’espace d’un instant. Tu es libre. Tu n’as pas de masque. Tu n’as pas de barrière. Les notes les ayant détruits. Il n’y a plus que toi et ta guitare. À toi de jouer et de foncer sur la partition de la vie.

L’Oiseau

    Un pas en avant. Un pas en arrière. Journée soleil. Nuit tonnerre. Marionnettiste en chef. Maitre des mouvements de l’être de chair. Être qui se meut aux bons vouloirs des éléments. Être un peu douteux qui voudrait aller de l’avant. Il tend le bras, mais est retenu. Il tend une jambe, il est maintenu. Il ne peut se défaire, il ne peut se soustraire. L’optimisme lui fait dire que tout ira. Le réaliste lui voit le brouillard là-bas. Le pessimiste lui il n’est pas. Il cherche le positif. Il rejette le négatif.

 

    Être de paradoxe. Il s’évade dans la musique qui l’enferme dans les souvenirs. Il tente d’oublier le passé en ayant peur de l’avenir. Il s’éloigne sans supporter d’être seul. Il se voudrait fort, mais aussi craintif que l’écureuil. Il pleure plus qu’il ne rit. Il a peur la nuit. Il voudrait se protéger. Cherche une sécurité, un pilier. Quelque chose qui ne pourrait s’effondrer. Il aimerait sortir plus souvent. Il n’est pas à l’aise avec trop de gens. Les espaces clos l’enferment. Peur de la foule qui se démène. Il ne veut pas devenir un mouton du troupeau. Il n’a plus la force de remonter le fil de l’eau. Au cinéma il arrive à pleurer, devant un film pour enfant qui fait rigoler. Trop émotif. Émotion à vif. Il cherche à se soigner. Une protection pour souffler.

 

    Alors, il écrit. Il écrit ses pensées, sans vraiment se relire… Il ne sait pas ce que cela peut donner. Le marionnettiste lâche du lest. Quelques fils déjà brisés. Peut-être tous, mais pas la pensée. Il continue de mener la danse sans même avoir un seul lien. Une pensée un souvenir il s’agrippe puis repart aussi vite. Il est tenace et non invincible. Un chemin long. Non impossible. Gardons le verre à moitié plein. Des pensées qui font du bien. Un grand coup de musique. Remède contre les idées noires. Un peu de couleur. Un peu de baume sur le cœur.

 

    Le petit être de bois doit reprendre confiance en soi. Ne pas se dénigrer. Faire des efforts cela va payer. La ballade est difficile, mais elle en vaut la peine. La montée est toujours la plus dure, mais le paysage au sommet est des plus beaux. Aller je t’attends là-haut,

 

dit l’oiseau.

Un livre

    Livre ouvert, tu écris ta propre histoire. Une lettre après l’autre. Tu noircis les pages. Tu es le maître. Celui de ton récit. Mais, tu n’es pas à l’abri des imprévus. Une bourrasque qui empêche la plume de se poser. Un coup de vent qui de sa ligne la fait dévier.

 

    Cependant, tu n’abandonnes pas, tu avances, quitte à devoir te confronter aux éléments. Tu ne les laisses pas te dominer. Ni te faire mettre le livre de côté. Tu as envie de connaître la suite. Écrivain. Acteur. Tu fais glisser ta plume sur les pages sans savoir le mot que tu dessines avant de l’avoir fini. Tu ne sais quand le chapitre ou le livre se clôturera. Tu n’as pas envie de le finir.

 

    Non.

 

    Tu as tellement de choses à dire. Un tome ne sera pas suffisant. L’histoire de la vie maintenant définie comme un livre. Les jours devenant des pages. Les mois des chapitres. Découpage approximatif. Un peu à l’instinct. Tu trancheras à la fin. Cette pensée ainsi imagée se pose le problème des interactions.

 

    Chaque histoire est un livre. Un livre au nombre de pages infini. Le lien qui unit deux personnes ne peut être qu’un nouveau recueil. Une nouvelle ou un long roman. De nouveaux mots sur le papier écrivent par deux plumes. Tu n’es plus l’auteur d’un unique, mais d’une bibliothèque qui grandit à mesure des rencontres.

 

    Ouvrage central liant les histoires les unes aux autres. Une infinité de possibilités. Une infinité d’histoires à explorer. À écrire à dessiner. Ta plume s’attarde sur un livre plutôt que sur les autres. Des pensées attrapées par celui-ci et non par un autre. Une histoire qui se noircit au fil des jours. Un conte comme celui raconté à un enfant. Une suite attendue avec impatience. Un cadavre exquis où chaque chapitre dépend de la plume précédente.

 

    L’histoire s’écrit sous tes yeux. Tu n’as qu’une envie : en savoir plus. Et même si des pages séparent chaque mot. Et même si certaines se déchirent. Que l’encre s’efface par moment. Tu t’accroches. Tu découvres cet unique en écrivant l’ouvrage commun. Tu entres dans une nouvelle bibliothèque. Mais es-tu prêt à ouvrir la tienne, ton jardin secret, ton entre des mots et des vers ? Tu avances. Tu aimes ce que tu découvres. Curieux. Tu te poses doucement la question : est-ce vraiment cela l’amour ?

 

    Un livre clé d’une bibliothèque infiniment riche attirant la curiosité de quiconque commence à s’y attarder.

 

    Tu venais de te faire avoir. Attiré malgré toi des pages vers ce lieu inconnu. Plus tu en lis tu as envie de lire. Cercle vicieux. Tu es mordu. Mordu de cette lecture. Les pages se dévoilent une à une. Tu te surprends, impatient d’en savoir plus. De découvrir de nouveaux chapitres. Comme accro à cette lecture. Accro à ce nouveau livre qui s’écrit de deux plumes légères. Tu as peut-être trouvé ta propre définition de ce que certains appellent l’amour avec un grand a.

 

    Reste seulement à voir où le cours des pages qui se tournent chaque jour vous guidera. En attendant, les plumes encrent les pages et dansent sur le papier. Rythme de la vie et des imprévus. Des bourrasques et des fuites d’encre. Quelques bavures viendront sûrement abîmer certaines pages. Le plus important : rester ensemble sur celles-ci. Écrire d’une même voix et non chacun pour soi. Un livre qui s’ouvre, mais qui promet déjà son lot d’émotions. Roman d’action ou poème romantique. Tragédie grecque ou telenovelas trop belle pour être vrai. Cela tu le découvriras tout seul.

 

    Ne te pose pas trop de questions. Joues. Souris. Vis tout simplement. Écris dans l’instant présent. Ne t’enferme pas dans ta bibliothèque. Ne la ferme pas à ceux qui veulent la découvrir sans pensées mauvaises. Libre, la plume écrit son histoire, auteure-actrice-héroïne d’un livre dont elle ne peut connaître le dénouement. D’autres ouvrages à découvrir des trésors cachés dans les pages. Chaque relation un nouveau livre qui garnit chaque jour un peu plus la bibliothèque des mille et une merveilles.

 

    Ouvrage central, le plus vieux, le plus grand, le plus abîmé. Annoté. Des renvois multiples aux étagères. Aux divers livres de lien. Et chacun faisant le pont entre deux ouvrages principaux. Histoire difficile à établir. Points de vue multiples en jeu. Alors, jouons.

 

    Jouons avec les mots et dansons au fil des pages.

A supposer que

    A supposer que la musique, cette douce imbrication, non pas que nous parlerons de maçonnerie par ici et par ces quelques mots, même si la métaphore des travaux manuels, comme les métiers du bâtiment, mais aussi les arts les plus minutieux, pour ne citer qu’eux, l’on pourrait aborder le sujet d’un qui est très adapté, mais je crois qu’ici n’est point la question, que je repositionne de ce pas, ou plutôt dans l’instant au plus rapidement, enfin rapide le temps de quelques mots pour retourner à ces notes, pas celles que l’on pose dans un coin d’un papier et que l’on ne relit quand relecture il y a, que rarement, pas celles dans le téléphone, outil de technologie très développée qui accélère en ralentissant les interactions, que nous avons entre nous, nous qui sommes humains utilisant la technologie pour communiquer avec les autres sans nous comprendre parfois, celles de nous encrons sur les partitions, ces lignes parallèles lues, comme on peut lire de la musique, car je ne me considère pas ici comme experte dans le domaine, mais comme simple admiratrice du travail des musiciens et virtuoses dans le domaine, dans une certaine globalité, guide, tel le fil d’Ariane dans un labyrinthe qui se pourrait être celui de la vie dont on cherche tous la sortie sans vraiment la trouver, ne trouvant qu’un chemin s’en approchant la frôlant parfois, nos pas, qui se dessinent dans la neige franchement tombée si on suppose que le climat s’y prête, vais-je si, nous entrons ici dans une nouvelle interrogation, en espérant que vous n’avez pas oublié le début de la phrase qui devient de plus en plus longue, à mesure que je continue de l’écrire et de la former sous de nouveaux mots qui se rajoutent à la suite des autres, je n’entends rien ?

 

    À supposer que la musique guide mes pas, où vais-je si je n’entends rien ?

Notre différence

    Il y a ces jours où écrire peut faire du bien. Où poser de simples mots sur le papier ou l’ordinateur aide à aller mieux. Où juste des lettres les unes à la suite des autres s’enchaînent sans forcément de raison. Mais faut-il toujours écrire avec une raison ? Avons-nous toujours une raison d’écrire ? Ne pouvons-nous pas tous simplement laisser notre corps choisir ce qu’il a envie de faire ? Ce qu’il a envie de dire ?

 

    Et si, nous laissions notre cerveau de côté ? Et si, nous laissions notre corps s’autoguider ? Arrêtons de nous auto barrer la route et d’être nos propres marionnettes aux ficelles de fer. Nous sommes bien plus que cela. Bien plus que de simples robots analysant les autres pour mieux s’intégrer. Bien plus que des caméléons imitant les réactions communes pour passer inaperçus.

 

    Qui sommes-nous vraiment si nous ne sommes pas nous-mêmes à cent pour cent ? Qui sommes-nous quand nous avons ce masque de la société ? Qui est ce masque qui fait partie de nous et que nous avons tant de mal à retirer ou simplement accepter ? N’est-ce pas une facette de notre personnalité que l’on aimerait être au plus profond de nous et que nous servons comme illusion à autrui ?

 

    Nous sommes faits pour le théâtre. Nous ne sommes que de grands acteurs sur la scène de notre propre vie. Mais nous sommes aussi de piètre comédien quand il s’agit de jouer son propre rôle au naturel. Nous nous adaptons. Nous imitons. Nous analysons. Nous faisons comme les autres pour paraître moins bizarres. Moins nous-mêmes. Plus eux-mêmes.

 

    Et si la marionnette brisait ses chaines de fer ? Elle pourrait danser et agir comme bon lui semble. Elle pourrait aller voir cette personne dans un coin pour lui l’inviter sur la piste. Elle pourrait rayonner au centre de la scène de son propre théâtre miniature et faire valser les frontières qui l’encadrent. Elle pourrait découvrir le monde et oser sans se faire retenir par les fils de la société.

 

    Et si le robot mettait fin aux analyses ? Il pourrait laisser son cœur choisir. Le laisser le guider et lui dire ce qui est bon. Il pourrait se faire confiance pour aimer ou détester. Il pourrait dire non comme oui avec ferveur. Il ne se priverait pas. Il ne se bloquerait pas. Il pourrait répandre ses sentiments colorer sur la toile grisâtre des lignes de codes et circuits imprimés qui guident ses analyses et ses actes. Il pourrait être libre de lui-même.

 

    Et si le caméléon arrêtait l’imitation ? Il pourrait ne plus être un simple mouton dans le groupe. Il pourrait s’affirmer et aller à contre-courant. Il pourrait dire et faire ce qu’il pense sans avoir peur du jugement. Il pourrait envoyer en l’air les codes et les règles absurdes que l’on respecte sans savoir pourquoi. Il pourrait être celui qui s’inquiète et qui est attentionné juste pour le plaisir et sans attendre une chose en retour. Il pourrait être lui tout simplement.

 

    Et si le masque tombait pour de bon ? Nous ne serions pas plus bizarres ou différents. Nous serions juste uniques et nous-mêmes. Nous serions les meilleurs acteurs de cette scène, car nous ne jouons pas. Non loin de là. L’authenticité. La spontanéité. L’originalité. Nous sommes nous jouant à la perfection notre propre rôle que nous avons-nous même écrit. La société n’est pas le metteur en scène du théâtre de notre vie, elle est une simple figurante et nous en sommes à la fois, acteur, scénariste, metteur en scène, réalisateur, accessoiriste, et public. Nous rions, pleurons, râlons, aimons dans ce théâtre, mais avant tout nous sommes nous.

Il était une fois

    Il était une fois, il y a fort longtemps, dans un petit village perdu au milieu des bois, un jeune homme des rêves pleins la tête et des…

             

    Non, mais écoutez-le, on dirait qu’il va nous rejouer un de ces contes pour enfants de cape et d’épée ! « Il était une fois, il y a fort longtemps dans un village perdu… » Et puis quoi encore ? Un dragon ? Des combats à l’épée ? Une princesse à sauver ? Tu ne peux pas trouver mieux, là tu es plus que dans le cliché mon ami. Aller reprends donc, un peu plus original cette fois-ci.

             

    Donc… il n’était pas une fois, dans une grande ville mondaine…

             

    Stop. C’est quoi ça ? Je t’ai demandé un truc original pas totalement décalé. Reprend avec ton « Il était une fois » c’était pas mal.

             

    Il était une fois, dans le petit village de Vignes-Raisins, un jeune homme. Un jeune homme au look banal, rien de bien original. Il aimait bien rêver, rire et jouer. Il ne pensait pas vraiment au lendemain.

             

    Tu es vraiment sérieux avec ton histoire ? Tu ne peux pas faire un peu plus original ? Un gars paumé, qui rêve et qui ne pense pas au lendemain… « Carpe Diem » ? Dis-moi que c’était une blague… tu ne peux pas lui donner un peu de peps, d’innocence, de vie, d’histoire ! Un peu de magie ! Je sais pas moi change d’univers, au lieu d’être dans le Moyen Âge et la fantasy, bascule dans le fantastique. Rajoute des Minotaures.

             

    Des Mino quoi ?

             

    Des Minotaures, faudrait que tu revoies ta mythologie. Enfin, tu vois ce que je veux dire ? Aller reprend. J’essaye de ne plus t’interrompre. Enfin j’essaye…

             

    Reprenons alors…

 

    Il était une fois, dans un petit village français, une maisonnette où vivaient un jeune homme et sa mère. Si l’ambiance pouvait avoir une couleur, elle serait grise. Ternie par les larmes qui coulaient. Noircie par la disparition de la fille et sœur. Ce faisait un an jour pour jour que celle-ci n’était pas rentrée à la maison. Un an que le frère remuait ciel et terre pour la retrouver. Sa mère, elle était trop fatiguée. Il lui avait promis. Il voulait tenir sa promesse. Alors malgré le jour symbolique, il se décida de retourner au village voisin pour tenter de nouveau d’avoir des renseignements. Son ancienne piste l’ayant conduit à une impasse, il devait tout reprendre…

 

    Notre jeune Jack était motivé. Il ne doutait pas qu’un jour, il retrouverait sa sœur et le sourire de sa mère apparaîtrait de nouveau. Il espérait pouvoir trouver une nouvelle piste aujourd’hui. Une piste qui le mènerait jusqu’à la disparue. Mais en attendant, il marchait dans les rues pour rejoindre le port Quiberon côté Initié. Un de ses amis de l’équipe de Baseball local avait réussi à avoir des informations. Il avait rendez-vous. Il avançait, avançait vers cet espoir, lorsque sa route croisa ou plutôt heurta celle d’une jeune fille qui semblait bien affolée…

 

    – Doucement, mademoiselle, que se passe-t-il ? Je peux vous aider ?

 

    La jeune fille aux larmes qui s’écrasaient sur le sol avait un peu de mal à parler. Puis son regard sembla attrapé par quelque chose et elle bredouilla deux ou trois mots.

 

    – Mon chaton… échappé…

 

    Héros au grand cœur…

 

    Ne me dis pas que tu vas le faire courir après le chat ? Il a sa sœur à sauver, déjà j’ai rien dit pour les clichés, mais là… Tu ne vas pas faire cela, si ?

 

    Héros au grand cœur, Jack rassura la jeune fille d’une main sur l’épaule et s’élança à la suite du quadrupède dans le dédale des rues. Oubliant l’espace d’un instant son objectif premier.

 

    Tu m’ignores maintenant ? C’est nouveau. Puisque c’est comme cela continue dans ta non-originalité…

 

    Il poursuivait le chat d’un noir se mêlant aux ombres à travers des rues qu’il ne reconnaissait pas forcément tout. Il ne réfléchissait pas vraiment. Il esquivait les passants et les autres animaux pour atterrir dans une petite ruelle de la ville assez étroite. Il entendit un miaulement, il eut tout juste le temps de sauter par-dessus le chaton avant de faire deux pas et tomber à la renverse trébuchant sur quelque chose ou plutôt quelqu’un.

 

    – Vous pourriez prensdre grand-garde…

 

    Le héros releva doucement la tête. Face à lui, un chat aux yeux vairons le regardant fixement. Ce n’était pas son chat. Celui-ci semblait bien accompagné. Sûrement le père du petit évité peu de temps auparavant.

 

    – Il est haustement disgracieux de choir sur meilleur que toi de cette manière socialement fort discourtoise !

 

    Jack était confus, pensant sur le coup s’être cogné la tête un peu fort.

 

    – Un chat qui parle ? Je dois…

    – Or donc rustre enfançon, m’est avis que tu pourrais t’élever de ton séant ! Je ne suis guère un vil félin crasseux et vagabond ! Il m’incombe de te révéler que nous sommes vertueusement dissonants.

 

    Jack n’en croyait pas ses oreilles. Il ne se fit pas prier et se leva d’un bond. Faisant peur à la petite troupe de chats aux yeux particuliers au passage. Il examina le sol et remarqua une petite forme s’essuyant la poussière. Il s’accroupit à sa hauteur et commença à approcher la main comme pour vérifier ce qu’il voyait, mais se prit une tape dessus par l’objet en mouvement.

 

    – Aïe. Depuis quand une… enfin un machin comme cela parle et en une sorte d’ancien français en…

    – J’exige un minimum de respect en mon endroit, Je ne suis point objet de gueuserie. Et j’eus pu être ton concepteur au regard de mon âge ! Un initié au funeste destin tel que moi, maléficié à vivre mille tourments, claquemurés dans un jouet pour enfant. Mais… mais quelle est donc cette effronsterie ? Repose-moi séance tenante !

    – On va voir l’initié-médecin de la ville, il aura sûrement une solution. Il n’est pas loin…

 

    L’objet à la forme d’ourson en peluche et tout d’engrenage vêtu sous le bras, le jeune homme s’élança dans les rues. Tentant de retrouver son chemin, jusqu’à l’antre des potions et runes de l’ancien. Il l’avait bien guidé. Un ancien ami du père de Jack, le vieil homme à la longue barbe grisonnante, vivait près de ses ustensiles. Toujours prêt à créer une nouvelle potion, un nouveau remède. Il aurait certainement la réponse aux questions de notre jeune héros et de son problème de chose parlante.

 

    Quelques minutes plus tard, le jeune homme franchit un peu essoufflé la porte de la petite boutique. Elle regorgeait de mystères et d’objets en tous genres. Des pendentifs runiques aux chaudrons en passant par des poupées vaudou et des fioles remplies de substances aussi étranges les unes que les autres. Jack s’attarda un instant. Il observait, analysait. Il avait l’impression que ce lieu avait sa propre vie et n’était plus le même d’un jour à l’autre.

 

    Alors qu’il se perdait dans ses réflexions, la peluche gigotant toujours sous le bras, des paroles le réveillèrent.

 

    – Bien le bonjour, Jack Junior, comment vas-tu ? Cela fait longtemps que tu n’es pas venu mon ami. Que me vaut le plaisir de ta visite ?

 

    Jack se retourna aussitôt. Le vieil homme aux allures de père Noël se tenait près de lui. Il ne l’avait pas entendu venir trop occupé à tenter de deviner l’utilité des outils sur l’étagère face à lui.

 

    – Bonjour Mr DuChêne, je vais très bien merci. Je suis toujours à la recherche de ma sœur, mais en chemin j’ai croisé cette drôle de… enfin vous voyez, il dit être un initié.

    – Mon nom baptismal demeure ToyNoc, adoubé Sir à une époque où vous n’étiez point né ! Or donc, jeune impertinent, il serait en ma convenance de pouvoir fouler de mes prospres pieds ce sol consacré ! J’éprouve mille ravissements de vous rencontrer, mestre Duchêne. J’ai ouï dire par la bouche même de mon tourmenteur que vous auriez la faculté de m’être d’une précieuse aidance…

    – Désolée Toy, mais je n’aimerais pas que quelqu’un te marche dessus…

    – J’exige le respect de ma titulature : SIR ToyNoc !

    – Vous n’allez pas vous disputer ici, nous devons trouver une solution pour ce monsieur ToyNoc, suis moi Jack, on va dans mon laboratoire…

 

    Jack qui n’avait pas reposé la peluche, suivit l’ancien. Son laboratoire comme il aimait bien l’appeler était un antre des potions dans l’arrière-boutique. Les murs étaient couverts d’éprouvettes et de livres. Le bureau se cachait sous les feuilles et les crayons. Le sol disparu. Il fallait faire preuve de ruse pour marcher sans rien abîmer.

 

    L’homme marmonna quelque chose dans sa barbe et indiqua à Jack de rester à sa place. De son côté, l’homme arbre nageait dans ses notes. Courrait vers les livres qui rejoignaient le sol les uns après les autres. Il semblait avoir une idée en tête et ne voulait pas en démordre.

 

    Tout à coup, un petit bruit attira l’attention du héros. Ce dernier vit sur le sol un petit engrenage en tous points identique à ceux qui ornaient la peluche. Il paniqua alors. Il savait qu’il ne devait rien toucher dans le laboratoire, mais il ne pouvait pas laisser la peluche tomber en morceaux. Il se pencha alors vers le sol discrètement en essayant de ne pas se faire voir par le savant. Il ne voulait pas se faire sermonner. Mais quand il s’apprêta à frôler la pièce de métal, il sentit qu’on le poussait dans le dos et il tomba sur la pièce…

 

    Il va se faire kidnapper par des grands méchants c’est ça ? Quelle imagination !

 

    Tu pourrais me laisser faire ?

 

    Mais oui, mais pas de kidnapping…

 

    Un bruit. Un atterrissage pas des plus agréables sur le sol. Autour de notre héros la forêt qui s’étendait à longueur de vue. Il ne le savait pas, mais il se trouvait toujours dans le pays de la baguette, mais avait changé un peu de zone géographique. Il avait un peu de mal à se relever. Quelque chose était sur son dos et sauta devant lui. Le félin ébène qu’il avait poursuivi…

 

    – Que fait ce chat ici ?

 

    Il se leva d’un coup. Se rappelant qu’il n’était pas seul. Il ne voulait pas se faire remonter les bretelles une nouvelle fois par la peluche. Il se redressa et observa les environs tandis que le chat se rapprochait de l’objet vivant.

 

    – Mais on est où ? Toy ça va ?

    – SIR ToyNoc, je ne suis point un trivialeque austomate !

    – Excuse-moi ToyNoc, mais au fait comment tu es devenu peluche ?

    – Jack, souffre que je te conte ma geste ! Héritier d’une noble ascendance, je ne mansquais de rien, sauf peut-être de ce que les membres de la roture prise tant : la chaleur humaine. Force me fut de considérer mes géniteurs comme des déserteurs, m’ayant asbandonné aux mains de la domesticité. De l’heure où je fus doué de raison, j’abandonnais les tristes considérations matérielles pour m’abreuver des connaissances compulsées dans les grimoires de la bibliothèque familiale. Le temps filait. Les histoires, les contes d’antan itou des temps modernes enflammaient mon imagination. Rien ne me passionnait plus que les récits des hauts faits d’armes des chevaliers. Or donc, je décidais, alors qu’à peine j’eus ton âge, de rendre courtoises visites à ces preux et d’à mon tour, de revêtir l’armure et de partir en quêste. Malgré ton ignorance crasse, j’ose espérer que tu n’es point étranger aux machineries à parcourir le temps ? Apprends que je me suis aventuré à en confectionner une. Mon entreprise fut couronnée de succès. Une seule chose me faisait défaut : une source d’énergie magique. Qu’à cela ne tienne, je montrais ma dévotion en poursuivant vaille que vaille mon rêve. Hélas, la voie des dieux est insaisissable et il y eut un revers de la médaille. L’affaire prit une forte étrange tournure… Je tombais en pâmoison. À mon éveil, je me retrouvais prisonnier de ce corps, mêlant l’ourson en peluche et ma machine. Longue et éprouvante fut mon errance. Mes pas finirent par me mener en cette cité, cette ruelle. La suite, tu en as été témoin…

    – Oui, j’ai couru après ce chat, puis j’en ai esquivé un, je suis tombé sur toi. On est allé voir Mr Duchêne et on a atterri ici. Maintenant nous devons trouver un moyen de sortir d’ici avant que…

    – Songe tel un proton, avec fulgurance, fragile enfantelet.

    – Un proton ?

    – Oui, demeure positif…

 

    Le petit groupe de trois marchait tranquillement. Le chat devant, un pas lent au rythme de la peluche. Ils discutaient quand soudain devant eux une créature apparue. Un loup qui…

 

    Stop. Le coup du loup c’est du déjà-vu. Tu oublies tes classiques ou tu t’en inspires de trop. La belle et la bête cela ne te dit rien ? Aller transforme moi ce loup rapidement…

 

    Quand soudain un serpent à trois têtes apparut. Sûrement…

 

    Échappé d’un zoo ? J’avoue l’idée est belle, mais soyons un peu cohérent avec l’époque et la géographie. Tu as une autre idée ?

 

    Quand soudain, un douchat apparaît. Il grognait. Semblait très agressif. Pourtant ce chat d’initié à trois queues ne l’était que principalement envers les ennemis de son maître. Jack était un peu déboussolé. Il se mit devant l’ourson en guise de bouclier et sortit sa stèle comme arme. Mais il n’eut point le temps de lancer le moindre sort que le chat lui sauta dessus, lui mordant le poignet et récupérant l’objet magique au passage. Le héros n’eut pas le temps de bouger que l’animal était hors de portée de vue.

 

    Il venait de perdre sa stèle et gagner de la douleur. Le jouet semblait avoir un peu de cœur déchirant le T-shirt du héros à sa manière après lui avoir demandé de s’accroupir, et lui fit un bandage sur le poignet. Jack le remercia du regard. La suite du trajet se fit sans un mot.

 

    Le héros se tenait un peu le poignet. La douleur partait doucement. Il n’osait plus dire mot. Le petit groupe était des plus silencieux, ne voulant pas attirer de nouveau des animaux. Jack avait de quoi se défendre, mais préférait ne pas sortir son épée maintenant. Il pensait qu’au moindre bruit ou mouvement brusque ils se feraient de nouveau attaquer. Le chat semblait connaitre les environs. Jack se contentait de suivre alors que la chose parlante elle se battait avec quelques insectes qui venaient l’embêter.

 

    Après plusieurs minutes, plusieurs heures, le temps n’ayant plus vraiment d’importance quand la fatigue commençait à prendre le dessus, ils découvrirent au détour d’un buisson un énorme portail. Il était grand ouvert sur une entrée magnifique, bien entretenue et remplie de verdure, de fleurs et de couleurs. Au bout du chemin, quelques marches et une porte. Une tête de lion en guise de heurtoir. Un animal majestueux par plus d’une fois représentée. Un beau symbole pour ce château immense au cœur d’une forêt…

 

    Tu commençais bien, c’était super l’histoire du croup et là action suivante tu retombes dans le cliché ! Et il se passe quoi ? Tu vas le faire toquer à la porte ?

 

    Oh je n’y avais pas pensé merci pour l’idée…

 

    Le héros s’avançait traversant le portail, guidé par la fatigue et l’envie de se poser sans risquer de perdre la vie. Le chat en retrait et la peluche, elle se tenait aux côtés de notre apprenti chevalier qui fit signifier sa présence à la grande porte en interrogeant le lion.

 

    Une minute à peine passa avant que l’énorme morceau de bois ne bouge. Il s’ouvrit sur une petite tête brune aux longs cheveux qui volaient quand tous les sens à mesure de ses mouvements. Sans un moment pour l’étranger à sa porte, elle s’approcha intriguée de l’objet à ses pieds. Son regard venait de changer et son sourire était celui d’un animal…

 

    – Oh un nouveau jouet, il bouge en plus… Viens que je te dissèque, je vais te retirer quelques boulons… Je…

 

    Clé à molette dans une main, scalpel dans l’autre, elle semblait sérieuse dans sa folie. Jack n’était pas très courageux, il reculait doucement. Peluche, elle s’était accrochée à sa jambe et quand la jeune fille fut à leur hauteur. Quand elle s’apprêta à donner le premier coup…

 

    – Viens là !

 

    Une seconde jeune fille. En tous points identique à la précédente, mais son visage semblait plus… doux. Ses cheveux tressés en arrière. Elle avait un quelque chose plus calme et venait d’attraper l’objet dans ses bras. Sûrement des initiés.

 

    – ToyNoc !

 

    Jack fit un pas, mais fut rapidement arrêté par la jeune chirurgienne. Il prit soin de ne pas faire de mouvement pouvant énerver la brunette tandis que sa sœur paraissait aimer son nouveau jouet. Elle le câlinait puis l’embrassa sur le haut de la tête. Puis dans l’instant, un homme au haut de forme couvert d’engrenages fit son apparition. L’ourson n’était plus, à sa place, un adulte dont le bras disparu était remplacé par du métal. Une redingote, un monocle, une montre à gousset rangé dans le veston. Il semblait venir d’une autre époque et pourtant…

 

    – Et bien, engeances bouffies d’ingratitude ! Est-ce là une manière d’honorer ses démiurges ?

 

    Le héros un peu perdu cherchait le parent numéro deux quand ce dernier passa de chat à jeune femme. Il commença à trembloter. Et recula, petits pas à petits pas. Tandis que la famille se réunissait.

 

    – Je… Je vais vous laisser en famille, ravie de vous avoir rencontré ToyNoc…

    –  Attarde-toi à nos côtés, aimable jouvencet

 

    Une stèle de sortie. Une rune dans les airs, le voilà dans l’inconscience. Cela fut rapide. Simple et efficace. Le sorcier était fort, mais le héros lui était déboussolé par les événements.

 

    Les cachots du grand château étaient sombres et poussiéreux. Des toiles d’araignée décoraient les murs et les recoins tandis que les rats faisaient entendre leur présence à quiconque tendrait un peu l’oreille. L’humidité, la froideur des murs et l’absence de lumière n’amélioraient pas la situation. Le lieu n’était pas des plus accueillants et pourtant nous y retrouvons notre jeune…

 

    – Jack… Jack c’est toi ?

 

    Une voix. Bien connue par le jeune homme. Une voix qu’il n’avait pas entendue depuis un moment, un trop long moment. Mais il la reconnaîtrait entre mille. Au-dessus de lui, lui caressant la joue et en la tapotant parfois, sa sœur. Sa sœur disparut depuis un an. Il venait de la retrouver. Il avait des centaines de questions cependant ils devaient sortir d’ici.

 

    Il savait que sa grande sœur maîtrisait les runes de téléportation or le fait de la voir encore ici lui prouvait sans qu’il ait à demander que le sous-sol devait être bien protégé. Il se releva doucement et chercha une issue.

 

    – Cela fait un an que j’essaye Jack, rien. Il n’y a pas de solution… à part prier.

    – Alors, prions Stella, mais nous sortirons. Il doit y avoir un moyen. Envoyez-nous un signe.

 

    Le jeune homme s’adressa au plafond. Comme si les étoiles pouvaient lui répondre. Il n’y croyait pas lui-même quand une voix se fit entendre.

 

    – Le Sir a un secret caché dans la bibliothèque.

    – Mais où est cette fameuse bibliothèque ?

    – Rapproche-toi des étoiles et tu la trouveras.

    – Mais cela ne nous aidera pas à sortir d’ici.

    – Des mots non, mais ceci peut-être…

 

    La fille à la tresse était là. Elle semblait différente moins en retrait. Elle tenait la clef dans la main et la tourna dans la serrure. Le frère et la sœur ne comprirent pas. Devant les regards d’incompréhension, cette dernière ne put s’empêcher de laisser échapper quelques mots.

 

    – Il faut mettre fin au mystère et j’ai besoin de changer d’air.

 

    Jack comprit où voulait en venir la petite. Il posa une main sur son épaule et glissa l’autre dans sa poche. Il en sortit un fourreau qu’il accrocha à sa ceinture et un bouclier qu’il scella à son bras. Même blessé, il était prêt.

 

    – Je vais vous sauver, attendez ici mon signal.

 

    Notre héros s’élança. Montant les escaliers quatre par quatre. Il cherchait à atteindre les étoiles. Son but : trouver la bibliothèque. Il ne tarda pas à trouver l’antre des savoirs. Il avait pris soin d’éviter le chat, mais il n’avait vu personne comme si dans le château ne vivaient que des fantômes. Comme si tout cela n’était qu’un rêve.

 

    Il referma derrière lui la porte. Les pages de connaissances étaient de partout. Les murs entiers étaient recouverts jusqu’au plafond qui semblait monter toujours plus haut. Au sol, des bureaux bien rangés. Un globe au centre de la pièce et dans l’axe de la porte un tableau. Sur le seul mur où aucun livre n’était présent. Il s’avança.

 

    – Tiens tiens tiens ! Je perçois ton avidité curieusante face à cette toile de mestre ! L’être représenté, noble esseulé, devint foldingo quand sa moitié trépassa. Aux affres de la vengeance, il n’eut de cesse de vouloir la restrouver. Las, son âme se fourvoya dans l’abîme du sang et de la manipulation, devenus ses seules raisons de vivre. Arpentant des chemins obscurs, il acceptait des contrats sous couvert d’anonymat. Il devint le Sir Esanglant de la Forêt. Oncques n’osait plus en parcourir les sentiers et moultes furent les rumeurs villageoises. Or donc, le Sir avançait vers le crépuscule de son existence et il en portait forts ombrages. Il partit en quêste pour se garantir une jouvence pérenne. Sous les combes de la haute futaie, un signe lui fut envoyé. Il ne tergiversa guère. Au cou de l’animal cornu, il put se repaître. Il jouit alors de la jeunesse et d’ardente vitalité. Les années passant et trépassantes, Il garda par devers lui l’essence vitale de son infortunée victime, comme d’austres conservaient le vin. Vampire, ainsi fut le surnom qu’on lui donna. Le Sir se réjouissait quand des âmes égarées demandaient chemin, il pouvait à ce moment assouvir…

 

    Le héros au bouclier se retourna en entendant la porte claquer. Il découvrit alors l’homme au chapeau en appui sur sa cane avec derrière lui la folie et la discrétion. Il n’hésita alors point la moindre seconde. Il devait sauver les femmes du château.

 

    – ToyNoc réglons cela dans les règles de l’art. Un combat jusqu’à capitulation totale !

    – C’est SIR ToyNoc petit effronté. Tu n’es pas digne de mourir de mon épée et puis que vas-tu faire sans stèle ?

 

    Ce fut alors au tour de Jack de sourire. Un sourire à faire retourner les spectres des lieux dans leurs tombes. Il avait ce petit côté diabolique et calculateur. Il dégaina son épée sous l’œil rieur du maître des lieux. Il la pointa sur son adversaire à distance comme quand on lance un défi puis murmura quelques mots en dessinant quelques formes de la pointe de l’épée. Discrétion et Folie se retournèrent alors vers l’homme à cane.

 

    – Tu n’es pas le seul à connaitre des tours.

 

    L’épée n’était qu’illusion. Celle-ci disparut laissant place à une stèle. Une rune d’attaque. Le sir s’était fait avoir par la ruse du plus jeune. Ce dernier savait qu’il ne pourrait pas rivaliser dans un combat magique à la loyale. Le Sir était bien plus fort et expérimenté. Mais, Jack avait beaucoup appris en cherchant sa sœur. Il s’était entraîné et gardait toujours deux stèles. La première celle qu’il avait acheté en entrant à l’école. La seconde dont la longue garde faisait penser à celle d’une épée et pourtant la magie s’en échappait.

 

    – Par quel prosdige as-tu…

    – Un peu de silence !

 

    Deux dessins. Une statue remplaça l’homme. Le jeune homme tomba à genoux. Il était à bout d’énergie. Près de lui la femme s’était approchée et l’aida avec précaution à se redresser. Elle avait un regard rempli de culpabilité. Et pourtant elle n’était pas responsable. Elle s’était fait manipuler comme les deux jumelles.

 

    En repensant à cela, Jack lança un dernier sort. Un appel. Un lionceau sortit de sa baguette et fonça vers les cachots. Le lieu reculé atténuait l’emprise de l’homme pierre. Depuis que ce dernier ne pouvait plus se mouvoir à cause du sort principalement réservé pour solidifier les sols et objets, son contrôle sur le château semblait avoir disparu. Et, une fois les deux jeunes femmes les ayant rejoints, des présentations et explications s’imposèrent et la femme chat prit la parole.

 

    – Je tiens à vous remercier de votre aide, je suis Jane Doe, initiée-détective, je me charge principalement de disparitions d’enfants. Un jour, les parents des deux jeunes filles ici présentes sont venus me voir pour m’engager. J’ai remonté leurs traces jusqu’à ce château, mais je n’arrive pas à me souvenir de ce qui s’est passé après. Je sais juste que mon esprit ne contrôlait plus mon corps. Si vous permettez, je tiens à vous exprimer ma gratitude, je vous dois une faveur, n’hésitez pas si je peux faire quoique ce soit pour vous.

    – Ramenez simplement ces deux jeunes à leurs parents, ils doivent être bien malheureux et puis cet homme… Il faudrait expliquer à la police runique.

    – Je m’en occupe. Il va passer quelque temps à l’ombre. Merci encore

    – Merci Jack, de nous avoir sauvées.

 

    La jeune femme demanda aux jeunes filles de la tenir pendant qu’elle-même attrapait la statue. Elle sortit de sa poche un stylo et appuya après un sourire sur le bouton. Dans un bruit sourd, les quatre personnes disparurent.

 

    Ce n’est pas un peu simple le coup du stylo magique ?

 

    Tu vois un moyen plus cohérent pour faire voyager quatre personnes ?

 

    Pas faux on peut dire qu’elle le gardait en cas d’urgence, mais n’a pas pu l’utiliser à cause du contrôle mental ?

 

    Oui on va dire cela… Tu me laisses terminer ?

 

    Bien sûr… Même si je devine déjà la fin.

 

    La sœur prit la main de son frère. Un regard puis ils n’étaient plus. Le château retrouva son calme d’antan. Il n’avait plus de maître, mais bientôt un étranger se perdrait de nouveau dans ces contrées françaises reculées et prendrait à son tour le contrôle des lieux. Mais en attendant, suivons une dernière fois notre héros aux mille mystères.

 

    Le frère et la sœur venaient d’arriver devant l’entrée de la maison. Maison où la mère pleurait, n’ayant plus de nouvelles de son fils après avoir perdu son aînée. Un toc contre le bois. Des pas dans la maison. La porte s’ouvrit timidement. Puis la femme eut une expression indescriptible qui lui passa sur le visage. Ses enfants étaient de retour. Elle n’en revenait pas. Elle n’en croyait pas ses yeux. Elle les fit entrer avec précipitation et Jack referma la porte avant de rejoindre l’accolade familiale.

 

    Ainsi s’achève notre histoire. La famille était de nouveau au complet pour le plus grand plaisir de tous. Et leur aventure fit le tour du village, un conte pour enfants dont le chevalier blanc portait le nom de Jack le brave et dont le méchant n’était autre que le Sir ToyNoc…

 

    FIN, fermeture de rideaux.

 

    Le public se leva. Les jeunes avaient réussi à les faire retourner en enfance, le temps d’un spectacle. Qui aurait cru qu’un simple concours d’improvisation sur le thème des contes donnerait une histoire pareille ?

Les cerisiers

    Une annonce. Une phrase. Un mot. Un blocage. Le cerveau qui n’arrive pas. Le cerveau qui ne veut pas traduire. Texte en anglais. Mais, mots qui dépassent les barrières. Émotion dans le message. Réception en plein cœur. Un coup soulagé. Un coup apeuré. Un coup triste. Ne pas savoir comment réagir.

 

    Regard vers le chat. Attrapé. Il a compris. Il ne bouge pas. Il se laisse faire. Une douce musique berce les souvenirs. Descendre maintenant pour avertir. La sensation de ne pas être dans son corps. La sensation de ne pas être à sa place. Regard sans rien dire aux autres membres familles. Compréhension.

 

    Les mots sont parfois de trop. Mais les mots aident. Les mots filent. Les mots blessent. Les mots… Les mots c’est cela que je me souviens le mieux. La voix et les mots. Les expressions et les intonations. L’effort pour parler sur le même filtre. Un vocabulaire tellement riche. L’emploi juste. Plus que juste des mots. « Je jouis d’être ici » magnifiquement représentative de l’instant et de la personne. Des mots qui en cachent d’autres. « C’est marron ? » Un son incompris. Quiproquo de la partie. Marrant et rigolo sont maintenant de nouveau acquis. Cet esprit protecteur et famille. Ce côté respectueux et présent. Petite carte de Nouvel An.

 

    Des détails. Des mots. Parfois les choses les plus simples s’ancrent.

 

    Alors, après un mot doux. Un moment sans rappel. Un moment aux portes du sommeil. Le masque. Craque. Il. Fissure. Souvenirs. Remontés. Vite. Oublier. Ne pas penser. Si. Penser. Voix. Phrase. Écho. Les pensées tournent. Les images défilent. Les sons se mêlent. Les émotions tourbillonnent. Et les larmes, elles s’affolent. La respiration ne sait plus quoi faire. Elle tente de se calmer. Mais non laisser couler. Couler les larmes. Couler les émotions. Couler les sons. Couler les images. Couler les pensées. Les laisser s’évader.

 

    Douleur du moment présent. Bonheur du souvenir de l’instant passé. Ne pas savoir comment se positionner. Ne pas savoir comment on le ressent. Juste ressentir en revivant. Coïncidence des cerisiers. Fleurs qui éclosent au départ de l’être de lumière. Beauté de l’image. Ne plus pouvoir voir ses arbres de la même manière. Mais en même temps…

 

    Pressée de pouvoir les voir. Pressée de pouvoir partager. Un couvert manquant, mais l’esprit présent omniscient. Aller vers la famille. Famille. Un mot. Encore un mot. Sang ou non, elle dépasse les frontières. Elle est entière. Elle n’a pas de langue. Elle est unique pour chacun. Elle est là.

 

    S’envoler bientôt. Sentiments ancrés. S’envoler bientôt. Moitié de famille retrouvée.

 

    Futurs moments partagés.

    Dansons avec les fleurs de cerisiers.

N’omettez pas les détails

    L’orchestre jouait. Douce mélodie. Les instruments comme envoutés. Passion lui dansait. Agitant sa baguette. Il valsait, rythmant le général, le principal. Les idées s’envolaient. Elles s’exprimaient dans les notes. Dans les couleurs des sons. Elles se combinaient pour reformer le tableau.

 

    Sur scène, ce tableau se mouvait. Les ombres dansaient en accord avec les instruments. Une chorégraphie harmonieuse qui s’ancrait dans un décor vaste. Un ensemble englobant. Une explication générique. Des mouvements de tous les jours… en apparence.

 

    En entrant dans le lieu, le tableau n’est pas des plus original. Plutôt un peu banal. L’envie de passer à côté. Ne pas y prêter attention. Mais au moment de rebrousser chemin, une note. Une simple note. Une se distingue. Un pas grand-chose. Un petit rien. Cela suffit…

 

    Un pas devant l’autre. Se rapprocher comme attiré. Un pas après l’autre. S’avancer comme hypnotisé. Une nouvelle teinte de couleur se démarque. Elle s’élève comme un ruban. L’attraper du regard. La suivre jusque dans l’orchestre. En chercher l’origine. Yeux posés sur les musiciens. Ou plutôt sur les instruments.

 

    Des gravures. Des dorures. Des paysages se mouvant sur le bois. Des animaux dansant sur le métal. Des sons exprimant des émotions. Les émotions s’expirant librement au milieu des idées. Les idées comme des notes qui s’ajoutent à la danse.

 

    Un œil sur la scène. Sur les silhouettes. Sur les ombres. Les tenues. Les étoiles. Les nuages. Toutes ces choses que l’on oublie de voir. Les variations infimes de la musique. Les petites pertes d’équilibre des danseurs. Les costumes. Les masques. Les regards. Des petits changements qu’on ne pense pas à voir.

 

    Les sentiments cachés. L’expression de la liberté. Loin de la banalité. Ne pas chercher à se conformer. S’avancer et entrer dans la danse. Monter sur la scène. Laisser de côté le masque habituel. Laisser l’Unique s’exprimer dans les mouvements, dans l’apparence, dans les mots. Le laisser danser sur la partition.

 

    De Passion à l’écrivain, les notes deviennent des mots.

    Sur la partition d’une page blanche, les idées s’agencent.

    La couleur des sentiments, une mélodie hors du tableau.

    Un texte n’est alors qu’une harmonie de détails qui dansent.